Lettre xvii Je vous ai annoncé dans mon avant-dernière lettre, Madame, que je ne vous nommerois que ceux des danseurs et danseuses qu’on peut regarder comme les modèles de leur art ; cependant ceux qui s’efforcent de les copier, ne sont pas sans mérite et je ne hazarderai rien, en avançant que dans le nombre des sujets qui contribuent aux charmes et à la magie des ballets, on en trouverait une douzaine au moins, capables de remplir avec succès les premières places dans les plus beaux théâtres de l’Europe, et qu’ils en feraient les délices et l’ornement. […] Soit inconstance, frivolité ou dégoût, Didelot, des Hays et Laborie ont quitté l’opéra : le premier est à Pétersbourg, le second à Milan, et le troisième à enchanteresse de mouvemens, imprimés par les graces et embellis par le charme des contours, prétoit à leur danse un air céleste. […] Leur brillante exécution étoit compassée ; les belles proportions y règnoient ; une harmonie enchanteresse de mouvemens, imprimés par les grâces et embellis par le charme des contours, prêtoit à leur, danse un air céleste.
Là, plus de dix-huit, ou vingt Belles, Qui sont les aimables Modèles Des plus adorables appas, Y font admirer leur beaux pas, Leurs grâces, leurs jolis corsages, Et les charmes de leurs visages Qui ravissent, qui moins, qui mieux, Les âmes, les coeurs et les yeux. […] Le Sujet, ajusté des mieux Par un Esprit judicieux,48 Dont l’honneur, les Lettres, les Armes Sont les plus véritables charmes, Sujet par qui nous sont connus Les faits d’Amour et de Vénus, N’est pas un Sujet véritable, Mais un des plus beaux de la Fable.
Si notre art, tout imparfait qu’il est, séduit et enchaîne le spectateur ; si la danse denuée des charmes de l’expression, cause quelque fois du trouble, de l’émotion, et jette notre âme dans un dèsordre agréable ; quelle force et quel empire n’auroit-elle pas sur nos sens, si ses mouvemens étoient dirigés par l’esprit, et ses tableaux esquissés par le sentiment ! […] Un beau tableau n’est qu’une copie de la nature ; un beau ballet est la nature même, embellie de tous les charmes de l’art. […] S’il veut persuader, qu’il dessille les yeux trop fascinés des jeunes danseurs, et qu’il leur dise : « Enfans de Terpsichore, renoncez aux cabrioles aux entrechats, et aux pas trop compliqués ; abandonnez la minauderie pour vous livrer aux sentimens, aux graces naïves et à l’expression ; appliquez-vous à la pantomime noble ; n’oubliez jamais quelle est l’âme de votre art ; mettez de l’esprit et du raisonnement dans vos pas de deux ; que la volonté en caractèrise la marche, et que le goût en distribue toutes les situations ; quittez ces masques froids, copies imparfaites de la nature ; ils dérobent vos traits ; ils éclipsent, pour ainsi dire, votre âme, et vous privent de la partie la plus nécessaire à l’expression ; défaites-vous de ces perruques énormes, et de ces coeffures gigantesques, qui font perdre à la tête les justes proportions qu’elle doit avoir avec le corps ; secouez l’usage de ces paniers roides et guindés, qui privent l’exécution de ces charmes, qui défigurent l’élégance des attitudes, et qui effacent la beauté des contours que le buste doit avoir dans ses différentes positions.
Le geste noble simple et naturel est l’ornement du discours ; il prêté de la dignité aux pensées, de l’énergie aux phrases ; il fortifie et augmente le charme de 1’ éloquence ; il est à l’homme qui parle, ce que sont les accompagnemens à l’homme qui chante. […] Ce pas-de-deux embelli par les talens de Mlle Alard, danseuse qui joignoit aux charmes de l’exécution la plus brillante, l’expression la plus vraie et la plus animée, obtint le succès le plus justement mérité. […] Ces contrastes de positions et d’oppositions font le charme de la danse et mettent le sceau de la perfection à l’exécution méchanique.
Semblables aux abeilles qui, après avoir butiné sur les fleurs, et les fruits, vont ensuite en déposer les sucs parfumés dans leurs industrieuses habitations, les artistes reviennent dans leur patrie, et, l’imagination remplie de grandes images, ils volent à leurs atteliers : leurs pinceaux vigoureux font respirer la toile, et leurs couleurs brillantes nous montrent la nature parée de tous les charmes de l’art. […] Gardel possède à fond la partie méchanique de son art : mais cet ensemble précieux qui fait le mérite des corps de ballets n’existe plus, lorsque les figurantes s’y associent ; les charmes qu’elles pourroient y répandre, s’évanouissent pour faire place à la confusion et au désordre. […] Des gens d’esprit et de goût m’ont assuré, que la partie dansante de ces deux compositions, étoit brillante et remplie de charmes ; mais que l’action pantomime et l’expression qui en est l’âme, n’avoient pu se déployer dans deux sujets également mal-choisis, totalement dénués d’intrigues et incapables de fournir au compositeur de grands traits et d’heureuses situations.
Chacune de ces actions a des beautés ou des agréments qui lui sont particuliers, et le charme qui en résulte dépend de la manière seule de les traiter.
Si notre Art, tout imparfait qu’il est, séduit & enchaîne le Spectateur ; si la Danse dénuée des charmes de l’expression cause quelquefois du trouble, de l’émotion, & jette notre ame dans un désordre agréable ; quelle force & quel empire n’auroit-elle pas sur nos sens, si ses mouvements étoient dirigés par l’esprit & ses Tableaux esquissés par le sentiment ! […] Un beau Tableau n’est qu’une copie de la nature ; un beau Ballet est la nature même, embellie de tous les charmes de l’Art. […] S’il veut persuader, qu’il dessille les yeux trop fascinés des jeunes danseurs, & qu’il leur dise : « Enfants de Terpsichore, renoncez aux cabrioles, aux entrechats & aux pas trop compliqués ; abandonnez la minauderie pour vous livrer aux sentiments, aux graces naïves & à l’expression ; appliquez-vous à la Pantomime noble ; n’oubliez jamais quelle est l’ame de votre Art ; mettez de l’esprit & du raisonnement dans vos pas de deux ; que la volupté en caractérise la marche & que le génie en distribue toutes les situations ; quittez ces masques froids, copies imparfaites de la nature ; ils dérobent vos traits, ils éclipsent, pour ainsi dire, votre ame, & vous privent de la partie la plus nécessaire à l’expression ; défaites-vous de ces perruques énormes & de ces coëffures gigantesques, qui font perdre à la tête les justes proportions qu’elle doit avoir avec le corps ; secouez l’usage de ces paniers roides & guindés qui privent l’exécution de ses charmes, qui défigurent l’élégance des attitudes, & qui effacent la beauté des contours que le buste doit avoir dans ses différentes positions.
Loret, lettre du 8 novembre 166437 De Monsieur, la Troupe Comique, Qui sait aussi mettre en pratique Cet Art moralement plaisant, Qui nous charme en nous instruisant, En public, mêmement, expose (Partie en vers, partie en Prose) Un Poème si bien tourné, Et de tant d’agréments orné, Que, certes, si je ne me trompe, Chacun doit admirer sa pompe, Ses grâces, ses naïvetés, Et ses rares diversités.
Trop heureux si je puis à la fois, offrir à la science des maîtres une méthode lumineuse et sûre, prémunir l’inexpérience des élèves contre les écarts du faux goût, et perfectionner un art qui a fait l’occupation et le charme de ma vie tout entière. […] On ne vit plus que cette partie matérielle qui défigurait un art plein de grâces et de charmes : on se tourna alors vers la danse de théâtre, et l’on s’en occupa entièrement, comme du seul moyen nécessaire pour briller en société.
Les jeunes gens qui n’étudient point la musique, peuvent fort bien ne pas connoître les chefs-d’œuvre de ces compositeurs estimables ; mais ceux qui se destinent a l’étude de cet art, et qui sont admis aux conservatoires, ne cessent de méditer les leçons que les grands maîtres leur ont laissées ; ils étudient toutes leurs partitions ; ils les comparent, et, lorsqu’ils sont en état d’apprécier le style, la couleur, l’énergie, le goût, les graces et le génie de ces maîtres célèbres, ils butinent dans cette foule de chefs-d’œuvres ; ils se livrent à l’impression de leur génie, et, l’imagination embrasée et remplie de grandes images, ils composent à leur tour, et enfantent des productions qui réunissent aux charmes séducteurs de la mélodie, toutes les richesses de l’harmonie. […] En France, excepté Paris et quelques grandes villes de nos départemens, le reste de notre immense pays est absolument privé des charmes de cet art divin et consolateur.
Après la mise d’Armide, et le nouveau triomphe que Gluck obtint dans cet opéra, qui n’est point une tragédie, ce célèbre compositeur fut sollicité par le Baron de Thoudy, auteur des paroles d’Echo et Narcisse, d’en faire la musique ; il céda aux instances des amis de l’auteur : cette nouvelle circule dans tout Paris, ou ceux qui aiment le mieux la musique répandirent le dégoût dans les sociétés, en annonçant que cette nouvelle production seroit médiocre ; tous ces propos retentirent même dans les cafés, avant que Gluck eût mis la main à la plume pour écrire la première scène de ce nouvel ouvrage ; il rioit de la prédiction de tous ces petits prophètes : il donna son opéra ; mais l’esprit de parti triompha du charme, de la beauté et de la grace qui règnoient dans cette production ; elle n’eût qu’un foible succès. Je voulus consoler Gluck de cette espèce de chûte ; il me répondit avec la gaieté et la franchise de son caractère, qu’il n’en étoit point blessé ; que le jugement des connoisseurs l’avoit amplement dédommagé de celui de la foule ignorante ; il ajouta qu’il falloit encore trente années pour que le bon goût de la musique se propageât à Paris ; que la majorité du public, fréquentoit les spectacles, moins par goût pour les arts que par ton et par désœuvrement ; que cette foule innombrable n’avoit point encore l’organe assez sensible pour juger des charmes de la musique, et qu’en général, elle avoit les oreilles doublées de peaux d’âne.
Quelques femmes attirées par les charmes de l’harmonie l’engagent à quitter ces affreux déserts pour venir habiter des lieux plus agréables ; Orphée, toujours fidèle à son épouse, méprise leurs conseils ; aussi insensible à leurs charmes qu’aux attraits de la volupté dont elles lui retracent l’image, il les fuit avec dédain : Ces femmes irritées le quittent en exprimant leur dépit, et en le menaçant d’une vengeance éclatante. […] Orphée et Euridice au comble du bonheur, expriment leur reconnaissance et leur félicité ; et ce ballet se termine par une bacchanale et un grouppe général qui peint tout à la fois les charmes de l’Amour et les plaisirs de Bacchus.
Mais le charme intense et délicat de toute sa juvénile personne subsiste et domine ce qu’il pourrait y avoir d’incertitude dans son exécution.
Toutes ces choses soutenues par les charmes de la Musique, et par les grâces de la Danse, embellies par les plus éclatantes décorations et par un nombre infini de machines surprenantes, formèrent les parties et l’ensemble de ce Ballet allégorique.
Qu’OLARIA, Magicienne, Qui provoque à venger sa mort, Par ses manières me plaît fort, Et que très volontiers mes Carmes Préconisent ici ses charmes !