Les jambes doivent être fort étenduës dans leur tems, les hanches fort tournées en dehors, parce que les autres parties inferieures se tournent d’elles-mêmes, ce qui est incontestable, d’autant que cette jointure commande & dispose des genoux & des pieds : ce que je viens de dire que les jambes doivent être étenduës dans leur tems, c’est lorsque vous passez l’une ou l’autre, d’étendre fort les genoux, ce qui vous empêche de croiser vos pas : ce feroit un défaut auquel plusieurs personnes sont sujetes faute d’attention : ayant aussi les genoux en dehors & les jambes étenduës, cela empêche le penchant qu’ils auroient à devenir cagneux, & même remet ou accoûtume la rotule dans une meilleure situation. […] J’ai dit encore qu’il faut avoir la tête droite & la ceinture ferme, c’est que par ce moyen le corps se maintiendra dans une situation avantageuse, & ne dandinera point.
C’est le plus souvent la situation d’un Personnage qui nous affecte, & non ses discours. […] Vives & saillantes, sans froideur & sans lieux communs, remplies de situations rapides qui parlent aux yeux, & mettent à l’instant le Spectateur au fait, elles sont l’ouvrage d’hommes de goût, qui sentent, qui réfléchissent. […] Les endroits pathétiques ont arraché des larmes, & les situations plaisantes ont fait éclater de rire, non-seulement parce qu’ils le méritaient, mais encore parce qu’il est d’usage de rire ou de pleurer, lorsqu’un Auteur a la complaisance de nous communiquer ses productions : on monte sa sensibilité selon le genre de l’ouvrage qu’on nous récite. […] Afin de vous démontrer tout-à-fait les beautés qui en résultent, j’ai grande envie de comparer les meilleurs endroits des Poètes dramatiques à quelques situations frappantes de ma Pantomime . […] Mais quelle situation déchirante, lorsque Timoléon, après avoir dit : Il faut donc suivre, ô ciel !
Leurs mouvemens, leurs efforts, leurs entrelacemens, enfin toutes les attitudes, toutes les situations qui caractérisent l’adresse, la souplesse et la force, offrent à chaque instant des grouppes pittoresques. […] Philoclète qui accourt au bruit excité par les mouvemens de cette situation terrible, s’empresse à la sécourir cl à l’arracher d’un lien, qui, à son retour à la vie, ne pourroit que renouveller plus fortement ses douleurs. […] Dans cette situation elle fuit, court et s’arrête ; mais se ressouvenant tout à coup de la tunique du Centaure Nésus, tunique qui doit avoir la vertu de ramener Hercule à ses premiers sermens, elle conçoit le dessein de la lui envoyer. […] La situation de Déjanire est affreuse, l’idée d’un crime, quoiqu’involontaire, lui déchire le cœur, les forces d’Hercule diminuent ; il chancelle, il succombe ; il conjure Déjanire de consommer son forfait, et de lui épargner par une mort prompte des tourmens qu’il ne peut plus supporter ; il s’adresse à ses compagnons et à Philoclète, mais les trouvant sourds à ses cris, il se précipite dans le bûcher, et ordonne à son fils de l’embraser ; Hilias frémit et sa main comme son cœur se refuse à un ordre si barbare.
Chaque art, vous le savez, Monsieur, a sa marche particulière ; celle de la pantomime est bornée ; tout dialogue tranquille, toute situation froide s’oppose à son langage, et à l’activité qui lui convient ; il est donc nécessaire de savoir faire un choix de situations et de passions ; elles sont l’organe de l’acteur pantomime. […] L’entrevüe de Henri avec la belle Gabrielle décélera la situation de leurs âmes : leurs coeurs percés du même trait palpiteront d’amour ; les images de la volupté et de sa suite détermineront les deux amants à se livrer aux sentimens qui les inspirent ; une troupe d’enfans, sous la forme des Amours, des Zéphirs, des Jeux et des Ris composeront plusieurs grouppes distribués autour de Henri et de la belle Gabrielle ; ces enfans formeront des jeux avec les armes du héros, ils couronneront de fleurs son casque, et sa cuirasse ; plusieurs nymphes, de la suite de la volupté, présenteront à Henri un casque artistement composé, et des armes embellies par ce que la galanterie a de plus recherché.
Par exemple, vous faites un pas de Bourée dessus & dessous, du pied gauche en allant du côté droit, le pied droit se trouve devant à la troisiéme position ; ainsi de là vous pliez sur les deux jambes également, & de là étant relevé & les deux jambes bien étenduës vous glissez le pied droit à coté à la deuxiéme position, & vous portez le corps dessus, ce qui termine votre pas ; mais si vous voulez faire ce pas de l’autre pied, il faut poser le corps sur le pied gauche, & votre pas de Bourée fini, vous pliez également sur les deux jambes, & vous vous relevez sur la droite, en glissant le pied gauche à côté à la deuxiéme position, & le corps se pose dessus en vous élevant sur la pointe du pied qui a glissé à côté, & le talon se pose dans le même tems, ce qui termine ce pas : le corps étant dans son à plomb, ainsi de cette situation vous pouvez entreprendre de faire tels pas que vous souhaitez, soit d’une jambe, soit de l’autre. […] Par exemple, ayant le corps posé sur le pied gauche, à la quatriéme position, vous pliez dessus & vous vous relevez en portant le pied droit à côté à la deuxiéme position, en ne posant que la pointe du pied, & vous restés un tems pour reprendre un autre pas, ce qui fait un agrément tout des plus gracieux : car ce pas étant pris à propos, le corps restant dans son repos, dans une situation avantageuse, vous donne beaucoup de grace, après on fait un autre pas qui en paroît plus animé par l’opposé d’un pas lent à un autre, qui se fait plus vivement, ce qui fait en partie la beauté de la danse, lorsque l’on sçait faire tous ces differens mouvemens & pas à propos, en conservant beaucoup de noblesse dans les pas lents & de vivacité dans les vistes.
Elle est posée sur le pied droit 2. le pied gauche en l’air 3. les deux talons l’un près de l’autre, les bras en dessous 4. à la même hauteur : afin que vous fassiez tous ces mouvemens avec facilité, il faut faire attention à toutes ces differentes Figures en observant leurs situations ; ce qui vous conduira à la vraye intelligence de sçavoir le pas avec les bras. […] Il se forme plusieurs tems differens des tems de courantes : vous avez même des pas graves qui se forment en allant de côté ; mais comme ces tems sont ouverts, en ce qu’ils se prennent ordinairement de la 3e. position à la 2e. qui est une position ouverte, & qui par consequent ne demande pas d’opposition ; les bras étant ouverts dans ce pas il faut faire un mouvement leger des deux, & aussi des poignets de bas en haut : par exemple, vos deux bras ouverts, & les mains tournées de même qu’ils sont representez dans la premiere Figure cy-devant, il faut en pliant que vous laissiez tourner vos bras en dessous, & en vous relevant & finissant votre pas, faire un petit mouvement des coudes & des poignets de bas en haut ; ce qui remet vos bras dans leur premiere situation.
Deuxieme Position Cette seconde Position démontre par sa situation la distance qu’il faut observer dans les pas ouverts qui se font en allant de côté, elle est representée les deux jambes écartées ; mais ils ne le doivent être que de la longueur du pied distant entre les deux, ce qui est la juste proportion du pas & la vraie position du corps sur les deux jambes, qui se voit par les épaules qui ne sont pas plus hautes l’une que l’autre ; c’est pourquoi le corps se trouve dans la facilité de se poser sur l’une des deux jambes sans faire aucun mouvement forcé, comme elle sert pour les pas ouverts qui se font de côté conjointement avec la cinquiéme, qui sont celles que l’on met en usage pour aller de côté ; la cinquiéme étant pour les pas croisez.
Cette scène me paroit rendue foiblement ; vous ne mettez pas assez de débit dans telle autre ; celle-ci n’est pas jouée avec assez de feu, et le tableau qui résulte de cette situation me laisse quelque chose à desirer : voila le langage du poète. […] Le ballet bien composé est une peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies et du costume de tous les peuples de la terre : conséquemment il doit être pantomime dans tous les genres, et parler à l’âme par les yeux ; est-il dénué d’expression, de tableaux frappants, de situations fortes, il n’offre plus alors qu’un spectacle froid et monotone. Ce genre de composition ne peut souffrir de médiocrité ; à l’exemple de la peinture, il exige une perfection d’autant plus difficile à atteindre, qu’il est subordonné à l’imitation fidelle de la nature, et qu’il est mal-aisé, pour ne pas dire impossible, de saisir cette sorte de vérité séduisante qui dérobe l’illusion au spectateur, qui le transporte, en un instant, dans le lieu, où la scène a dû se passer ; qui met son âme dans la même situation, où elle seroit, s’il voyoit l’action réelle, dont l’art ne lui présente que l’imitation.
Cette Scene me paroit rendue foiblement ; vous ne mettez pas assez de débit dans telle autre, celle-ci n’est pas jouée avec assez de feu, & le Tableau qui résulte de telle situation me laisse quelque chose â desirer : voilà le langage du Poëte. […] Est-il dénué d’expression, de tableaux frappants, de situations fortes, il n’offre plus alors qu’un Spectacle froid & monotone. Ce genre de composition ne peut souffrir de médiocrité ; à l’exemple de la Peinture, il exige une perfection d’autant plus difficile à atteindre qu’il est subordonné à l’imitation fidelle de la nature, & qu’il est mal-aisé, pour ne pas dire impossible, de saisir cette sorte de vérité séduisante qui dérobe l’illusion au Spectateur, qui le transporte en un instant, dans le lieu où la Scene a dû se passer ; qui met son ame dans la même situation où elle seroit, s’il voyoit l’action réelle dont l’Art ne lui présente que l’imitation.
Comme la Nature a donné à l’homme des gestes relatifs à toutes ses différentes sensations, il n’est point de situation de l’âme que la Danse ne puisse peindre.
Mais comme le mouvement du poignet se prend de deux manieres ; Sçavoir, de haut en bas & de bas en haut, ainsi lorsque vous le voulez prendre de haut en bas, il faut laisser plier le poignet en dedans faisant un rond de la main, qui de ce même mouvement se remet dans la premiere situation qu’elle étoit, comme il est démontré 3. par ces mots rond du poignet, qui en expriment la forme ; ce qui est conforme à la premiere representation des bras, 1. mais il faut prendre garde de ne point trop plier le poignet, car il paroîtroit cassé.
Tout dépend pour bien apprendre, du bon commencement, ce qui est l’affaire du Maître, mais comme l’Ecolier a beaucoup de vivacité, ou que souvent le trop d’étude dont il est chargé, lui fait oublier la plûpart de ses exercices, & ordinairement celui de la Danse, que l’on ne croit pas aussi nécessaire qu’elle est, puisque c’est par elle que nous nous comportons dans le monde avec cette bonne grace & cet air qui fait briller notre Nation ; & c’est sur cette idée que je me suis fait un plan ou maniere de leçon que le Maître donne à son Ecolier pour le mener de pas en pas, même lui enseigner tous les differens mouvemens des bras, afin de les conduire à propos à chacun de ces differens pas de danse : & comme il est essentiel de sçavoir se poser le corps dans une situation gracieuse, c’est ce qui est expliqué dans ce premier Chapitre, de même que le represente cette Figure : Il faut avoir la tête droite sans être gêné, les épaules en arriere (ce qui fait paroître la poitrine large & donne plus de grace au corps,) les bras pendans à côté de soi, les mains ni ouvertes ni fermées, la ceinture ferme, les jambes étenduës, & les pieds en dehors : j’ai tâché de donner à cette Figure l’expression possible, afin qu’en la voïant on puisse se poser le corps tel qu’il doit être.
La licence que je me suis permis, me fait gagner du coté de l’intérêt et des situations, ce que j’aurois perdu par une exactitude scrupuleuse. […] L’arrivée imprévue d’Oreste, sa reconnoissance avec Electre, l’indignation de ce Prince, lorsqu’il voit sa sœur dans les fers, sa colère et sa fureur, lorsqu’elle lui montre le poignard encore tout fumant du sang d’Agamemnon ; toutes ces situations qui déterminent les ressorts des grandes passions, eussent fourni plus de situations qu’il n’en faut pour la composition du troisième tableau. […] Voulant dérober à tous les yeux sa situation et son trouble, elle ordonne au Messager de se retirer, et par l’effort violent qu’elle fait sur elle-même, elle lui sourit agréablement, et lui fait entendre que son message va mettre fin à ses douleurs et à ses infortunes. […] Egisthe partage les mêmes sentimens, et ils ne sortent de cette situation que pour se livrer au désespoir. […] Electre et Iphise expriment la situation de leurs ames.