Nous avions déjà parlé d’elle ici même en des termes en somme mesurés, voire hésitants : on est si étonné de voir bien danser qu’on commence par se méfier un peu de sa première impression.
J’ai cru devoir faire précéder l’impression de mes programmes, de cet avertissement, afin de prévenir les critiques, en faisant connoître mon motif.
4En lisant ce qui nous reste d’anciens fragments d’Auteurs célèbres sur les Ballets Pantomimes, on est tenté, je l’avoue, de placer au rang des Fables les impressions prodigieuses que ces Ballets faisaient sur les Spectateurs. […] 8Mais si l’autorité de Lucien et de tant d’autres hommes illustres fait quelque impression sur notre esprit, il faut que nous convenions de bonne foi, que ce que nous avons appelé Danse, jusqu’à la révolution qui y est arrivée, il n’y a pas plus de vingt ans, n’est autre chose que la connaissance de ses éléments. […] 12Mais si les Danseurs Pantomimes représentaient des sujets tragiques ; si leurs Spectacles étaient préférés à la Tragédie simplement récitée ; si à côté des grands noms de Roscius, d’Andronicus, et d’Esope Comédiens, on trouve placés ceux de Pylade, de Bathylle, de Dyonisia, et de tant d’autres Pantomimes célèbres ; si la passion extrême que les Romains avaient pour leurs représentations alla jusqu’à partager le peuple en deux factions, les verts et les bleus, qui ont subsisté même après la décadence de l’Empire ; il est hors de doute que ces Danses faisaient alors sur les Spectacles des impressions beaucoup plus vives que le simple jeu des Comédiens ; et il me paraît démontré, ce que Lucien assure, et que j’ai rapporté plus haut, que des Peuples tels que les Grecs et les Romains pleuraient aux Danses Pantomimes tragiques, tout de même qu’aux Tragédies déclamées.
Bref, Mesdames, ces impressions-là, je ne les échangerais point contre le plus savoureux décor exotique ni contre tous les délices des « hétérophonies » savantes.
. — Mes impressions lorsque je danse. — Mes émotions. — Le magnétisme de la musique. — Mes fureurs chorégraphiques. — Les applaudissements du public. […] XVI Je ne puis, moi, le juger que sur mes propres impressions.
C’est que les ouvrages de ce genre ne durent qu’un instant, et sont effacés presqu’aussitôt que l’impression, qu’ils ont produite ; c’est qu’il ne reste aucuns vestiges des plus sublimes productions des Batiles et des Pylades. […] Une troupe de nymphes à l’aspect imprevû d’une troupe de jeunes Faunes, prend la fuite avec autant de précipitation que de frayeur ; les Faunes, au contraire, poursuivent les nymphes avec cet empressement que donne ordinairement l’apparence du plaisir : tantôt ils s’arrêtent pour examiner l’impression qu’ils font sur les nymphes ; celles-ci suspendent en même tems leur course ; elles considèrent les Faunes avec crainte, cherchent à démêler leur desseins, et à s’assurer par la fuite un asyle qui puisse les garantir du danger qui les menace ; les deux troupes se joignent ; les nymphes résistent, se défendent et s’échappent avec une adresse égale à leur legèreté, etc.
Ces images séduisantes font sur le cœur du jeune guerrier l’impression la plus vive. […] Ubalde et le chevalier Danois ayant surmonté à l’aide d’un verge d’or les obstacles que la magie leur avoit élevés, paroissent dans ce jardin ; mais ils sont arrêtés par des Nymphes ; elles les invitent à quitter la gloire pour s’abandonner aux plaisirs ; les Graces et l’Amour entourent Ubalde ; il ne resiste que bien foiblement aux pièges de la volupté, et par une force supérieure, il est entraîné vers les objets délicieux qui s’offrent à lui ; il va céder à l’impression de leurs charmes ; mais le chevalier Danois s’empare de la verge d’or ; il l’agite, et les fantômes voluptueux disparoissent à l’instant.
Pyrrhus, frappé d’un courage si héroïque, et encore plus de sa beauté, n’est plus maître de résister à l’impression que les charmes de Polixène ont faites sur son cœur ; le poignard lui échappe de la main, il se jette dans ses bras ; il détache ses fers, et semble lui-même implorer sa clémence. […] Pyrrhus ne pouvant plus résister à l’impression vive que Polixène a faite sur lui, rompt le silence et lui offre son cœur et sa main : cette Princesse dissimule une partie de son trouble, et dérobant à son vainqueur le secret plaisir qu’elle ressent, elle feint de douter de la sincérité de ses sentimens.
La Musique même, celui de tous qui a le don de séduire le plus vite, ne put causer alors qu’une impression momentanée et légère, qui fut aisément effacée par le premier objet de distraction.
Mais son frère et sa sœur lui ont tellement farci la tête du nom de Loïe Fuller que lorsqu’il vous verra, ce qu’il dira vaudra la peine d’être noté… » Si je cite ce fait c’est parce que, je le répète, il s’agit d’un témoignage écrit et qui, en outre, prouve bien l’impression profonde que mes danses produisent sur les enfants. […] *** Voici, maintenant, une impression toute différente que j’ai provoquée.
Je m’en tiendrai donc à mes impressions immédiates.
L’impression a été indécise ; cela s’annonçait bien, puis cela se gâtait.
J’ai dit en second lieu des danses que je combats, qu’elles se font au son des instrumens et des chansons ; or, ce son frappant agréablement les oreilles, n’a-t-il pas souvent pour effet d’amollir le cœur, et de le disposer à recevoir les plus funestes impressions ? […] Si en chantant on n’articule aucune parole, les airs qui se jouent sur les instrumens rappellent souvent à l’esprit des chansons très-mauvaises qu’on a eu le malheur d’apprendre, et qu’on n’a pas oubliées ; et, supposé que, dans ce temps même de la danse, ni les chansons, ni le son des instrumens et des airs qu’on y joue, n’aient pas fait d’impression, peut-on nier que cela n’ait jeté dans le cœur une mauvaise semence qui, étant demeurée cachée pendant un temps, y germe, paroît au moment qu’on s’y attend le moins, et produit enfin des fruits de mort ?