Vendredi, jour qui depuis un certain temps semble tout particulièrement propice à la danse, nous avons assisté à une matinée de danse donnée dans la presque intimité de la Comédie des Champs-Élysées ; une inconnue, Mlle Anna Brociner, y fit ses débuts.
[…] Le second jour, la Comédie, Par le sieur de Molière ourdie, Où l’on remarqua pleinement Grand esprit et grand agrément, (Cet Auteur ayant vent en poupe) Occupa, tant lui que sa Troupe, Avec de célestes Récits À toucher les plus endurcis, Animés des douceurs divines De deux rares voix féminines, Qui sont (comme j’ai dit un jour) Les Rossignoles35 de la Cour, Que personne ne contrecarre, À savoir l’Hilaire et la Barre.
La mixte ou demi-sérieuse, que l’on nomme communément demi-caractere, celui de la Comédie noble, autrement dit le haut-comique. […] Pantomime puisqu’elle ne dit rien, emprunte ses traits de la Comédie d’un genre comique, gai & plaisant. […] Il n’y a rien de certain là-dessus, Monsieur, & il y a même plus d’apparence qu’ils l’ont été pour la Tragédie & la Comédie. […] Je vois dans les anciens Manuscrits, sur les Pierres gravées, sur les Médailles & à la tête des Comédies de Térence des masques tout aussi hideux que ceux dont on se servoit à Athenes. […] Enfin, Monsieur, la Comédie Françoise a secoué cet usage, non par frivolité, mais par raison.
La Musique est essentielle aux Pantomimes : c’est elle qui parle, nous ne faisons que les gestes ; semblables aux anciens Acteurs des Tragédies et des Comédies qui faisaient déclamer les vers de la Pièce, et se bornaient eux mêmes à la partie de la gesticulation.
C’est pourquoi ils font payer les places à présent sur le même pied qu’à la Comédie ; ce qui me fait souvenir de rapporter ce qui arriva un jour à Térence dans Rome, au sujet des Danseurs de corde. Il fait mention dans le Prologue de la Comédie intitulée D’heigra, qu’étant prêt de faire jouer cette piéce sur le Théâtre de Rome, l’an 586 de sa Fondation, partie des places étant même déja remplies, il se répandit un bruit dans le Parterre, que des Danseurs de corde, accompagnez d’une troupe d’Athlétes & de Gymnastes pour les sauts périlleux, avoient dressé leur Théâtre dans une Place publique, & qu’ils alloient commencer leurs Jeux pour la premiere fois ; aussitôt les spectateurs qui étoient venus pour voir la premiere représentation de sa Comédie, sortirent file à file, sans même redemander leur argent, & préférerent, au grand regret de Térence, la nouveauté du spectacle des Danseurs de corde, à celui de sa Piéce. […] Quoiqu’ils semblent négliger les jeux d’où ils tirent leur origine, pour celui des Comédies, qui font aujourd’hui le plus essentiel de leur spectacle, aussi ne voit-on plus de ces fameux Danseurs de corde & Voltigeurs, que l’on regardoit avec admiration, & qui faisoient trembler les spectateurs, qui ne sçavent pas qu’ils mâchent d’une racine qu’on nomme dormit, qui a la vertu d’empêcher les étourdissemens de tête ; ce qu’ils tiennent des Bouctins & des Chamois, qui en broutent les feuilles auparavant de monter sur les sommets des montagnes & des monts Pyrénées, où ces animaux sont fort communs.
Car tous les épisodes variés, précipités, de cette comédie touffue mais si légère sont réalisés en musique, sont misurati comme aurait dit ce Salvatore Vigano qu’admire tant mon ami Henri Prunières.
Je suis persuadé que les auteurs, en arrêtant sur le papier leurs idées sur une tragédie ou une comédie, commencent à en faire, si je puis m’exprimer ainsi, le programme ; et ce n’est quo dans l’exécution qu’ils donnent tout le développement dont il est susceptible.
Or, parmi ce Ballet charmant, Se jouait, encor, galamment, Petite, et grande Comédie, Dont l’une était en mélodie ; Toutes deux ayant pour Auteur, Le comique et célèbre Acteur, Appelé Baptiste Molière, Dont la Muse est si singulière : Et qui le Livre a composé, Demi-rimé, demi-prosé, Qu'à l’illustre de Bensérade, Près d’Apollon, dans un haut Grade, J'ai, bonnement, attribué, Sur ce que ce grand Gradué, Fait ces livres-là, d’ordinaire, Etant du Roi, Pensionnaire.
Après eux, la tragédie et la comédie tombèrent dans un état de médiocrité telle, que le public eu général abandonna ce théatre, qui peu de tems auparavant faisoit ses délices. Comme j’ai à vous parler ailleurs de Batyle et de Pylade, créateurs d’un nouveau genre de spectacles, qui remplaça la tragédie et la comédie ; je me contenterai de vous dire maintenant que ces deux pantomimes eurent un succès brillant, et qu’ils firent oublier le théatre de déclamation, et les grands acteurs qui en faisoient l’ornement.
On oublie qu’elle pourrait peindre les vices, les ridicules des hommes, ainsi que la Comédie. […] On doit dans une Pantomime représenter des choses ; elle doit être une véritable Comédie, ou une véritable Tragédie, avec cette différence, que dans les unes on exprime ses pensées à l’aide du discours, & que dans l’autre on les peint par des gestes. […] Un pareil Livre aurait la vogue ; il nous serait aussi utile que les régles de la Comédie & de la Tragédie, dont on ne se soucie plus5. […] Ce qui n’a point empêché certain Auteur de prendre la licence de le piller entièrement, de le réduire en une petite brochure d’environ 100 pages, & de l’intituler : Essai sur la Comédie Lyrique.
En même temps un petit théâtre, le théâtre du musée Grévin proposa d’engager mes Nippons pour un mois avec une nouvelle pièce qui devait être une comédie. […] Ensuite le Little Palace offrit un engagement d’un mois pour une pièce qui serait une tragédie et une comédie, et c’est là que mes Japonais jouèrent « La petite Japonaise ».
Nous avions constaté dès le premier jour que Cydalise était en somme une pantomime mesurée, une comédie en musique où tout mouvement de danse ne se produit qu’en fonction de la donnée dramatique.
Le ballet a ses classiques comme la comédie, comme la poésie.