Mais les premiers seront aisement satisfaits s’ils se donnent la patience de voir surquoy ie me fonde, & pour ne les enuyer, ie ne les entretiendray point des fables de la Poësie, ie n’appelleray point à tesmoin vn Arion qui au son de sa voix & de sa lire fist iadis danser ce Dauphin qui le deliura du naufrage, ny cest Orphée qui trouuoit en toutes choses vne si grande disposition à la danse, que les inanimées mesmes se ioignoyent au bal, animées des charmes de sa lire : & ne tireray point ma consequence de l’ordre qu’on donne à la nature de ceste admirable proportion des causes, ny de ceste Symmetrie, par laquelle les Cieux, les Elemens, & tant de choses de soy contraires & disioinctes, sont par vn accord discordant, & cadence miraculeuse vnies & conseruées en cest assemblage & continuité de l’Vniuers, auquel les Stoiciens (rauis de tant de merueilles) ont donné vn corps & vne ame, l’estimant estre vn animal de nature immortelle ie lairray ceste matiere pour l’exercice de quelque Poëte, & les prieray de considerer auec moy, que les plus remarquables personnages de toute l’antiquité, ie dis & sacrez & profanes, ont honoré la danse, & de voix & de pratique. […] Seneque dict, que si la nature nous a donné l’estre nous sommes redeuables à l’estude de la vertu du bien estre, & i’ose sans rougir encherir là dessus que le seul exercice de la danse peut non seulement arracher les mauuaises actions qu’vne negligente nourriture auroit enracinee, mais donner encore vn maintien & vne grace que nous disons entregent, & que ie peux appeller proprement le bel estre, chose tout à faict necessaire à quiconque veut rendre son port & son abort agreable dans le monde. […] Que s’il y en a parmi ceux qui sont redeuables au ciel de ce bon heur qui se laissent porter au mespris d’vne chose qui peut empescher le mespris en bonne compagnie, ie les prie de considerer le traict d’vn de nos derniers Roys qui faisoit quelque fois admirer ses perfections dans vn bal auec autant d’auantage sur ses Courtisans, comme il sur passoit en iugement & en langue les mieux sensez & les plus eloquens de son Royaume, luy blasmant vn gentilhomme (au reste fort accompli) de n’auoir pas apris à danser, & luy demandant ce qu’il sçauoit faire, ie sçay bien, Sire, dict-il, donner en guerre vn coup de lance pour le seruice de vostre Majesté : Ie vous conseille donc (repliqua ce braue Prince) de vous armer d’vn froc en temps de paix, comme s’il eust voulu dire que les fureurs de la guerre cessees vn Caualier ne pouuoit s’occuper à vn plus noble exercice que celuy qui luy donne vne grande entree en la cognoissance de sa Cour & de son monde. […] L’authorité desquels seconde mon entreprise que ie poursuis auec d’autant plus de resolution que ie la sçay appuyee de la conformité de nos loix, & qu’elle a pour subiect vn bien tres-necessaire aux Caualiers, & aux Dames qui veulent anoblir les charmes qu’ils ont desia de la Nature, des actions & des graces qu’elle ne leur a peu donner, lesquels loüeront, ie me vante mon affection, lors que l’experience leur aura tesmoigné les effects de la methode dont ie traicte : & que ceux qui se peuuent à bon droict donner la gloire d’auoir porté la Danse parmi les choses accomplies pratiquent auiourd’huy. […] N’est-ce pas vne honte que nous voulions enseuelir la gloire qu’il merite de l’y auoir amenee, & priuer la posterité d’vn bien qui nous donne vn si grand auantage sur les anciens : car comme toutes choses par vne vicissitude & reuolution presque ineuitable retournent à leur commencement, qui doute que cest exercice s’alterant auec le temps ne r’entre bien tost au neant dont nous l’auons tiré, s’il ne rencontre quelque plume charitable qui luy entretienne la vie malgré l’enuie.
Cependant en y réfléchissant, j’ai pensé que ces programmes pourroient avoir quelqu’utilité, ou plutôt qu’ils en avoient une très réelle ; en effet, c’est d’après eux que la plupart des ballets qu’on a donnés au public depuis moi ont été dessinés ; on a fait mieux, on ma fait l’honneur d’en prendre plusieurs et de les suivre scène par scène. Assurément je suis très flatté de cette préférence ; mais les compositeurs, qui, par ces plagiats, m’ont donné cette marque d’estime pour mon talent, ont en tort de me faire le sacrifice du leur. […] Quoiqu’il en soit, mes programmes de ballets ont appris à travailler un plan, à lui donner les grandes divisions qui forment les actes, et les sous-divisions, qui déterminent les scènes. […] Je suis persuadé que les auteurs, en arrêtant sur le papier leurs idées sur une tragédie ou une comédie, commencent à en faire, si je puis m’exprimer ainsi, le programme ; et ce n’est quo dans l’exécution qu’ils donnent tout le développement dont il est susceptible. […] C’est d’après ces considérations que je me suis déterminé à faire imprimer ceux de mes programmes qui me sont restés ; car plus jaloux de la gloire et des progrès de mon art que de mon propre intérêt, j’en ai donné la majeure partie à mes élèves, ou à des artistes à qui ils pouvoient être utiles.
Les fêtes, telles qu’on les donne au peuple, ne sont ni bonnes ni utiles ; elles sont ruineuses pour l’état. […] Quand en donnera-t-on une qui l’instruise, qui l’amuse, qui fasse honneur au gouvernement, qui fixe l’attention de toutes les classes de citoyens, qui attire les étrangers, et qui donne une grande idée de la nation. […] Ne pourroit-on pas, à là paix, donner une fête qui interessat toutes les nations ? […] Le temps propre à donner une grande fête n’est point arrivé. […] Si vous désirez que je donne à mes idées un plus grand développement, vous me le ferez connoître.
Dans ce raisonnement Aristote qui mesure la beauté de ces deux arts par le plaisir qu’ils donnent, par la maniere dont ils instruisent, & par celle dont ils arrivent à leur fin, dit que la Peinture donne un plaisir infini, qu’elle instruit plus généralement, & qu’elle arrive très-parfaitement à sa fin. […] La Topographie, les Médailles, les Devises, les Emblêmes, les Livres de Plantes & ceux des animaux, peuvent-ils se passer de l’utilité que la Peinture est toujours prête à leur donner ? […] Alvarès m’a dit en avoir voulu donner vingt-cinq mille écus à la Reine de Suéde ? […] Mais, me dira-t-on, quelque esprit que l’on puisse donner à la Peinture, elle n’exprimera jamais aussi nettement ni aussi fortement que la parole. […] L’on a vu plusieurs Peintres qui ne pouvant donner par le moyen de la parole l’idée de certaines choses qu’il importoit de connoître, se sont servis de simples traits pour les dessiner, sans qu’on pût s’y méprendre.
J’ai separé le coupé de mouvement des autres coupez, pour ne le pas confondre, & pour faire sentir toute la grace qu’il faut lui donner, ce pas se fait en avant & de côté. Mais comme je veux suivre dans tout ce plan, ce que je me suis proposé, qui est de commencer toûjours par le plus aisé, pour vous donner aussi plus de facilité, je vais commencer par ceux qui se font en avant. C’est pourquoi, lorsque vous prenez votre premier pas qui est un demi-coupé fort soûtenu dans ce même tems, vous laissez tourner vos deux bras un peu en dessous, & vous faites un demi mouvement des poignets, & des coudes en commençant de bas en haut : ce qui doit être accompagné aussi d’une petite inclination du corps & de la tête imperceptible & sans paroître affectée ; mais lorsque vous prenez votre second mouvement qui est le jetté échapé, en commençant votre plié, vos bras s’étendent, & dans le même moment ils prennent un petit mouvement de l’épaule, en se baisant & en se relevant, le corps se redresse de même que la tête qui doit se retirer en arriere ; ce qui lui donne un port majestueux, & fait une liaison parfaite de tous les mouvemens, tant des jambes & des bras que de la tête & du corps. […] Toutes ces observations misent en usage, font un effet merveilleux dans la danse, & lui donnent la vivacité & le bon goût qu’elle n’auroit pas sans ces agrémens.
Vous ayant donné l’explication la plus facile pour bien faire ce pas, il vous reste celle de sçavoir y mouvoir les bras avec cette douceur qui doit accompagner les pas ; d’autant que ce pas succede à un autre, & que chaque pas a son opposition. […] Une regle generale est que pour les pas en tournant, il faut que ce soit le bras du côté que vous voulez tourner qui vous en donne la facilité, parce que par son mouvement il oblige le corps de ce tourner du côté qu’il s’étend. […] Je conseillerois volontiers à ceux qui sont curieux de faire les bras avec liberté, lorsqu’ils commencent à les faire, d’exercer aussi plusieurs de ces pas avec les bras, parce qu’outre que ces pas donnent de la legereté au corps, ils donnent aussi aux bras cette liberté.
Presque jamais les sons ne sont donnés ni avec la justesse, ni avec l’aisance, ni avec les agréments dont ils sont susceptibles. […] ) c’est le nom qu’on donne au chant de scène que les Musiciens ont appelé improprement récitatif. […] On donne le même nom et on divise de la même manière les voix des enfants avant la mue. […] Cette espèce de voix est très rare ; on en donne mal à propos le nom à des organes plus volumineux et moins étendus que les premiers dessus ordinaires, parce qu’on ne sait quel nom leur donner. […] Il y a des chanteurs qui se le donnent, en conservant la voix qu’ils avaient avant la mue.
Premiere Position Ces positions, comme je viens de dire, n’étant que pour donner aux pas une juste proportion, afin que le corps se conserve dans son à plomb, je ne dis pas équilibre, ce qui est different & que j’expliquerai dans la suite. Je donne l’explication & la démonstration de chacune en particulier, comme aussi de leur utilité. […] Et de plus c’est que le corps paroît plus droit ; ce que j’expliquerai plus au long dans la maniere de prendre les mouvemens, puisque je n’entens faire ici que l’explication des positions, & en donner la démonstration.
Lorsque j’ai pris le même plan dans le traité que je donne, je n’avois pas encore lu celui des ministres ; mais ce plan est si naturel et si simple, qu’il se présente de lui-même à l’esprit. […] Pour procéder avec ordre dans ce traité, et ôter tout lieu d’échapper à la force des autorités et des raisons que ces auteurs allèguent, ils commencent par donner l’idée des danses contre lesquelles ils écrivent. […] Cependant, ces choses sont des parties essentielles de la danse pour les échauffer, les animer, et leur donner les mouvemens…. […] Mais ce sur quoi ils insistent comme étant le comble du mal dans les danses, c’est que les hommes et les femmes s’y trouvent ensemble pour s’y donner réciproquement du plaisir. […] Il faut, ajoutent-ils, que les chrétiens aient de bonne heure appris la règle que saint Paul donne (Rom. c. 3, v. 8.) de ne faire jamais le mal, afin que le bien en arrive.
C’est pourquoi il ne convient pas à tous de donner ce divertissement au Public, sans s’exposer à la discrétion des masques : c’est un usage qui s’est toujours conservé depuis, pour éviter les inconvéniens. […] M. le Duc de Baviere en a donné aussi plusieurs à Surennes, qui n’ont pas été moins magnifiques : la somptuosité de ces bals masquez, & la dureté des tems, sont cause que les Particuliers n’ont plus osé se hazarder d’en donner à Paris ; l’on n’en vit pas une douzaine pendant le cours du Carnaval de 1714. […] Ce grand profit a fait tant d’envie aux Comédiens François, qu’ils en ont aussi obtenu un pareil, pour donner le bal dans la Salle de la Comédie Françoise, alternativement à ceux de la Salle de l’Opéra. […] Il y a à la fin des Arrests du Parlement d’Amours, une belle Requête donnée par les maris jaloux, contre les masques. […] Les Protestans chez qui tous les tems sont égaux par rapport à l’abstinence, ne se donnent pas plus de plaisir au Carnaval qu’en un autre tems.
On donnait Don Juan chanté par Rubini, Tamburini, Lablache, Grisi et Persiani. […] Le ballet qu’on donnait était Robert le Diable, composé par M. […] Perrot est ici qui se promène ; il avait été engagé par Brunne qui, après avoir donné les animaux savants et des concerts à un Schelling a fait banqueroute et Perrot en est pour son voyage. […] Mademoiselle Falcon est aussi ici, mais elle a le bon esprit de dire quelle n’est venue que pour voir sa sœur, que peut-être elle donnera un concert. […] Je vous ai parlé de tout ce monde, mon cher Courtin, parce que vous les connaissez, car du reste il n’y a pas de nouvelles à donner d’ici.
Pour les Demoiselles qui ne doivent point faire de bras dans le Menuet, que lorsqu’elles presentent les mains il suffit qu’au premier balancé elles effacent l’épaule droite, ce qui fait avancer la gauche, & forme une espece d’opposition au pied ; & fassent aussi une legere inclination de tête, & sur-tout sans affectation, cela donne une grace infinie à ce pas. Mais dans tout le courant du Menuet, il suffit qu’une Demoiselle ait la tête droite & bien placée, sans être gênée, les épaules en arriere, ce qui fait paroître la poitrine large & donne plus de grace au corps, les bras étendus à côté du corps, de façon que les coudes touchent presque sur les hanches, mais tout naturellement. […] Demoiselle tenant ces jupes pour Danser Et pour en donner une plus forte idée, on peut jetter la vûë sur cette Figure, je lui ai donné tout l’air & la contenance qu’une Demoiselle doit avoir en dansant, elle tient ses jupes avec le pouce & le doigt suivant les bras étendus à côté du corps, les mains en dehors, & sans étaler ses jupes ni les tenir trop serrées ; A l’égard de leur maniere de figurer, c’est la même que celle de l’homme, tant pour effacer l’épaule dans les pas de côté, que ceux en passant en avant ; & en presentant les mains, comme aussi les agrémens dont j’ai parlé sont pour l’un & pour l’autre.