Le pas de Bourée est composé de deux mouvemens sçavoir, un demi coupé, un pas marché sur la pointe du pied & d’un demi-jetté, ce qui fait le second mouvement, & l’étenduë de votre pas, je dis un demi-jetté ; parce qu’il n’est sauté qu’à demi, & comme ce pas est un pas coulant, c’est pourquoi son dernier pas ne doit pas être marqué si fort, mais comme il faut avoir beaucoup de cou de pied, pour faire ce pas aisément & surtout pour les Demoiselles ; c’est pourquoi on en a adouci l’usage, en faisant des fleurets, qui est aprochant le même pas, puisqu’il ne contient non plus que 3. pas. […] Mais comme je ne me suis proposé que de donner la maniere de faire tous ces differens pas, sans m’arrester à l’étimologie de leurs noms, parce que la plus grande partie de ces pas sont tirés des differentes danses qui sont en usage dans nos Provinces, à laquelle on leur a donné toute la propreté que l’art permet, & dont il porte le nom de ces danses. Par exemple, le pas de Rigaudon est tiré du Rigaudon, qui est une danse fort en usage en Provence, & que les originaires du païs dansent naturellement, & même chaques Cantons le danse differemment les uns des autres, ce que j’ai vû dans le tems que j’étois dans ce païs. […] La Bourée vient d’Auvergne, les Menuets du Poitou & de l’Anjou, le Passepied qui est plus leger, est la danse la plus en usage en Bretagne, quoique selon plusieurs Historiens ils citent le Passepied comme une danse très-ancienne.
Après que l’on a fait les reverences qui se font ordinairement avant de danser ; & de même que je les ay representées ci-devant : en vous relevant de votre seconde reverence, vous laissez poser le corps sur le pied droit ; & vous portez le pied gauche à la quatriéme position, & posez le corps dessus en presentant la main à la Demoiselle & en faisant un tems de Courante : ensuite vous commencez le pas de courante, par un demi-jetté du pied gauche, & ensuite un coupé du pied droit, ce qui termine le pas de Courante (& fait voir la difference du pas au tems) & vous en recommencerez une autre du pied droit, en faisant un demi-jetté de ce pied & un coupé du gauche ; mais comme tous ces differens pas vous conduisent dans une figure reglée, qui forme une espece d’ovale longue, mais à ce dernier coupé, vous recommencez de faire un pas, marchez du pied gauche, & un tems de Courante ou pas grave du pied droit, & recontinuer les demi-jettez & les coupez ; ce qui se repete dans tout le courant de cette danse, & comme je n’entreprends pas de décrire les figures des danses, je laisse ce soin aux Maîtres de conduire leurs Ecoliers : de plus c’est que cette danse n’est plus en usage, non plus que les autres Courantes figurées de ce tems là, comme la Dauphine, la Duchesse, & la Bocanne, qui étoient de parfaitement belles danses, & que les personnes qui seront curieux de les sçavoir, pourront avoir recours à la Choregraphie. Quant aux danses qui sont en usage aujourd’hui, & dont les figures & les pas sont si fort diversifiez, qu’elles meritent que l’on y donne quelque application, c’est ce qui m’engage de fournir les moyens les plus faciles, pour faire tous ces differens pas chacun à leur particulier : afin que les Maîtres puissent avoir le plaisir, que par ces moyens aisez, cette jeunesse se trouve plus en état de profiter de leurs leçons.
Ils ne se sont pas contentés de parler, mais ils ont agi, et ils n’ont pas craint, pour les abolir dans les lieux où elles étoient en usage, de s’exposer à la censure, aux contradictions, et même à la persécution du monde. […] Voici ce que rapporte à ce sujet un des historiens des plus dignes de foi, par la critique aussi exacte que judicieuse dont il a fait usage en écrivant les vies des saints. […] Les habitans du lieu se revoltèrent, et ne purent souffrir qu’on leur ôtât des divertissemens qu’ils avoient vu pratiquer à leurs pères, et qu’ils tenoient d’une coutume immémoriale : ils conspirèrent ensemble la perte de leur pasteur, s’il ne cessoit ses invectives contre les danses, et ne les laissoit dans leurs anciens usages. […] Leurs peines et leurs humiliations durèrent un an entier, et ce ne fut qu’à la fête suivante, que le saint évêque, ayant reçu leurs soumissions et celle de tous les habitans, leur accorda la grâce de leur délivrance. » Il faut que saint Eloy ait jugé les danses bien pernicieuses aux ames, pour avoir été disposé à souffrir la mort plutôt que de ne pas faire tous ses efforts pour les abolir dans les lieux où il avoit autorité, et pour employer à cet effet la peine de l’excommunication, qui est la plus grande dont l’Eglise puisse faire usage contre ceux qui s’obstinent dans l’erreur ou dans de grands déréglemens. […] C., ceux qui ont une obligation plus particulière de s’opposer aux danses, ce sont les pères et mères à l’égard de leurs enfans, et les maîtres et maîtresses à l’égard de leurs domestiques ; ils doivent mettre en usage tous les moyens qu’ils peuvent prendre pour les en détourner.
L’usage en a passé dans la Loi de grace ; l’on a dansé dans les Fêtes des Agapes & dans l’Eglise Grecque & Latine, jusqu’au XIII siécle qu’il fut aboli à cause des abus qui s’y glisserent. […] Il ne lui restoit plus qu’à faire l’éloge de la piété & du zéle des Communautez Ecclesiastiques Séculieres & Régulieres, qui ne souffrent qu’avec peine l’ancien usage de louer des halles & des places publiques à des troupes de Danseurs de corde, Baladins, Saltinbanques, Farceurs, & autres Bouffons condamnez par les Conciles, par les Ordonnances de nos Rois, & par les Arrests des Cours ; parce que le Magistrat plus humain, toujours attentif au bien public, les tolere, seulement ad duritiam cordis, pour des raisons de politique nécessaires au gouvernement.
Comme dans tout ce Traité je me suis proposé de montrer à cette noble Jeunesse la maniere de se bien conduire dans les endroits où l’usage du monde l’appelle, & que le Bal donne une certaine liberté, par la facilité que tout le monde a de s’y introduire, & qu’il s’y glisse nombre de personnes, dont la plûpart enflez de je ne sçai quelle naissance ou de quel rang, mais peu civilisez, prennent cependant des licences qui en dérangent tout le bon ordre. […] De même que lorsque l’on vous vient prier pour danser, il faut vous transporter à l’endroit où l’on commence, & faire les reverences que l’on fait avant de danser ; mais si vous ne sçavez pas danser, il faut faire vos excuses, soit sur le peu d’usage que vous en faites, ou sur le peu de tems qu’il y a que vous apprenez : ainsi vos reverences finies vous reconduisez cette Dame à sa place, & du même tems vous allez faire une reverence à une autre Demoiselle, pour la convier de venir faire la reverence avec vous, afin de ne point déranger l’ordre du Bal ; mais si l’on vous pressoit de danser, quelque instance que l’on vous fit, ayant refusé une fois, il ne faut pas danser dans tout le Bal, parce que ce seroit offenser la personne qui vous a prié d’abord, ce qui se doit observer d’un sexe comme de l’autre : comme aussi ceux qui ont la conduite d’un Bal, d’être attentif que chacun danse à son tour, afin d’éviter la confusion & le mécontentement ; comme aussi lorsqu’il arrive des Masques, de les faire danser des premiers, afin qu’ils prennent ceux de leur compagnie de suite.
Cet usage en tiré du menuet ; et quoiqu’il ait aussi beaucoup perdu, il est indispensable dans une bonne société. […] La politesse, chez les secondes, s’observe autrement : là, ce ne sont plus des manières respectueuses ou silencieuses ; c’est au contraire le plus souvent dans beaucoup de paroles et de démonstrations que consiste la politesse ; c’est alors que si vous en usiez comme chez les premières, vous courriez risque d’être tourné en ridicule ; car les usages et les habitudes de l’un sont ridicules chez les autres. […] C’est aussi, nous le disons encore avant de finir, c’est des principes de la danse que naissent ceux des manières civiles et honnêtes pour saluer, se présenter et se conduire selon les usages de la bonne société. Un critique disait un jour qu’on apprenait à danser d’un maître de danse, et que pour cela on ne saluait pas comme un maître de danse : il n’en fallut pas davantage pour prouver que ce critique ignorait les usages des grands ; car un maître de danse, placé comme artisan dans la classe du vulgaire, a moins besoin de savoir saluer que les élèves à qui il l’enseigne, si ce n’est pour se présenter chez eux. […] C’est en observant ces règles prescrites par l’usage et la politesse qu’on se rend utile et agréable à la société, et qu’on obtient cette estime et cette considération que l’homme doit rechercher dans tous les tems et dans toutes les occasions.
Cette marche se fit avec sept corps de danseurs, au son des harpes et de tous les autres instruments de musique en usage chez les Juifs. […] Toutes les autres danses sacrées qui furent en usage à Rome et dans l’Italie, dérivèrent de cette première. […] Pyrrhus qui en renouvela l’usage, en est encore tenu pour l’inventeur par quelques anciens auteurs. […] Elle était en usage à Rome dans toutes les noces : c’était la peinture la plus dissolue de toutes les actions secrètes du mariage. […] Il y avait une sorte d’émulation à en avoir des premiers ; et de-là cette manière de parler proverbiale en usage encore de nos jours, on ne me prend point sans vert.
On objecte en sixième lieu, en faveur des danses, que dans tous les temps et dans tous les lieux, elles ont été en usage, surtout dans les occasions de réjouissances publiques. Est-il croyable, dit-on, que s’il y avoit tant de mal ou tant de danger, l’usage en fût si ancien et si répandu ? […] « Que ni le temps, ni la dignité des personnes, ni les priviléges des pays ne peuvent prescrire contre la loi de Dieu ; car c’est quelqu’une de ces trois choses qui donne ordinairement lieu à la coutume qui, ne subsistant d’abord que par l’ignorance ou la simplicité des hommes, se fortifie ensuite par l’usage, et s’élève contre la vérité. […] Ne violons donc pas les lois divines pour suivre les usages du monde, et ne préférons pas à ces lois saintes les pernicieuses coutumes qui sont les lois de celui qui trouve son plaisir dans notre perte ; je veux dire du démon : Illius enim lex sunt hæc qui gaudet de interitu nostro. […] Salvien, prêtre de Marseille, (l. 5, de Providentiâ.) se plaignoit de ce que de son temps, après avoir reçu de Dieu quelque faveur publique, on alloit, en signe de réjouissance et avec plus d’ardeur, en foule aux spectacles qui étoient alors en usage.
De l’usage de la Danse grave & sérieuse, convenable aux Bals de cérémonie. […] L’on peut présumer encore que l’usage en est aussi ancien que celui des festins, dont le bal termine ordinairement la fête : comme il est dit dans l’Exode, que le peuple s’assit pour boire & pour manger, & se leva pour se divertir, c’est-à-dire pour danser, comme nous le voyons encore pratiquer aujourd’hui. […] On peut inférer de-là que l’Eglise ne condamne pas absolument l’usage de la danse, mais bien les abus qu’on en peut faire ; sans quoi le Cardinal Pallavicin n’auroit pas rapporté un fait si favorable pour elle, dans son histoire du Concile de Trente. […] C’est un usage en France, qu’à toutes les occasions des réjouissances publiques, l’Hôtel de Ville de Paris donne une fête qui consiste en festins, en bals, & en grands feux d’artifice, dont la dépense est très-considérable. […] J’ai oui dire à nos fameux Danseurs que l’usage des contre-danses nous vient d’un Maître à danser d’Angleterre, arrivé en France il y a douze ou quinze ans ; elles passent chez cette nation pour des danses de contrée : mais dans leur origine, elles passoient chez les Anciens pour des danses renversées, comme nous avons dans la Musique l’usage de la fugue & de la contre-fugue.
Mais on est attaché à un usage plus facile, on garde une face empruntée qui ne dit rien, & la Danse qui s’en ressent nécessairement ne parle pas mieux ; elle est totalement inanimée. […] que l’on brise les masques ; car les raisons qui en interdisent l’usage aux Acteurs sont les mêmes que celles qui doivent le proscrire dans la Danse. […] Vous m’avez dit plusieurs fois que pour abolir l’usage des masques, il faudroit nécessairement que tous les Danseurs eussent une Physionomie théatrale. […] Enfin, Monsieur, la Comédie Françoise a secoué cet usage, non par frivolité, mais par raison. […] Que l’on continue à danser comme on danse ; que les Ballets ne soient en usage à l’Opéra que pour donner le temps aux Acteurs essouflés de reprendre leur respiration ; qu’ils n’intéressent pas davantage que les entractes monotones de la Comédie, & l’on pourra sans danger conserver l’usage de ces visages mornes auxquels on ne peut préférer une physionomie morte & inanimée.
Dire que je blâme généralement toutes les figures symmétriques ; penser que je prétende en abolir totalement l’usage, ce seroit me donner un ton de singularité ou de réformateur que je veux éviter. L’abus des meilleures choses est toujours nuisible ; je ne désaprouve que l’usage trop fréquent & trop répété de ces sortes de figures : usage dont mes confreres sentiront le vice, lorsqu’ils s’attacheront à copier fidelement la nature, & à peindre sur la Scene les différentes passions, avec les nuances & le coloris que chacune d’elles exige en particulier.