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90. (1797) Essai ou principes élémentaires de l'art de la danse, utiles aux personnes destinées à l'éducation de la jeunesse « Introduction »

Cet art, considéré comme faisant partie de l’éducation, acquiert une importance qu’il ne semble pas d’abord mériter : mais si l’on réfléchit sur la forme que la nature nous a donnée, sur les fonctions qu’elle a attribuées à chacun de nos membres, on sera porté à conclure que, si l’homme n’était pas sans cesse mû par l’imitation, peut-être resterait-il accroupi, ou ne marcherait-il que comme les quadrupèdes ; ce n’est que l’exemple et l’impression que font sur lui les images extérieures, qui le portent à un maintien tout autre que celui que lui donnerait sa structure : or les vrais principes de la danse n’étant autre chose que la belle manière d’exécuter les différents mouvements du corps, de composer son maintien et de se présenter avec grâce, il est indubitable que la danse corrige les vices et les erreurs de la nature. […] Et qu’on ne pense pas que l’équitation, l’escrime, la course, la lutte, et tous les exercices violents de la gymnastique puissent remplir le même objet et rivaliser avec la danse ; outre qu’ils ne peuvent convenir généralement au sexe, à tous les âges et à tous les tempéraments ; c’est qu’encore quelques-uns d’entre eux, en assujettissant à des efforts pénibles, émoussent, ôtent la finesse du tact, et au lieu de cet air gracieux, de cette délicatesse dans les traits, de ces belles proportions dans les membres, de ces mouvements prestes et souples du corps, on ne voit trop souvent se développer que des traits durs, une habitude du corps lourde et matérielle, effet nécessaire de la violente contraction des muscles. […] Les effets de cet art sur le physique de certains individus sont infiniment intéressants ; qu’on se peigne une jeune personne d’un tempérament faible, dont l’éducation aura été négligée ; elle aura naturellement la tête en avant, enfoncée dans les épaules, la poitrine retirée, les genoux crochus et butants, les pieds en dedans, l’habitude du corps chancelante, conservant à peine le centre de gravité : voyez-la sortir après six mois de leçon, d’entre les mains d’un bon maître, les pieds en dehors, le jarret tendu, la hanche bien placée, la poitrine en avant, l’air de tête fier et gracieux, les membres déliés et les mouvements aisés.

91. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE IV. » pp. 47-60

Si notre Art, tout imparfait qu’il est, séduit & enchaîne le Spectateur ; si la Danse dénuée des charmes de l’expression cause quelquefois du trouble, de l’émotion, & jette notre ame dans un désordre agréable ; quelle force & quel empire n’auroit-elle pas sur nos sens, si ses mouvements étoient dirigés par l’esprit & ses Tableaux esquissés par le sentiment ! […] En habituant notre ame à les sentir, la difficulté de les exprimer s’évanouira ; alors la physionomie recevra toutes ses impressions de l’agitation du cœur ; elle se caractérisera de mille manieres différentes ; elle donnera de l’énergie aux mouvements extérieurs, & peindra avec des traits de feu le désordre des sens & le tumulte qui régnera au-dedans de nous-mêmes. […] Livrez-vous à un métier où les mouvements de l’ame soient moins nécessaires que les mouvements des bras, & où le génie ait moins à opérer que les mains. » Ces avis donnés & suivis, Monsieur, délivreroient la Scene d’une quantité innombrable de mauvais Danseurs, de mauvais Maîtres de Ballets, & enrichiroient les forges & les boutiques des artisans d’un très-grand nombre d’ouvriers, plus utiles aux besoins de la Société, qu’ils ne l’étoient à ses amusements & à ses plaisirs.

92. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre troisième — Chapitre VI. Défauts de l’exécution du Plan primitif de l’Opéra Français »

Défauts de l’exécution du Plan primitif de l’Opéra Français132 C’est un Spectacle de Chant et de danse que Quinault a voulu faire ; c’est-à-dire, que sur le Théâtre nouveau qu’il fondait, il a voulu parler à l’oreille par les sons suivis et modulés de la voix, et aux yeux par les pas, les gestes, les mouvements mesurés de la Danse. […] Dans les Bals de cérémonie, elle n’était qu’un mouvement sans objet, une occasion toujours la même de montrer les grâces de la figure, et les belles proportions du corps. […] Ce personnage connu dans la Fable par ses transformations surprenantes n’était qu’un Danseur Grec, qui opérait ces sortes de prodiges par la rapidité de ses pas, par les formes diverses qu’il savait donner à l’ensemble de ses mouvements. […] On ne me donne, à la place de ce que je pouvais attendre, qu’une froide symphonie, des cartons mal peints, quelques poignées d’étoupes enflammées, et un escamotage grossier, qui ne sert qu’à me faire apercevoir, combien j’aurais pu être satisfait, si le jeu de la Danse et le mouvement des machines s’étaient adroitement concertés, pour rendre à mes yeux et à mon oreille l’intention ingénieuse du poète. […] Voilà par conséquent Armide livrée toute entière et sans retour, aux divers mouvements de la plus vive tendresse.

93. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur l’interprétation du chanteur »

Ce grand ressort dans l’acteur, qui le possède, pose, détermine, arrange toutes les parties sans que l’art s’en mêle ; les bras, les pieds, le corps, se trouvent d’eux-mêmes dans les places, dans les mouvements où ils doivent être. […] Jamais dans ces automates fatiguant l’âme ne fait agir les mouvements ; elle reste ensevelie dans un assoupissement profond : la routine et la mémoire sont les chevilles ouvrières de la machine qui agit et qui parle. Baron avait le geste du rôle qu’il jouait : voilà la seule bonne manière de les adapter sur le théâtre aux différents mouvements du caractère et de la passion. […] Ce mouvement est inutile pour la prononciation de r : il est donc possible de le supprimer. […] Le son à donner change, parce que les mouvements que le grasseyement emploie sont étrangers à celui que forment pour rendre R les voix sans défaut.

94. (1765) Dissertation sur les Ballets Pantomimes des Anciens, pour servir de programme au Ballet Pantomime Tragique de Sémiramis « [Première partie] »

Suivant lui, il faut que le Danseur Pantomime connaisse « la Poésie, la Géométrie, la Musique, la Philosophie, l’Histoire, et la Fable ; qu’il sache exprimer les passions et les mouvements de l’âme ; qu’il emprunte de la Peinture et de la Sculpture les différentes postures et contenances, en sorte qu’il ne le cède ni à Phidias, ni à Apelles pour ce regard. Ce Danseur doit savoir aussi particulièrement expliquer les conceptions de l’âme, et découvrir ses sentiments par les gestes et les mouvements du corps : enfin il doit avoir le secret de voir partout ce qui convient, (qu’on appelle le Décorum) et avec cela être subtil, inventif, judicieux, et avoir l’oreille très délicate »1. […] On a rapporté le passage de Sidonius Apollinaris sur Caramalus et Phabaton deux Saltateurs illustres ; mais ce fameux passage dit nettement que ces Danseurs faisaient entendre tout ce qu’ils voulaient représenter, par des gestes et des signes, et par des mouvements des jambes, des genoux, des mains et du corps : et rien ne ressemble plus à la Danse, que l’emploi de tous ces mouvements. D’ailleurs ces mouvements se faisaient au son des instruments, et en cadence ; et Apulée, Lucien, et bien d’autres sont formels à cet égard. […] On y trouve que Vénus se présentant sur la Scène commence « à marcher, et à faire des gestes très délicats, et très expressifs, et des mouvements de tête au son de la flûte, et en cadence, ne dansant quelquefois que des yeux ».

95. (1908) Quinze ans de ma vie « Préface » pp. -

Pour y aider, ni gestes ni mouvements ; mais seulement l’expression de ses regards clairs et changeants comme des paysages qu’on découvre sur une belle route. […] Voilà au naturel cette Loïe Fuller en qui notre Roger Marx a salué la plus chaste et la plus expressive des danseuses, la belle inspirée qui retrouva en elle et nous rendit les merveilles perdues de la mimique grecque, l’art de ces mouvements à la fois voluptueux et mystiques qui interprêtent les phénomènes de la nature et les métamorphoses des êtres.

96. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 24 mai. « Pétrouchka » et « Lâcheté » ou l’histoire vue par le ballet. »

C’est la cohue populaire, truculente, goguenarde, assourdissante qui d’un exubérant mouvement d’allégresse accapare la scène ; c’est le rythme puissant, multiple, singulièrement vivant de la foule qui, à proprement dire, constitue l’action. […] Mais qu’est-elle devenue cette foule de Pétrouchka, diverse, bariolée, enivrée de mouvement ?

97. (1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 13 juin. Les ballets de Loïe Fuller. »

En vérité, cette baguette dont la Fuller allonge son bras et amplifie puissamment l’envergure du mouvement est la baguette d’une vraie magicienne. […] Les ombres qu’elles projettent « doublent » chacun de leurs mouvements sur une échelle plus grande ; parallélisme réjouissant.

98. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre II. De la maniere de bien marcher. » pp. 4-8

Je suppose que vous ayez le pied gauche devant, comme la Figure l’a démontré, il faut appuyer le corps dessus & du même tems le genouil droit se plie & le talon se leve par le mouvement que le corps fait en se posant dessus la jambe gauche, & par consequent fait lever la droite, ce qui se fait par son genouil, qui étant plié cherche à s’étendre, ce qu’elle fait en se passant devant vous. […] Quant au maintien des bras, il faut les laisser étendus à côté du corps en observant seulement que lorsque vous faites un pas du pied droit, c’est le bras gauche qui fait un petit mouvement en devant, ce qui fait le balancier & même cela vient naturellement.

99. (1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Chapitre septième. Des pirouettes ; » pp. 79-87

Il faut que le corps soit bien assuré sur ses jambes dans cette position et que les bras soient prêts à donner le mouvement et la force au corps pour le faire tourner, et qu’en même temps il prennent leur position, servent de balancier pour conserver l’équilibre de toutes les parties du corps qui se trouvent appuyées sur une seule jambe, et sur l’extrémité de la pointe (a). […] Le corps doit alors être bien allongé et bien penché, et les bras et la tête doivent gracieusement accompagner le mouvement. […] La jambe qui est en attitude doit se plier, et par son mouvement elle doit accompagner le contour arrondi de la position du corps. […] Je terminerai cette note sur les pirouettes, en disant à l’élève qu’il peut tourner dans toutes sortes d’attitudes et d’arabesques, pourvu que le dessin de son corps, de ses bras et de ses jambes soit gracieux et facile, et que le mouvement de toutes les parties du corps soit naturel, et dénué d’une pénible et désagréable affectation.

100. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre quatrième — Chapitre IV. Troubles excités à Rome par les Pantomimes. »

Il avait prévu les troubles qu’ils exciteraient, les disputes qu’ils feraient naître, les mouvements tumultueux qu’ils pourraient susciter. […] Il tenait dans sa main les mouvements secrets de la machine, qu’il avait exposée à leurs regards. […] Tibère trembla que de pareils mouvements ne dégénérassent à la fin en des factions funestes au trône.

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