Quoi que MONSIEUR DE PÉRIGNY Ait rendu du BALLET la beauté sans seconde, Vous ne voyez point là de BELLE SÉVIGNY À bons grands coups de poings faire battre le monde. Comme elle allait en masque un de ces derniers jours, Des gens que vous voyez toujours À son sujet prirent querelle ; La cause fut qu’en parlant d’elle, L’un d’eux accordait bien qu’elle avait l’air charmant, Qu’elle était belle assurément, Mais, ajoutait-il, pas tant belle.
Faute d’avis, venus à temps, Je ne vis point ce passe-temps, Car, pour lors, j’étais à Versailles, Avec des gens levant la paille, Qui n’étaient ni Comtes, ni Marquis, Mais des Gens de mérite exquis, Et des Dames belles et bonnes, Deux desquelles sont fort Mignonnes, Et toutes, très certainement, Pleines d’esprit et d’agrément ; Nous vîmes le subtil Dédale De cette Demeure Royale, Du jardin les charmants attraits, Les belles Chambres, les Portraits, Nous fîmes grande mangerie, Nous vîmes la Ménagerie, Dont les chères commodités, Dont les belles diversités, Dont les raretés infinies Réjouissent les Compagnies, Et cela tint lieu de Ballet, À votre très humble Valet.
Par contre, mime et danse à leur juste place, donnant le secours de la plastique et du mouvement à la musique et au poème, peuvent faire la plus belle et la plus riche des œuvres d’art. […] Le bon serait que l’on vit de belles figures mimer les êtres ou l’action, et qu’on entendît de beaux chants, sans qu’ils fussent visibles. […] Les beaux mimes faisant voir l’action, les voix invisibles faisant entendre les sentiments et les âmes, quel spectacle ce pourrait être.
Robinet, lettre du 21 juillet 1668 Dans le PARC de ce beau VERSAILLE, Qui n’est pas un Lieu de Broussaille, Mais le Palais le plus riant Où, du Couchant à l’Orient, Les claires et pure Naïades, Les gaies et vertes Dryades, La jeune Flore et les Zéphirs, Les Amours, les Jeux, les Plasirs, Les Labyrinthes, la Verdure, L’Art, en un mot, et la Nature Fassent par leurs beaux Agréments Le doux charme de tous les Sens ; Là, dis-je, où le Ciel à la Terre Ses plus chères faveurs desserre, On vit, Lundi, ce que les yeux Ne peuvent voir que chez les Dieux, Ou chez LOUIS, qui les égale Dedans la pompe d’un Régale. […] Maintes Cascades y jouaient, Qui de tous côtés l’égayaient ; Et, pour en gros ne rien ommettre Dans les limites de ma Lettre, En ce beau Rendez-vous des Jeux, Un Théâtre auguste et pompeux, D’une manière singulière, S’y voyait dressé pour MOLIÈRE, Le MOME cher et glorieux Du bas Olympe de nos Dieux. […] Cette petite Comédie Du crû de son rare Génie (Et je dis tout, disant cela) Était aussi, par-ci, par-là, De beaux Pas de Ballet mêlée, Qui plûrent fort à l’Assemblée, Ainsi que de divins Concerts Et des plus mélodieux Airs, Le tout du Sieur LULLY-BAPTISTE, Dont Maint est le Singe et Copiste. D’ailleurs, de ces Airs bien chantés, Dont les Sens étaient enchantés, MOLIÈRE avait fait les Paroles, Qui valaient beaucoup de Pistoles ; Car, en un mot, jusqu’en ce jour, Soit pour Bacchus, soit pour l’Amour, On n’en avait point fait de telles ; C’est comme dire d’aussi belles.
Un jeune homme d’Athènes, nommé Hyménée, d’une naissance obscure, mais éperduement amoureux de la belle Cryséïs, se mêle à cette fête ; sa jeunesse, la beauté de la taille et celle de ses traits aident à son déguisement ; les jeunes filles le reçoivent parmi elles, le traitent comme une de leurs compagnes, et, à la faveur de son travestissement, il jouit du plaisir de voir sa maîtresse. […] Il est écouté ; c’est l’Amour qui l’inspire ; c’est lui qui fait naître le courage ; c’est ce Dieu qui a suscité l’orage et soulevé les flots, c’est lui enfin, qui a résolu de faire le bonheur d’Hyménée et de la belle Cryséïs, en les unissant l’un à l’autre. […] Dans cet instant, Hyménée de retour, paroît non comme une jeune Athénienne, mais comme un jeune homme aussi beau qu’Adonis. […] Les parens de la belle Cryséïs l’unissent à son libérateur, et, par un mouvement d’enthousiasme et d’admiration, le peuple place Cryséïs et son amant sur un pavois, les élève et les porte en triomphe : on danse autour de ce pavois, et on les conduit au temple de l’Amour. […] Ce beau danseur avoit à cette époque les talens, les graces, et la figure propres à rendre le rôle d’Hyménée et à entraîner le public à l’illusion.
Ce fut chez le DUC de CRÉQUI, Où, beaucoup mieux que chez Mandoce, Se fit le beau Festin de Noce. […] En effet, tout y fut brillant, Poli, copieux et galant, Et de l’Hôtel la noble Hôtesse, La belle et charmante DUCHESSE, L’Aimant délicieux des Cœurs, De sa Maison fit les Honneurs, Avec tant de grâce et de gloire Qu’on n’en peut perdre la Mémoire. Avant ce superbe Banquet Qui rend si fécond mon caquet, La COMIQUE et ROYALE TROUPE, Qui semble avoir le vent en poupe, Représenta l’ANTIOCHUS, Poème si beau que rien plus, La dernière des Doctes Veiles Du plus jeune des deux CORNEILLES, Qui n’avait point encore paru Et qui certes a beaucoup plu.
Il consistait en Sept Entrées, Qui furent fort considérées, Mais, surtout une, des Plaisirs, Qui flattent les jeunes Désirs, Où paraissait leur Source même Dans le GRAND PORTE DIADEME, Puisque c’est aux soins glorieux De ce plus puissant Fils des Dieux, Qu’on doit notre Heur, & notre Joie, Et ces beaux jours filez de soie. Une, de Masques non follets,91 Mais sérieux et des mieux faits, Pleins de Bravoure et Braverie, Conduits par la GALANTERIE,92 Merveilleusement aussi plût,93 Et chacun volontiers dit chût Lorsque cette aimable Déesse, Avec une voix charmeresse, Ses dignes Maximes chanta, Par qui l’Oreille elle enchanta Tant de Mâles que des Femelles, Qui, certe, les trouvèrent belles. […] Où vous verrez, de part en part, Le reste de la Mascarade Et les beaux vers de BENSERADE, Qui, des Muses favorisé, Fait toujours miracle, à mon gré.
La REINE, aussi sage que belle, Digne d’une gloire immortelle, Était présente constamment À ce beau divertissement. Nos Princes les plus remarquables, Les Princesses les plus aimables, Les Envoyés, Ambassadeurs, Belles Dames et grands Seigneurs Agréablement s’y trouvèrent Et, le voyant, ils l’admirèrent.
Beauchamp rempli d’intelligence, Comme on sait, pour la belle Dance, Avait pris soin de ce Ballet, Demi-sérieux, & follet, Et les Pères, de tout le reste : Surquoi160, fort surement, j’atteste, Et plusieurs, aussi, me l’ont dit, Que rien de commun ne s’y fit, Ainsi que c’étaient toutes merveilles Pour les Yeux, & pour les Oreilles, Quoi que le beau Sexe enchanteur, Qui plaît le plus au Spectateur, Et qui fait qu’on est Idolâtre, La plupart du Temps, du Théâtre, N’agisse ni peu, ni prou là, Dedans ces beaux Spectacles là.
L’orage éxcité par le pouvoir de l’amour, donnera au peintre et au machiniste la faculté de déployer leurs talens, pour représenter une belle horreur. […] Ici, la scène changera, elle représentera un endroit délicieux embelli par l’enfant de Cithère ; il paraîtra dégagé de ses attributs ; il annoncera à la belle Gabrielle l’arrivée du Monarque, il ouvrira son coeur à la tendresse ; les Jeux, les Ris et les Plaisirs devanceront les pas du Héros, cette troupe enjouée sera conduite par la volupté. […] A cette scène variée succédera un pas de deux entre Henri et la belle Gabrielle, il offrira tous les agrémens du dialogue dicté par le sentiment et la passion. […] La belle Gabrielle employera l’éloquence de ses charmes, pour retenir son amant, elle aura recours aux larmes, à la prière, et embrassera les genoux de son vainqueur, qui, le coeur fortement ébranlé, et flottant sans cesse entre la gloire et l’amour ne fuira qu’à pas lents l’objet qui l’a séduit. […] Alors la décoration changeroit ; les fantômes de la volupté disparoitroient ; l’Amour fuiroit en entrainant avec lui la belle Gabrielle ; la Discorde, et la Rage s’envoleroient, l’une en secouant son flambeau, l’autre en écrasant ses serpens.
Robinet, lettre du 22 février 1670 Lundi, veille de Mardi gras, Jour de Crapule, et de grand Repas, De Bacchanales, et d’Orgies, De Bals, Ballets, et Momeries, Le Divertissement Royal Fut, encor, le digne Régal De notre belle Cour Française : Et j’ay su de Gens plus de seize, Que ce Spectacle si brillant, Si beau, si pompeux, si galant, Etait fourmillant de merveilles, Par qui les Yeux, et les Oreilles Etaient charmés également, Et surpris à chaque moment. […] Je finis ce Chapitre-ci, Ajoutant, justement, aussi, Que cet admirable Génie132 Que nous a fourni l’Italie, Pour travailler, en bel arroi, À ces grands Spectacles de Roi, Avait de ses savantes Veilles, Tirés les charmantes Merveilles Qui ravissaient en ce dernier, Dont il mérite un beau Loyer.