Nous voyons néanmoins que dans la primitive Eglise, les Chrétiens avoient conservé une telle vénération pour la cérémonie de la danse Sacrée des Juifs, qu’ils s’en sont long-tems servi, à l’exemple de David & des Lévites ; mais l’Eglise ayant reconnu les abus qui s’étoient glissez sous les apparences de ce rite, en a défendu l’usage dans le treiziéme siécle, de même que des danses Baladoires : en quoi nos Rois se sont conformez dans leurs Ordonnances au sentiment de l’Eglise pour les abolir. […] On peut juger du pouvoir qu’elles avoient sur l’esprit des Payens, par l’effet des danses des Bacchantes, dont Bacchus employa les charmes plutôt que la force pour subjuguer les Indiens : il établit à son retour en Egypte la Danse des Festins, qui a rapport à nos Bals de cérémonie pour les réjouissances publiques ; quoique Philostrate en attribue l’invention à Comus, comme Dieu des Festins, desquels le Bal faisoit l’accomplissement de la fête chez les Grecs Diodore l’attribue aussi à Terpsicore, la premiere Danseuse des Muses. […] Tite-Live nous apprend qu’on la célebroit la nuit aux flambeaux tous les mois de l’année, & que les hommes & les femmes qui y étoient admis, & qui avoient encore quelques restes de pudeur, y alloient masquez. […] Et comme les Instituteurs des differentes danses, leur avoient donné ou leurs noms propres, ou ceux des choses qu’elles exprimoient ; ce sont des circonstances que je n’oublie point dans leur histoire, parce qu’elles en font le fondement. […] L’art des Danseurs de corde a aussi sa place dans cette Histoire, tant par rapport au goût du tems, que parce qu’il paroît avoir été le premier spectacle public représenté chez les Grecs, qui appeloient ces Danseurs Schoënobates, & qui les avoient introduits dans leurs Foires pour attirer chez eux une quantité d’étrangers qui augmentassent leur commerce.
Les premiers sujets en avoient de considérables. […] Ce bienfait s’étendoit encore sur la classe la plus obscure de ce théatre, c’est-à-dire, que les ouvriers et les gagistes avoient des représentations qui étoient toujours excellentes. […] Si tout ceci lut resté immobile, rien ne m’auroit étonné, mais ces jets avoient un mouvement rapide, et continu. […] Il ne voyait les acteurs qu’au théatre, et ne les recevoit chez lui que lorsqu ils avoient des affaires particulières à lui communiquer. […] Ceux qui étoient employés dans le ministère, où qui avoient des places à la cour, qui exigeoient leur présence, avoient leur maison montée.
Ils en avoient aussi de figurées, pour exprimer leurs misteres. […] Ils avoient encore une autre danse de filles qui se faisoit nuds pieds, pour ne pas dire toutes nues, qui étoit celle de l’innocence, & qui fut cause du premier enlevement d’Helene par Thésée l’an 2854 du Monde, pour satisfaire son amour. […] Ces peuples avoient encore des danses particulieres en certaines fêtes, & d’autres solemnitez instituées par des Législateurs, qui étoient d’excellens Danseurs & Musiciens, comme Orphée, Linus, Musée, Licurgue. […] Domitien chassa même du Sénat quelques Sénateurs, pour avoir publiquement dansé de ces sortes de danses ; par rapport au respect que les Romains avoient encore pour la danse Sacrée, & les danses graves & sérieuses. […] Athenée, Livre 14, rapporte que les Arcadiens qui ont passé pour des peuples fort sages, avoient coutume d’exercer la jeunesse à la Danse jusqu’à l’âge de trente ans.
216. 10. ne leur avoient servis, lises : ne leur avoient servi.
Toutes ces especes de Balets avoient des regles pour leur conduite, dont Platon, Aristote, Lucien, Athenée, & bien d’autres nous ont laissé des préceptes. […] Nous voyons dans Athenée & dans Julius Pollux, que les Anciens avoient autant d’instrumens différens, qu’ils avoient de diverses danses ; que les filles dansoient au son des instrumens les plus doux ; que ceux qui servoient aux Balets des hommes étoient plus forts & plus patétiques ; & ceux au son desquels dansoient les vieillards, étoient plus graves & plus temperez : le tout pour exprimer les mouvemens de l’ame, suivant les sexes, & la différence des âges. […] Après cette entrée des Amours Rameurs, Venus fit encore paroître aux yeux de Mercure, les jardins de Cérès, & une troupe d’Amours, qui pour livrer plus aisément Proserpine à la passion de Pluton, avoient pris la figure & l’habit de ses compagnes, & sous-prétexte d’une promenade, l’avoient fait sortir d’un château soigneusement fermé par sa mere : d’autres Amours, qui pour le même dessein avoient pris la ressemblance des Jardiniers de Cerès, cachant adroitement leurs fléches sous des fleurs qui ornoient le parterre, présenterent à Proserpine des bouquets, dont la vertu secrette l’endormit sur un gazon. […] Une troupe de petits Amours effrayez d’un accident si surprenant, sortent avec précipitation des ruines du Palais, & retiennent une partie des déguisemens qu’ils n’ont pas eu le tems de dépouiller tout-à-fait : les uns ont encore les plumages des oiseaux, d’autres une partie des habits des Nymphes & danseurs, qu’ils avoient pris pour servir la passion d’Armide ; ce qui termina le Balet. […] L’ouverture du Théâtre commença par faire voir Neptune & Thétis, suivis de plusieurs Tritons qui composoient le corps de Musique, & qui firent entendre par leur récit, la gloire qu’ils avoient, qu’une Déesse d’une incomparable beauté, qui devoit régner dans tout l’Univers, fût née dans leur Empire.
L’Histoire sainte nous fait voir combien la danse Sacrée étoit en véneration chez les Juifs ou les Hébreux, pour la célébration de leurs fêtes, suivant la loi qu’ils en avoient reçue de Dieu : elle consistoit parmi eux à danser des danses caractérisées aux chants des Cantiques, des Hymnes & des Pseaumes à la louange de Dieu, composez par le Sacerdoce. […] Il n’y a point de danse qui ait fait plus de bruit dans l’univers par rapport au culte de la Religion, que celle que firent les Israélites dans le désert, pour honorer le Veau d’or, ou l’idole qu’ils avoient faite des joyaux d’or du peuple, à l’exemple des Egyptiens qui adoroient l’idole ou le bœuf Apis, qui passoit chez ces peuples pour une Divinité : c’est ce qui a fait dire à S. […] La fête des Agapes ou festins de charité, fut encore instituée dans la primitive Eglise, en mémoire de la Cêne de Jesus-Christ avec ses Apôtres, avant sa mort, & pour cimenter l’alliance des Chrétiens convertis du Judaïsme, avec ceux qui venoient du Paganisme, les faire manger ensemble, & diminuer insensiblement par-là l’aversion qu’ils avoient eue les uns pour les autres : les riches en faisoient la dépense, & y convioient les pauvres ; quelques saints Docteurs les ont regardées comme les noces de l’Eglise. […] Les Perses & les Indiens qui adoroient le Soleil, comme je l’ai déja dit, n’avoient point d’autre culte pour honorer cet Astre, que la danse qui se faisoit sur de petites montagnes au lever & au coucher du Soleil, à l’imitation de son branle & de ses mouvemens harmoniques, comme il paroît en parcourant le Zodiaque. […] Pour finir ce chapitre, je dirai que la danse Sacrée des Hébreux consistoit à danser des danses composées au chant des cantiques, & des hymnes à la louange de Dieu, ainsi que les premiers Chrétiens l’ont fait à leur imitation dans la primitive Eglise, & que pour celle des Payens elle passoit pour un acte mistérieux dans le culte qu’ils rendoient à leurs Divinitez ; c’est-pourquoi elle n’étoit exercée que par ceux qui avoient caractere pour les cérémonies de la Religion.
Ils avoient encore parmi eux des Saltinbanques ou Charlatans, pour vendre leur mithridat ; & sur la fin du spectacle, quelques-uns de leur troupe alloient faire la quête parmi les spectateurs, qui mettoient ce qu’ils vouloient dans la tirelire, comme je l’ai vû pratiquer dans ma jeunesse les Fêtes & Dimanches à la Place de Nesles, où l’on a bati depuis le Collége des Quatre-Nations. […] Pausanias rapporte aussi que les Grecs refuserent d’admettre les Danseurs de corde, aux représentations des Jeux Olimpiques, parce qu’ils n’avoient point d’actions ni de préceptes dans leurs Jeux, qui tendissent à la perfection des mœurs, ni à aucune vertu morale ni physique : leurs Jeux ne consistoient qu’en des exercices violens, & souvent en danger de perdre la vie. […] , ils joignirent à leur troupe celle des Archimomons, qui étoient les chefs des Bateleurs, des Bouffons, & des Baladins, & qu’ils sont les premiers qui ont corrompu & abusé sur leur Théâtre de l’art de la Danse, par des gestes, des mouvemens impudiques & dissolus, ne l’ayant osé entreprendre chez les Grecs, à cause de la vénération qu’ils avoient pour cet art, & dont l’origine leur a toujours paru très-respectable pour l’éducation de la jeunesse pour la danse Théâtrale, & pour les bals de cérémonie. […] Les Grecs avoient des Académies publiques qu’on appeloit Gymnastes, d’où nos Colléges & les Académies ont tiré leur origine ; les Républiques y entretenoient des Professeurs pour l’éducation de la jeunesse dès l’âge de sept ans : les Citoyens y alloient jusqu’à l’age de soixante ans, pour s’entretenir dans leurs exercices. […] Virgile nous apprend aussi qu’après que les Perses & les Romains eurent affoibli la grandeur des Grecs, qu’ils envoyerent leurs enfans en Toscane pour les former à tous les exercices du corps, où cette Nation excelloit autant que les Grecs l’avoient pû faire dans le tems de leur splendeur ; de même qu’aujourd’hui tous les grands Seigneurs de l’Europe viennent en France pour se perfectionner dans les exercices convenables à la Noblesse.
Celles qui l’avoient précédée, ne méritent pas qu’on les nomme. […] On se battoit pour entrer au théâtre et l’enthousiasme qu’avoient fait naître les talens de cette sublime danseuse, ne put mieux se manifester que par les bourses remplies de guinées, qu’on lui jetta sur le théâtre de toutes les parties de la salle. […] Les jettés battus, la royale, l’entrechat coupé sans frottement, tous ces tems aujourd’hui rayés du catalogue de la danse et qui avoient un éclat séduisant, la Dlle.
Le gouvernement riche de leurs chefs-d’oeuvre immortels auroit-il abandonné les artistes, qui avoient contribué à sa gloire ? […] Socrate enfin que l’oracle avoit déclaré le plus sage de la Grèce, Socrate, le maître de Platon, de Xènophon, de Calisthène, de Dion, de Libanius, devenu bien plus célèbre par ses vertus que beaucoup de princes, qui, les armes à la main avoient boulversé le monde, fut condamné à mort par un décret de l’Aréopage ; il but tranquillement la cigüe préparée par les mains de la jalousie, de l’envie et du fanatisme. Mais par une inconstance, et une versatilité de caractère familière aux Athéniens, ils élevèrent une statue à ce même homme, qu’ils avoient empoisonné.
Cette lettre de félicitation étoit accompagnée d’une médaille qu’ils avoient fait frapper à la gloire de ce grand maître. […] Il fallut traduire, et cette tâche présenta des obstacles ; on les surmonta en changeant la marche du poëme ; et l’on mit sur les airs les paroles qui convenoient au chant ; on en supprima et on en ajouta qui n’avoient point été composées pour cet ouvrage. L’auteur fut travesti et déguisé de telle manière, que des compositeurs Allemands m’ont assuré qu’ils avoient eu de la peine à reconnoître Mozart dont les traits aimables étoient défigurés.
207. 12. m’avoient s’emblé, lisés : m’avoient semblé.