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99. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre IV. » pp. 25-31

Les applaudissemens sont les alimens des arts, je le sais ; mais ils cessent d’être salutaires, s’ils ne sont distribués à propos, une nourriture trop forte, loin de former le tempérament le dérange et l’affoiblit : Les commençans au théâtre sont l’image des enfans que l’amour trop aveugle et trop tendre de leurs parents perd sans ressource. […] Portez l’amour de votre art jusqu’à l’enthousiasme.

100. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE VIII. » pp. 129-194

Deux Bergers, par exemple, épris éperduement d’une Bergere, la ressent de se décider & de faire un choix ; Thémire, c’est le nom de la Bergere, hésite, balance, elle n’ôse nommer son vainqueur ; sollicitée vivement, elle cede enfin à l’amour, elle donne la préférence à Aristée, elle fuit dans le bois pour cacher sa défaite ; mais son vainqueur la suit pour jouir de son triomphe. […] Voilà des contrastes simples mais naturels ; le bonheur de l’un augmente la peine de l’autre ; Tircis désespéré, n’a d’autre ressource que celle de la vengeance, il attaque Aristée avec cette fureur & cette impétuosité qu’enfante la jalousie & le dépit de se voir mépriser ; celui-ci se défend, mais soit que l’excès du bonheur énerve le courage, soit que l’amour satisfait soit enfant de la paix, il est prêt à succomber sous les efforts de Tircis ; ils se servent pour combattre de leurs houlettes ; les fleurs & les guirlandes composées par l’amour & destinées pour la volupté deviennent les trophées de leur vengeance : tout est sacrifié dans cet instant de fureur ; le bouquet même dont Thémire a décoré l’heureux Aristée, ne sauroit échaper à la rage de l’amant outragé. […] C’est l’amour en courroux, c’est l’amour méchant qui les lui fait faire. […] A ce Tableau touchant, l’action devient générale, des Bergers & des Bergeres accourent de toutes parts ; Thémire désespérée d’avoir commis une action si barbare, veut s’en punir & se percer le cœur ; les Bergeres s’opposent à un dessein si cruel ; Aristée partagé entre l’amour & l’amitié, vole vers Thémire, la prie, la presse & la conjure de conserver ses jours : il court à Tircis : il s’empresse à lui donner du secours, il invite les Bergers à en prendre soin. […] Il est sûr que les pleurs d’Andromaque, que l’amour de Junie & de Britannicus, que la tendresse de Mérope pour Egiste, que la soumission d’Iphigénie & l’amour maternel de Clytemnestre toucheront bien davantage que toute notre magie d’Opéra.

101. (1921) Le Ballet de l’Opéra pp. 191-205

Un abonné, le marquis de M… et une coryphée s’aimaient d’amour tendre. […] Mais l’infernalité n’était propre ni à notre loge ni à d’autres ; le public n’était pas plus patient que nous. »Roqueplan brouille ici les dates et les époques : il a raison pour le second Empire, son amour du paradoxe l’égare pour l’époque antérieure. […] Ça dérangerait mon mastic. » N’oublions pas, en effet, que le mastic dure près d’une heure : couche épaisse de blanc liquide sur la figure, les bras, le cou, les épaules, avec un soupçon de cold-cream et de poudre de riz, joues allumées de vermillon, lèvres avivées de carmin, dents lustrées à l’émail, les yeux allongés au khôl (quelques-unes au-dessous des yeux esquissent un disque d’azur) : Ce cercle bleu tracé par le bonheur, Sourcils dessinés à l’encre de Chine, quelques mouches, les amorces de l’amour, — posées çà et là ! […] Si la majorité estime qu’on ne doit pas penser au mariage par respect pour l’amour — une danseuse mariée sent mauvais, affirmait Roqueplan, — d’autres, plus éprises de réalités correctes, demandent au sacrement le décor de la considération : et c’est le port après la tempête, une tempête qu’elles regrettent fréquemment. […] Elles disparaissent enfin, ces créatures qui furent des créatrices d’illusions charmantes, printemps d’amour, joies de vivre, fleurs de tourbillon, divinités d’action gracieuse ; elles s’en vont, elles aussi, quérir un grand peut-être, prendre leur part des danses infernales ou célestes.

102. (1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Première partie.] — Chapitre VI. Témoignage d’Auteurs et de Ministres protestans contre les Danses. » pp. 72-93

Parlant des chants dont les danses sont souvent accompagnées, ils remarquent aussi : « que les chansons les plus communes seront là des paroles pleines d’amour, c’est-à-dire d’impureté. […] Notre vocation exige que nous fuyions le péché jusqu’aux moindres apparences, afin de conserver une pureté très-étroite ; que nous ne nous conformions point au monde, mais que nous prenions pour règle la volonté de Dieu, pour bien ordonner toutes les parties de notre vie ; et encore qu’ayant nos affections ravies en l’amour des choses célestes, nous ne soyons point amusés et retenus en de vains plaisirs. […] Aux chrétiens bien sages, la crainte d’offenser Dieu, l’amour de la vertu, la garde de leur salut sont des choses plus chères que tout ce qui se pourroit nommer de plaisirs au monde… Que perdrons-nous en perdant les danses ? […] On peut les conduire à l’amour de la vérité par la connoissance qu’ils en ont ; et il ne faut, pour les convertir, que fortifier leur foiblesse et les soutenir contre des inclinations dont ils gémissent et dont ils ont honte : mais, lorsqu’ils accusent la vérité, au lieu de se condamner eux-mêmes, et qu’ils pèchent par principe, en supposant que le mal est un bien, et osent donner à la vérité le nom d’erreur ; il n’y a plus de remède, selon le cours ordinaire, à cette double corruption de l’esprit et du cœur ; et la Religion ne peut plus subsister parmi des hommes qui en sont ennemis et par leurs actions et par leurs sentimens. […] Mais tout ce qui flatte l’orgueil et l’ambition, tout ce qui contribue à la douceur et aux délices de la vie, tout ce qui favorise l’amour des richesses et l’inclination à la dépense, trouve des approbateurs, et souvent même parmi ceux qui paroissent avoir renoncé à la vie des hommes du siècle.

103. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre premier — Chapitre VIII. Des Moralités »

Aussitôt on vit que les Étoiles du Ciel commencèrent à se remuer, sauter, danser ; ce que Mercure regardant, et voyant Jupiter dans une nue, il le supplia de vouloir transformer aucunes de ces Étoiles en des Chevaliers, qui eussent été renommés en amours pour leur constante fidélité envers les Dames.

104. (1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1663 — 8 janvier : Ballet des Arts — La Muse Historique de Loret — Loret, lettre du 20 janvier 1663 »

La Pucelle de Saint-Simon, Fille d’un Duc, de grand renom, Et d’une Mère fort charmante, Fille, dont la beauté naissante, Se rend digne, de jour en jour, D’admiration et d’amour, Fille, enfin, le rare modèle D’une âme si noble et si belle, Qu’on peut nommer l’âme et le corps, Deux incomparables trésors.

105. (1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1670 — 4 février : Divertissement royal, Les Amants magnifiques — Lettres en vers à Madame de Robinet — Robinet, lettre du 22 février 1670 »

Les fréquents Changements de Scène, D’une façon toute soudaine, En maints, et maints Objets divers, Y découvraient, d’abord, des Mers Dont si vaste était l’étendue, Qu’elle était à perte de vue : Et des Amours, & des Tritons, Y patinaient les frais Tétons Des Néréides, et Sirènes, Déesses des Humides Plaines.

106. (1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1671 — 17 janvier : Psyché — Lettres en vers à Monsieur de Robinet — Robinet, lettre du 3 octobre 1671 »

Vous savez bien, touchant ce Point, Grand Prince, que je ne mens mie, Et, s’il faut qu’ici, je les die, L’une est cet Amour Féminin,157 Dans un âge tout enfantin, Qui, par sa Voix, et par son geste, Et sa grâce toute céleste, Vous surprit, ravit et charma, Et, pour Vous, si bien s’anima, Que, de Vôtre Royale Altesse, Elle en eût Eloge, et caresse.

107. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Belton et Eliza. Ballet pantomime. » pp. 223-233

Témoins de la scène qui se passe, ils expriment leur surprise et leur indignation ; Eliza vole dans les bras de son père et de sa mère ; ils la repoussent ; elle tombe à leurs pieds ; elle les arrose des larmes du repentir et de l’amour filial. […] Eliza se précipite dans les bras de son père et de sa mère ; elle leur exprime ainsi que Belton son amour, son respect et sa reconnoissance.

108. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE IV. » pp. 47-60

Les applaudissements sont les aliments des Arts, je le sais, mais ils cessent d’être salutaires, s’ils ne sont distribués à propos : une nourriture trop forte, loin de former le tempérament, le dérange & l’affoiblit ; les commençants au Théatre sont l’image des enfants qu’un amour trop aveugle & trop tendre perd sans ressource. […] Portez l’amour de votre Art jusqu’à l’enthousiasme.

109. (1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Seconde partie.] — Chapitre II. Objections tirées de l’Ecriture sainte. » pp. 151-166

Est-il plus raisonnable d’alléguer en faveur des danses, que l’amour du plaisir sensuel a introduites parmi nous, l’exemple de David qui a dansé de toutes ses forces devant l’arche ? […] « David, dit saint Ambroise, (l. 5, in Lucam, n. 5) a dansé devant l’arche du Seigneur, non par l’amour de la volupté, mais par un esprit de religion : David antè arcam Domini non pro lascivio, sed pro religione saltavit. […] Ce prince religieux, emporté par les saillies de son amour pour Dieu, et devenu distrait pour tout ce qui l’environne, par une sainte ivresse, ne voit plus que son bienfaiteur qui le met en ce moment au comble de ses vœux ; et afin de donner à sa reconnoissance et à sa joie tout l’essor, et d’en suivre les transports, il prend une tunique, comme le vêtement le plus propre à en seconder l’activité ; et il quitte les marques de la majesté royale en la présence de Dieu, devant qui tout doit s’anéantir et disparoître. » Peut-on raisonnablement douter que ces grands sentimens de religion n’aient été le principe de la danse de David devant l’arche, lorsqu’on fait quelque attention à la réponse qu’il fit à Michol qui, le voyant danser et sauter devant le Seigneur, s’en étoit moquée en elle-même, et qui ensuite lui dit en raillant : Que le Roi d’Israël a eu de gloire aujourd’hui en paroissant devant les servantes de ses sujets comme un bouffon ! […] Si quelqu’un aime le monde, l’amour du père n’est point en lui ; car tout ce qui est dans le monde est ou concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie ; ce qui ne vient point du père, mais du monde.

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