Des Fêtes du même genre dans les autres Cours de l’Europe L’Italie était déjà florissante ; les Cours de Savoie et de Florence avaient montré dans mille occasions leur magnificence et leur galanterie ; Naples et Venise jouissaient des Théâtres publics de Musique et de Danse ; l’Espagne était en possession de la Comédie ; la Tragédie, que Pierre Corneille n’avait trouvée en France qu’à son berceau, s’élevait rapidement dans ses mains jusqu’au sublime ; notre Cour cependant, au milieu de ses triomphes et sous le ministère d’un homme vraiment grand, dont une économie bourgeoise ne borna jamais les dépenses, demeurait plongée dans la barbarie du mauvais goût. […] La France sera toujours un terroir fertile en talents, lorsqu’on saura, je ne dis pas les cultiver ; il suffit de ne pas les y étouffer dès leur naissance. […] L’Europe vêtue en Reine en sortit la première suivie de ses filles, la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, et la Grèce. […] La France menait avec elle un Basque, un Bas-Breton, un Aragonais et un Catalan ; l’Allemagne, un Hongrois, un Bohémien et un Danois ; l’Italie, un Napolitain, un Vénitien et un Bergamasque ; la Grèce, un Turc, un Albanais et un Bulgare. […] [Voir Fête (Beaux-Arts)] Qu’on compare cette Fête remplie d’esprit et de variété avec l’assemblage grossier des parties isolées et sans choix du Ballet des prospérités des armes de la France, et on aura une idée juste des effets divers que peut produire dans les beaux Arts, le discernement ou le mauvais goût des gens en place.
Les torrens de sang dont il innonda la France ne sont point taris ; le tems n’a pu effacer celui dont sont imprégnés les pavés qui environnoient les guillotines. […] Le but de toutes les fêtes qui fûrent données en France, depuis la mort de Louis XIV, fut toujours manqué, parce qu’on ne s’attacha qu’aux accessoires, et qu’on leur sacrifia le fond du sujet. […] Lorsque le gouvernement s’occupera de donner une grande fête, pour célébrer un événement qui fixera le bonheur et la prospérité et la France, tel que celui d’une paix générale, il faut alors qu’elle soit, par la réunion du goût à la magnificence, digne de l’objet intéressant qui la détermine ; il faut que les etrangers de toutes les parties de l’Europe en payent les frais en s’amusant ; il faut que cette fête soit grande, parce que c’est une grande nation entourée de victoires et de triomphes, qui la donne. Il faut que les talens qui embellissent la France, y déployent à l’envi tous les trésors des arts qu’ils cultivent ; il faut enfin, prouver à l’Europe étonnée, que les flots ensanglantés de la révolution, les guerres intestines et étrangères, la stagnation du commerce et de l’industrie, les calculs multipliés de la malveillance, les ravages de l’usure, l’anarchie des opinions, la disette et la mort, enfin que les calamités les plus effrayantes n’ont pu, enlever à la France cette troupe d’artistes célèbres, qui, dans les beaux jours de la paix, consacreront leurs plumes, leurs ciseaux, leurs burins et leurs pinceaux à immortaliser tous les grands traits de courage et de bravoure qui ont illustré nos armées. […] Il est tems de mettre un terme à ces affreuses calamités ; il est tems d’arrêter l’effusion du sang, et de cesser d’envoyer à la mort, ceux qui assurent notre subsistance et notre vie, ceux qui, font fleurir et prospérer l’agriculture, première richesse de la France, source intarissable du bonheur, de la sécurité et de la grandeur de la nation.
La Reine Catherine de Médicis porta ce genre à la Cour de France, et ne l’y fit servir qu’à une espèce de manège domestique. […] Jean-Antoine Baïf né à Venise pendant le cours de l’ambassade de Lazare Baïf son père, et de retour en France après sa mort, y fit pour la Musique les mêmes tentatives que le Cardinal Riari avait faites à Rome pour les Spectacles en général. […] [Voir Fête de la Cour de France] Pour qu’un bel établissement soit goûté, s’achève, se perfectionne, outre l’esprit, les talents et les vues dans le Citoyen qui le projette, on a besoin encore d’un coup d’œil juste, d’un vif amour pour le grand, d’un penchant invincible pour la gloire dans le Souverain à qui on le propose.
Du Ballet Moderne Lors de l’Établissement de l’Opéra en France, on conserva le fond du grand Ballet dont on fit un Spectacle à part ; mais on en changea la forme. […] La disette des sujets était alors si grande en France, que notre Opéra fut exécuté pendant plus de dix ans sans Danseuses. […] Ce genre appartient tout à fait à la France. […] Le Théâtre Lyrique qui lui doit le Ballet moderne, lui est redevable encore de deux genres aimables, qui pouvaient procurer à la Musique des moyens de se varier, et à la Danse des occasions heureuses de se développer, si ces deux Arts avaient fait alors en France des progrès proportionnés à ceux de tous les autres.
A Monseigneur le duc de Rets,pair de France,et capitaine des gardes du corps. […] Ce seroit ici l’occasion d’en étaler toute la grandeur, de parler de l’éclat de votre Sang, né pour former nos Rois, & de ce haut courage qui en est l’ame : mais il n’est permis qu’à des génies capables de manier adroitement la loüange, de vous en donner une digne de vous, & de raconter toutes les qualitez qui vous font estimer & aimer personnellement de toute la France.
Les fêtes publiques ont eu jusqu’ici différens objets, tantôt celui de distraire le peuple de ses maux, tantôt de capter son suffrage par d’inutiles prodigalités ; tantôt enfin, de déployer à ses yeux une magnificence qui, par un triste retour sur lui-même, lui faisoit plus profondément sentir sa misère ; mais je n’ai pas encore vu de fêtes en France, où la moralité fut unie au plaisir, où la décence et le bon goût fussent joints à la gaieté : le résultat de toutes les fêtes est, beaucoup de gens ivres, beaucoup de bourses volées, souvent des accidens graves, de la fatigue, et peu de plaisir, du moins de ce plaisir qui doit tourner au profit des mœurs, du goût et de l’esprit. […] Colbert donnoit des fêtes qui, en attirant des spectateurs de toutes les parties de l’Europe, apportoient beaucoup d’argent en France ; mais l’orgueil national étoit seul satisfait. […] Si, à cet époque, un homme oublié, respiroit encore, il traceroit cette fête mémorable et unique, qui enchaînerait à la France l’admiration de toutes les nations. C’est à cette epoque qu’elle pourroit déployer, d’une manière glorieuse et utile à ses intérêts, toutes les richesses de l’imagination et du goût ; c’est dans cette circonstance enfin, que les talens et les arts enfans de la paix, s’empresseroient, à l’envi de déployer toutes leurs richesses, et de prouver à l’Europe, que si la France est la patrie des héros, elle est encore celle du génie et des arts.
L’Électeur de Bavière, le Prince Emanuel de Portugal vinrent alors en France, et ils prirent le ton qu’ils trouvèrent établi. […] On peut mettre au nombre des Bals publics ceux que la Ville de Paris a donnés dans les occasions éclatantes, pour signaler son zèle et son amour pour nos rois ou pour célébrer les événements glorieux à la France. […] Lorsque les Suisses furent sur le point de venir en France, pendant le règne de Henri IV pour renouveler leur Alliance, le Prévôt des Marchands et les Échevins, qui dans cette occasion sont dans l’usage de les recevoir à l’Hôtel de Ville et de les y régaler, trouvèrent sous leur main l’ancienne Rubrique, et en conséquence ils délibèrent un Festin, et un Bal.
Fêtes de Louis XIV relatives à la Danse, depuis l’année 1643 jusqu’en l’année 1672 La Minorité de Louis XIV fut en France l’aurore du goût et des beaux Arts. […] [Voir Fêtes de la Cour de France] Je ne m’étendrai point sur les Fêtes trop connues de ce Règne éclatant. On sait, dans les Royaumes voisins comme en France, qu’il est l’époque de la grandeur de cet État, de la gloire des Arts et de la splendeur de l’Europe. […] [Voir Ballet, Fêtes de la Cour de France] Les Poètes, les gens de Lettres, les Artistes ne seront-ils jamais persuadés, par les exemples éclatants qui frappent leurs yeux, par l’expérience de tous les siècles, par la voix intérieure qui crie sans cesse dans le fond de leur cœur, que l’envie, la malignité, les fureurs de la jalousie dégradent, avilissent, déshonorent ?
A la charge que ces Presentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris, & ce dans trois mois de la datte d’icelles ; que l’impression de ce Livre sera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en bon papier & en beaux caracteres, conformément aux Reglemens de la Librairie ; Et qu’avant que de l’exposer en vente, le Manuscrit ou Imprimé qui aura servi de copie à l’impression dudit Ouvrage sera remis, dans le même état où l’approbation y aura été donnée, és mains de notre tres-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de France le sieur Fleuriau d’Armenonville, & qu’il en fera ensuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothéque publique, un dans celle de notre Château du Louvre & un dans celle de notre tres-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de France le sieur Fleuriau d’Armenonville ; le tout à peine de nullité des Présentes.
Bref, les autres Seigneurs de marque Qu’avait choisis notre Monarque, Et ceux de moindre qualité, Sans que pas un d’eux soit flatté, Comme on les tient, en cas de danse, Des mieux entendus de la France, Chacun d’eux, en ce beau Talent, Parut, tout à fait, excellent. Enfin, les neufs Muses célestes, Mignonnes, gracieuses, lestes, Ravissants les cœurs et les yeux,15 Par leurs pas concertés des mieux,16 Et Jules Du Pin avec Elle, Qui de l’Amour portait les ailes, Finirent agréablement Ce rare Divertissement, Que Saint-Aignan, illustre Comte, Dont la France cent biens raconte, A très agréablement inventé Par ordre de Sa Majesté.
Lully, Italien de Nation, étant venu en France à l’âge de neuf ans ; y appris la Musique : & comme il avoit un genie rare & sublime, il s’éleva bien-tôt au-dessus de tous les Compositeurs de son tems. […] Lully, qui dès sa premiere jeunesse s’étoit attaché à la Cour de Louis le Grand, oublia en quelque façon sa Patrie, & fit si bien par ses travaux que la France triompha sans peine & pour toûjours de l’Italie, par le charme de ces mêmes spectacles que Rome & Venise avoient inventez. Il ne se borna point à leur donner tout l’éclat que la Musique pouvoit fournir ; comme il étoit obligé de representer des Triomphes, des Sacrifices, des Enchantemens, & des Fêtes galantes qui exigeoient des Airs caracterisez pour la Danse, il fit choix de tout ce que la France avoit de plus habiles Danseurs. […] Lully qui avoit assez vecu pour sa reputation, mais qui auroit encore pû augmenter la gloire de la France par les nouveaux ouvrages, qu’il étoit en état de donner, mourut en 1687. à sa mort Beauchamp quitta l’Opera.