Ses bras maigriots, mais ronds, aux coudes de fillette encore un peu pointus, ondulent, jouent, s’alanguissent, agissent ; c’est là son vrai instrument, car les jambes ne font que suivre ; le rythme de ses talons est tâtonnant et pauvre ; il n’a rien de la musicalité ni de la virtuosité d’une Argentina.
Il est bien singulier, que l’on ait comme ignoré jusqu’à présent que le genre le plus propre à l’expression de la Danse est le genre tragique ; il fournit de grands Tableaux, des situations nobles & des coups de théatre heureux ; d’ailleurs, les passions étant plus fortes & plus décidées dans les Héros que dans les Hommes ordinaires, l’imitation en devient plus facile, & l’action du Pantomime plus chaude, plus vraie & plus intelligible. […] Que les Maîtres de Ballets qui voudront se former une idée juste de leur Art, jettent attentivement les yeux sur les batailles d’Alexandre, peintes par Lebrun ; sur celles de Louis XIV, peintes par Vander-Meulen, ils verront que ces deux Héros qui font les Sujets principaux de chaque Tableau, ne fixent point seuls l’œil admirateur ; cette quantité prodigieuse de combattants, de vaincus & de vainqueurs, partage agréablement les regards, & concourt unanimement à la beauté & à la perfection de ces chef-d’œuvres ; chaque tête a son expression & son caractere particulier ; chaque attitude a de la force & de l’énergie ; les grouppes, les terrassements, les renversements sont aussi pittoresques qu’ingénieux : tout parle, tout intéresse, parce que tout est vrai ; parce que l’imitation de la nature est fidelle ; en un mot, parce que la toile semble respirer. […] Les Tableaux exigent une action, des détails, un certain nombre de Personnages, dont les caracteres, les attitudes & les gestes doivent être aussi vrais & aussi naturels qu’expressifs.
Il est vrai, que le bon Maître sçait les placer à propos selon la construction de l’Ecolier, comme de les faire porter plus haut, si le sujet a la taille courte, & s’il a la taille longue ils doivent estre à la hauteur des hanches ; mais s’il est proportionné, il les tiendra à la hauteur du creux de l’estomac ; Remarque que j’ai sçû d’un des plus habiles de nos jours.
En faisant luire à notre esprit la lumière de la vérité, faites-la aussi pénétrer dans nos cœurs, en sorte que nous ayons un éloignement fini et persévérant pour tout ce qui peut vous offenser et vous déplaire ; et que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui est aimable, tout ce qui est d’édification et de bonne odeur, tout ce qui est vertueux, et tout ce qui est louable dans les mœurs, occupe désormais uniquement nos pensées, éclate dans toutes nos œuvres .
J’ai dit aussi que cette reverence est contraire à celle en avant ; cela est vrai, car pour faire celle en avant, le premier mouvement est de glisser le pied devant & de se plier de suite, afin qu’elle ne paroisse point coupée, & celle en arriere, vous marquez d’abord le pli du corps & l’inclination de tête avant de tirer le pied ; mais néanmoins sans beaucoup de distance, parce que les reverences se doivent faire de suite ; de plus c’est que l’on doit éviter l’affectation : mais pour se mettre dans l’habitude de les bien faire, c’est d’en faire plusieurs de suite, cela vous sera plus facile, d’autant que le pied tiré derriere ayant fini l’étenduë de son pas, vous laissez poser le corps dessus, & de-là vous portez le pied de devant à côté pour en refaire une autre & continuer d’en faire plusieurs de suite, mais lorsque vous avez la facilité de les faire d’un pied, vous les faites du pied contraire, afin que vous les fassiez également d’un pied comme de l’autre.
[12] Ne vous écartez jamais des vrais principes ; soyez amant du beau, et gardez-vous de vous laisser entraîner par l’exemple de quelque mauvais danseur qui sera en possession de plaire à un public aveuglé, par des tours de force, des gambades, et par de ridicules pirouettes. […] le bon et le vrai doivent l’emporter à la fin. […] J’ai même vu parmi les bons maîtres quelques-uns avoir la manie d’innover, et se former diverses manières de démontrer et de faire exécuter, prétendant par là refondre les vrais documents de l’art, qu’ils ne faisaient que détruire. […] Il faut travailler sans cesse et doubler l’exercice pour acquérir un vrai talent. […] Gardel, ce grand artiste m’a dit que pour connaître un bon danseur il fallait l’arrêter au moment d’une position, d’une attitude quelconque, et l’examiner : que l’œil même devait l’arrêter, pour ainsi dire, dans l’instant où il s’est enlevé, pour battre quelque Temps ; si alors cet artiste se trouve placé dans les vrais principes, et que son corps, ses bras, ses jambes forment un ensemble harmonieux, agréable et digne d’être dessiné, le danseur a réussi et mérite la palme.
« Il n’est que trop vrai que la Pantomime est depuis long-temps dans ses jours de décadence ». […] « C’est au milieu de tels discours & de tels préjugés, que j’ai ôsé concevoir & exécuter une Pantomime admirable », dans le vrai goût des Anciens, où l’on ne peut rien trouver à reprendre. […] Ma jeunesse, & une grande connaissance du vrai beau, qui, pour n’être plus suivi, n’est pourtant pas oublié, me feront accueillir avec transport, ou avec cette indulgence qui récompense les efforts, & encourage les dispositions. […] Ceux pour qui le vrai beau est un plaisir utile & réel, seront enthousiasmés de mon mérite, & leur âme en extase me saura gré d’avoir fait des Pantomimes ». […] Dans un autre endroit de la même Pièce, le Sultan, à son tour, fait une vraie Pantomime .
Augustin a adopté la même opinion ; il me semble que ces deux grands hommes (qui probablemeut n’étoient danseurs ni l’un ni l’autre) ont confondu la musique et la mesure ; car danser en mesure n’est pas être musicien ; cela est si vrai que le paysan le plus grossier danse en mesure. […] La représentation théatrale partagée entre l’acteur récitant, et l’acteur faisant les gestes passe ma conception ; si j’ajoute à cette méthode peu naturelle, un troisième personnage chaussé d’une sandale de fer, frappant rudement le plancher pour marquer la mesure de chaque geste ; si je parle ensuite d’une flûte gauche nommée Tibia, faite avec la partie la plus grosse du roseau, dont le son devoit approcher de celui du Basson, et qui servoit à accompagner l’acteur ; si je compare le son de ce frêle instrument avec celui de la voix qui sortoit avec fracas du cornet adapté à l’enorme bouche du masque de l’acteur ; mes conjectures se perdent, ma raison se tait, et c’est vainement que je cherche ce sage, ce vrai, ce naturel qui embellit les arts ; je n’apperçois sur cette scène antique qu’un amas de ridicules et d’invraisemblances. […] Quant a la déclamation, on me permettra de dire que la nôtre est plus sage, plus vraie et bien plus naturelle que celle des Grecs et des Romains et que le costume adopté par notre scène Française, s’avoisine de la vérité, autant que celui des anciens s’en éloignoit ; tout étoit contre nature dans l’accoutrement de leurs acteurs ; 1’homme disparoissoit : un art bizarre lui enlevoit sa forme et ses proportions ; sa tête enveloppée dans une seconde tête monstrueuse ; sa voix métamorphosée en voix de Stentor ; ses bras paralisés pas l’établissement d’un gésticulateur ; tout cet attirail, dis-je, le privoit des moyens propres à fortifier ]‘éxpréssion du discours, et à y ajouter de l’énergie.
Il est vrai que ce Traité auroit reçû plus de brillant d’une jeune plume, que de celle d’un Auteur presque octogenaire ; mais personne ne s’étant avisé de l’entreprendre, il pourra trouver de l’indulgence par la nouveauté de la matiere, par le nom respectable du Protecteur, & par le zele infini, & le profond respect avec lequel il est, MONSEIGNEUR, De Votre Altesse Royale, Le très-humble & très-obéissant serviteur, Bonnet.
Au reste, le vrai moyen d’attirer les ames à Dieu n’est pas de violer les règles selon lesquelles les ames doivent être conduites, mais de les porter à les observer fidèlement ; parce que c’est à cette observation que Dieu attache sa bénédiction sur le ministère.