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11. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XVIII. » pp. 185-200

Pour bien peindre cet acteur sublime, il faudroit avoir votre goût et votre génie ; je ne vous offrirai donc qu’un croquis très-imparfait des principaux traits de ce grand homme ; laissant à votre plume éloquente le soin de les embellir, et de faire un tableau frappant de ce qui n’est chez moi qu’une foible esquisse. […] Je ne puis donc vous donner que le développement de ma première pensée ; ce seroit toujours les mêmes traits que j’aurai à saisir. […] Son âme forte, mais sensible se répandoit sur tous les traits de sa physionomie, et les imprégnoit des sentimens, et des passions qu’il avoit à peindre. […] Son expression est pure, elle n’est pas plus étudiée que ses gestes ; des transitions heureuses, un silence effrayant, et qui annonce l’éclat des passions, un débit simple en apparence, qui sert de repoussoir aux grands traits d’éloquence, et a ce sublime que Mlle. […] Dans les passions vives et violentes, l’expression animée de ses traits devançoit toujours le geste ; c’étoit l’image de la fondre qui frappe avant que l’éclair perce la nüe.

12. (1908) Quinze ans de ma vie « Préface » pp. -

Je vis une dame américaine aux traits menus, aux yeux bleus comme les eaux où se mire un ciel pâle, un peu grasse, placide, souriante, fine. […] Volontiers elle peint d’un trait vif et brillant les pauvres gens en qui elle trouve quelque beauté qui les grandit et les décore.

13. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Les Danaïdes, ou. Hypermnestre. Ballet tragique. en cinq actes. » pp. 183-195

A cet aspect Danaüs épouvanté recule de surprise et d’effroi ; la pâleur de la mort s’imprime sur ses traits ; ses genoux tremblans supportent avec peine le poids de son corps agité. […] Ce grouppe mystérieux qu’elles regardoient comme celui de l’Hymen et de l’Amour, représente la haine et la vengeance armées de poignards, qui épuisent les traits de leur fureur sur un jeune homme nouvellement couronné par l’Hymen. […] Les Danaïdes restent immobiles à la vue de leur cruel attentat ; ici sortent du lieu du massacre des spectres horribles ; Tisiphone, Alecto, Mégère les accompagnent ; le Crime, la Trahison, la Perfidie et le Remords les suivent ; cette troupe infernale s’empresse à présenter aux Danaïdes les tableaux effrayans de leurs crimes ; les images, qui leur sont retracées par les enfers, leur déchirent l’ame, et leur causent à chaque instant de nouvelles épouvantes ; elles veulent fuir ; mais elles sont sans cesse arrêtées dans leur fuite par les grouppes horribles, qui les dévancent ou qui les poursuivent ; le Crime, le Remord, la Trahison et la Perfidie, conduits par les Furies, les enchaînent, pour ne les plus abandonner ; en vain veulent-elles échapper à la punition, qui les attend ; la terre s’entr’ouvre, il s’en exhale une vapeur épaisse mêlée de flammes ; un bruit sourd et confus ajoute à cette horreur ; un spectre hideux armé d’une faulx, sort à pas lents du souterrain ; son apparition glace d’épouvante l’ame des Danaïdes ; la pâleur de la mort se répand sur leurs traits ; le spectre leur montrant d’une main menaçante la route qu’il vient de leur frayer, leur ordonne d’y descendre ; c’est inutilement qu’elles tentent de se soustraire à sa puissance ; elles sont entrainées par la troupe infernale et les spectres armés de torches funéraires et lugubres les précipitent dans l’empire des morts. […] Danaüs, averti de la révolte, paroît à la tête de quelques troupes encore fidèles ; le combat recommence, mais ses efforts sont repoussés ; rien ne peut résister à la valeur de Lincée secondé des siens : Danaüs, se voyant prêt à être enveloppé, et à recevoir le châtiment qu’il mérite, s’élance sur Hypermnestre, qui, attentive à la conservation des jours de son père et de son époux, a volé au milieu d’eux, pour suspendre ou détourner leurs coups ; il la saisit d’une main, et lève le bras pour lui plonger dans le sein le glaive dont il est armé ; ici, Lincée, voyant le danger d’Hypermnestre, se jette sur Danaüs, lui arrête le bras et le désarme ; un Officier de confiance saisissant cet instant, plonge son poignard dans le sein du Tyran ; déjà la mort s’imprime sur ses traits ; des mouvernens convulsifs annoncent son dernier instant ; il tombe : c’est en vain que sa fille vole vers lui, qu’elle le presse et le conjure de jetter sur elle un regard de clemence ; déjà la mort étend ses voiles sur les traits de Danaüs ; il expire ; Lincée et Hypernmestre receuillent son dernier soupir ; Danaüs toujours cruel détourne avec horreur ses yeux de dessus eux, ou, si par hazard il les regarde, c’est pour leur reprocher sa mort, leur prouver qu’il emporte sa haine, et qu’il expire avec le regret de n’avoir pu éteindre sa vengeance dans leur sang.

14. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre III. » pp. 17-24

Il faut, dans les tableaux de la danse, des traits marqués, de grandes parties, des caractères vigoureux, des masses hardies, des oppositions et des contrastes aussi frappans qu’artistement ménagés. […] Si l’uniformité règne dans un ballet, si l’on ne découvre pas cette diversité d’expression, de forme, d’attitude et de caractère, que l’on rencontre dans la nature ; si ces nuances délicates, mais vraies, qui peignent les mêmes passions avec des traits plus ou moins marqués et des couleurs plus ou moins vives, ne sont point ménagées avec art, et distribuées avec goût et intelligence, alors le tableau est à peine une copie médiocre d’un excellent original ; et comme il ne présente aucune vérité, il n’a la force, ni le droit d’émouvoir ni d’affecter. […] Si le spectateur éclairé ne démêle point, au premier coup-d’œil, l’idée du peintre ; si le trait d’histoire dont il a fait choix ne se retrace pas à l’imagination du spectateur avec promptitude, la distribution est défectueuse, l’instant mal choisi, et la composition obscure et de mauvais goût. […] Vous me direz, peut-être, qu’il ne faut qu’un seul trait au peintre, et qu’un seul instant pour caractériser le sujet de son tableau ; mais que le ballet est une continuité d’actions, un enchainement de circonstances, qui doit en offrir une multitude.

15. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre V. » pp. 32-39

Ce sont les mouvemens et les traits de la musique, qui fixent et déterminent tous ceux du danseur. […] Par le rapport intime qui se trouve entre la musique et la danse, il n’est pas douteux, Monsieur, qu’un maître de ballets retirera des avantages certains de la connoissance-pratique de cet art ; il pourra communiquer ses idées au musicien ; et s’il joint le goût, au savoir, il composera ses airs lui-même, ou il fournira au compositeur les principaux traits qui doivent caractèriser son action : ces traits étant expressifs et variés, la danse ne pourra manquer de l’être à son tour. […] Chacun d’eux prend des routes opposées, comme chacun d’eux a des principes différens ; mais on y trouve cependant certains traits frappans, certain air de ressemblance, qui annonce leur union intime et le besoin qu’ils ont les uns des autres pour s’élever, pour s’embellir, et pour se perpétuer.

16. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE III. » pp. 30-46

Il faut dans les Tableaux de la Danse des traits marqués, de grandes parties, des caracteres vigoureux, des masses hardies, des oppositions & des contrastes aussi frappants qu’artistement ménagés. […] Si l’uniformité regne dans un Ballet, si l’on ne découvre pas cette diversité d’expression, de forme, d’attitude & de caractere que l’on rencontre dans la nature ; si ces nuances légeres, mais imperceptibles, qui peignent les mêmes passions avec des traits plus ou moins marqués, & des couleurs plus ou moins vives, ne sont point ménagées avec Art & distribuées avec goût & délicatesse, alors le Tableau est à peine une copie médiocre d’un excellent Original, & comme il ne présente aucune vérité, il n’a ni la force, ni le droit d’émouvoir ni d’affecter. […] Si le Spectateur éclairé ne démêle point au premier coup d’œil, l’idée du Peintre ; si le trait d’Histoire dont il a fait choix, ne se retrace pas à l’imagination du connoisseur avec promptitude, la distribution est défectueuse, l’instant mal choisi, & la composition froide & de mauvais goût. […] Le Ballet est l’image du Tableau bien composé, s’il n’en est l’original ; vous me direz peut-être qu’il ne faut qu’un seul trait au Peintre, & qu’un seul instant pour caractériser le Sujet de son Tableau, mais que le Ballet est une continuité d’actions, un enchaînement de circonstances qui doit en offrir une multitude ; nous voilà d’accord, & pour que ma comparaison soit plus juste, je mettrai le Ballet en action, en parallele avec la galerie du Luxembourg, peinte par Rubens : chaque Tableau présente une Scene, cette Scene conduit naturellement à une autre ; de Scene en Scene on arrive au dénouement, & l’œil lit sans peine & sans embarras l’Histoire d’un Prince dont la mémoire est gravée par l’amour & la reconnaissance dans le cœur de tous les François.

17. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE V. » pp. 61-77

Ce sont les mouvements & les traits de la musique qui fixent & déterminent tous ceux du danseur. […] Par le rapport intime qui se trouve entre la Musique & la Danse, il n’est pas douteux, Monsieur, qu’un Maître de Ballets retirera des avantages certains de la connoissance pratique de cet Art ; il pourra communiquer ses idées au Musicien, & s’il joint le goût au savoir, il composera ses airs lui-même, ou il fournira au Compositeur les principaux traits qui doivent caractériser son action ; ces traits étant expressifs & variés, la Danse ne pourra manquer de l’être à son tour. […] Chacun d’eux prend des routes opposées, comme chacun d’eux a des principes différents ; mais on y trouve cependant certains traits frappants, certain air de ressemblance, qui annonce leur union intime & le besoin qu’ils ont les uns des autres pour s’élever, pour s’embellir, & pour se perpétuer.

18. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur la danse moderne »

Comme les chaconnes sont composées de divers couplets ; que dans ceux du majeur on met ordinairement des traits de symphonie forts et fiers, et dans ceux du mineur, des traits doux, tendres, et voluptueux, ce danseur trouvait dans cette variété les moyens de développer sa précision et ses grâces. […] Les places immenses où s’assemblaient les spectateurs, formaient de si grands éloignements, qu’on n’aurait entendu la voix ni distingué aucun des traits du visage, si on n’avait eu recours à l’invention des masques qu’on changeait dans la même représentation, selon les divers besoins de l’action théâtrale. […] Que n’étant pas dans l’usage de danser à visage découvert, on n’a point pris d’enfance, comme les femmes, le soin d’en ajuster les traits avec les grâces qu’elles ont naturellement, et que leur adresse sait proportionner aux différentes entrées de danse qu’elles exécutent. Ces deux raisons ne sont que des prétextes ; les grâces du visage sont en proportion du sentiment ; et l’expression marquée par les mouvements de ses traits, sont les grâces les plus désirables pour un homme de théâtre. […] Tels sont les vents, les satyres, les démons : tous les autres sont ou nobles ou tendres ou gais ; ils gagneraient tous à l’expression que leur prêteraient les traits du visage.

19. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre VII. » pp. 56-64

Phrynicus, l’un des plus anciens auteurs tragiques, dit que le ballet lui fournissoit autant de traits et de figures différentes, que la mer a de flots aux grandes marées d’hiver. […] Lorsque les danseurs animés par le sentiment, se transformeront sous mille formes différentes avec les traits variés des passions ; lorsqu’ils seront des Prothée, et que leur physionomie, et leurs regards traceront tous les mouvemens de leur âme ; lorsque leurs bras sortiront de ce chemin étroit que l’école leur a prescrit, et que, parcourant avec autant de grace que de vérité un espace plus considérable, ils décriront par des positions justes les mouvemens successifs des passions ; Lorsqu’enfin ils associeront l’esprit et le génie à leur art, ils se distingueront ; les récits dès lors deviendront inutiles ; tout parlera, chaque mouvement sera expressif, chaque attitude peindra une situation, chaque geste dévoilera une intention, chaque regard annoncera un nouveau sentiment ; tout sera séduisant, parceque tout sera vrai, et que l’imitation sera prise dans la nature. Si je refuse le titre de ballet à toutes ces fétes ; si la plupart des danses de l’opéra quelqu’agréables qu’elles me paroissent, ne se présentent pas à mes yeux avec les traits distingués du ballet, c’est moins la faute du célèbre maître qui les compose que celle des poètes. […] La main habile d’un artiste peut attacher un prix inestimable aux choses les plus viles, et, d’un trait hardi, donner à l’argile la moins précieuse le sceau de l’immortalité.

20. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre IV. » pp. 25-31

En habituant notre âme à les sentir, la difficulté de les exprimer s’évanouira ; alors la physionomie recevra toutes ses impressions de l’agitation du cœur ; elle se caractérisera de mille manières différentes ; elle donnera de l’énergie aux mouvemens extérieurs, et peindra avec des traits de feu, le désordre des sens, et le tumulte qui règnera au dedans de nous-mêmes. […] S’il veut persuader, qu’il dessille les yeux trop fascinés des jeunes danseurs, et qu’il leur dise : « Enfans de Terpsichore, renoncez aux cabrioles aux entrechats, et aux pas trop compliqués ; abandonnez la minauderie pour vous livrer aux sentimens, aux graces naïves et à l’expression ; appliquez-vous à la pantomime noble ; n’oubliez jamais quelle est l’âme de votre art ; mettez de l’esprit et du raisonnement dans vos pas de deux ; que la volonté en caractèrise la marche, et que le goût en distribue toutes les situations ; quittez ces masques froids, copies imparfaites de la nature ; ils dérobent vos traits ; ils éclipsent, pour ainsi dire, votre âme, et vous privent de la partie la plus nécessaire à l’expression ; défaites-vous de ces perruques énormes, et de ces coeffures gigantesques, qui font perdre à la tête les justes proportions qu’elle doit avoir avec le corps ; secouez l’usage de ces paniers roides et guindés, qui privent l’exécution de ces charmes, qui défigurent l’élégance des attitudes, et qui effacent la beauté des contours que le buste doit avoir dans ses différentes positions. […] N’allez jamais à la répétition la tête pleine de figures et vide de bon sens ; soyez pénétrés de votre sujet ; l’imagination vivement frappée de l’objet que vous voudrez peindre, vous fournira les traits, les pas et les gestes convenables.

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