Ainsi le talent de Taïroff et de sa jeune compagnie, n’a sur la place de Paris ni cours ni change.
En Italie, on écoute attentivement quelques morceaux vantés, et pendant tout le reste de l’ouvrage, on joue, on boit, on mange, ou l’on jase comme dans une place publique, ou dans un café bruyant.
Les contre-tems se font à la place d’un pas de Menuet ; mais depuis quelque tems on ne les pratique guere dans le Menuet ordinaire : depuis que les Passe-pieds & les Menuets figurez sont venus à la mode, il est vrai que ces danses ont beaucoup d’agrément, par la varieté de leurs figures, & les differens pas dont elles sont remplies, & comme les contre-tems en font en partie la construction, je vais décrire la maniere de les faire selon les regles de l’Art.
On les fait encore d’une autre façon quoiqu’elles tiennent le même chemin ; mais à la place du demi-coupé on fait un demi-jetté & on tire le pied derriere à la troisiéme position, mais comme on en fait trois de suite, ainsi qu’aux précedentes ; à la premiere on tire le pied derriere, à la seconde on le tire devant, & à la troisiéme elle se termine quelquefois devant ou bien ensemble à la premiere position, & quelquefois même à la quatriéme position en avant selon les pas qui suivent, ces dernieres sont plus brillantes par leur premier mouvement qui est à demi sauté ; mais il faut s’appliquer à bien faire les premieres, parce que par la suite les dernieres viennent d’elles-mêmes.
Mais outre ces Balets, qui se représentent ordinairement dans les Palais des Souverains & sur les Théâtres publics, il y en a encore d’une autre composition, qu’on appelle Balets ambulatoires, qui se jouent de place en place dans les Villes, à l’occasion des Fêtes publiques. A qui Appien Aléxandrin donne encore le nom de Pompe Thirrhénique, dont l’invention est attribuée aux Thirrhéniens ; il dit que ces Balets sont d’une institution très-ancienne : les danseurs étoient de jeunes gens, dont les habits étoient retroussez ; ils portoient des couronnes ou des guirlandes d’or sur leurs têtes, & alloient chantant & dansant dans les places publiques, avec autant d’ordre que de méthode : ce spectacle étoit en vénération parmi cette nation. […] Une partie de cette place étoit ornée d’une décoration qui représentoit la Ville de Troie, avec ses tours & ses murailles : aux approches du cheval, une partie des murailles tomba ; les Soldats Grecs sortirent de cette machine, & les Troïens de leur Ville, couverts de feux d’artifice, avec lesquels ils firent un combat de danse merveilleux : le cheval jettoit des feux d’artifice contre la Ville, & la ville contre le cheval. […] Toutes les Galeres & tous les Vaisseaux du port saluerent ces Brigantins par une d’Artilerie, en arrivant à la Place de la Marine : les Ambassadeurs descendirent, & monterent en même tems sur un char superbement orné, & accompagnez de trois cens Cavaliers vétus à la Grecque, s’avancerent vers le College, précédez de plusieurs trompettes & timbales ; après quoi des peuples de divers nations, chacun vétu à la maniere de son pays, danserent un Balet très-agréable, composant quatre troupes ou quadrilles pour les quatre parties du monde.
Et lors qu’on sera paruenu à celuy qui occupe la derniere place du bransle, faut tourner sur la main gauche, & reprendre à peu pres le chemin qu’on aura faict en relaschant la main du costé, & ouurir les bras, pour mener auec plus de liberté, & ainsi on pourra finir par vne reuerence, & laisser la compagnie en bel ordre, ce qui se doit faire en cadance, mais auparauant la reuerence, on peut finir en ceste sorte. […] Au premier desquels, sans quasi bouger d’vne place, on glisse doucement le pied droict pres du gauche, en se releuant sur le mouuement d’iceux, & à l’instant laschant le gauche à costé, & rapportant l’autre en sa place, on tourne vn peu l’espaule droicte en dehors, que le corps tout d’vne piece doit suiure, puis on faict les mesmes trois pas de l’autre costé, commençant du pied gauche, si bien qu’apres auoir tourné l’espaule gauche en dehors, il faut faire vne retirade du pied droict sans leuer le gauche, que sur le mouuement d’iceluy en pliant vn peu les genoüils, & vne toute semblable de l’autre pied.
Je veux encore que les pas soient placés avec autant d’esprit que d’art, et qu’ils répondent à l’action et aux mouvemens de l’ame du danseur ; j’exige que dans une expression vive, on ne forme point de pas lents ; que dans une scène grave on n’en fasse point de légers ; que dans les mouvemens de dépit on sache éviter tous ceux qui, ayant de la légèreté, trouveroient place dans un moment d’inconstance ; je voudrois enfin que l’on cessât, pour ainsi dire, d’en faire dans les instans de désespoir et d’accablement : c’est au visage seul à peindre ; c’est aux yeux à parler ; les bras mêmes doivent être immobiles ; et le danseur, dans ces sortes de scènes, ne sera jamais aussi excellent que lorsqu’il ne dansera pas, ou que sa danse n’aura pas l’air d’en être une. […] Un bon Ingénieur ne s’emparera pas des ouvrages les plus foibles d’une place, s’ils sont commandés par des hauteurs capables de les deffendre et de l’en déloger, l’unique moyen d’assurer sa conquête est de se rendre maître des principaux ouvrages et de les emporter ; parce que ceux qui leur sont inférieurs ne feront plus alors qu’une foible résistance, ou se rendront d’eux-mêmes. Il en est des arts comme des places et des artistes comme des Ingénieurs ; il ne s’agit pas d’éffleurer ; il faut approfondir ; ce n’est pas assez que de connoitre les difficultés, il faut les combattre et les vaincre.
Je veux encore que les pas soient placés avec autant d’esprit que d’Art, & qu’ils répondent à l’action & aux mouvements de l’ame du Danseur ; j’exige que dans une expression vive on ne forme point de pas lents ; que dans une Scene grave on n’en fasse point de légers ; que dans des mouvements de dépit on sache éviter tous ceux qui ayant de la légéreté, trouveroient place dans un moment d’inconstance ; je voudrois enfin que l’on cessât d’en faire dans les instants de désespoir & d’accablement : c’est au visage seul à peindre ; c’est aux yeux à parler ; les bras même doivent être immobiles, & le Danseur dans ces sortes de Scenes ne sera jamais si excellent que lorsqu’il ne dansera pas ; toutes mes vues, toutes mes idées ne tendent uniquement qu’au bien & à l’avancement des jeunes Danseurs & des nouveaux Maîtres de Ballets ; qu’ils pesent mes idées, qu’ils se fassent un genre neuf, ils verront alors que tout ce que j’avance peut se mettre en pratique & réunir tous les suffrages. […] Un bon Ingénieur ne s’emparera pas des ouvrages les plus foibles d’une Place, s’ils sont commandés par des hauteurs capables de les défendre & de l’en déloger ; l’unique moyen d’assurer sa conquête, est de se rendre Maître des principaux ouvrages & de les emporter, parce que ceux qui leur sont inférieurs ne feront plus alors qu’une foible résistance, ou se rendront d’eux-mêmes. Il en est des Arts comme des Places, & des Artistes comme des Ingénieurs ; il ne s’agit pas d’effleurer, il faut approfondir ; ce n’est pas assez que de connoître les difficultés, il faut les combattre & les vaincre.
Il a vécu à sa place, dans un temps où les places étaient encore marquées. […] Au fond de cet abîme indéfinissable, je voyais apparaître de petits points rouges à peine perceptibles qui changeaient de place, disparaissaient et reparaissaient de nouveau.
Je ne ferais que mentionner, aujourd’hui, Idzikovsky, sauteur prodigieux ; Vladimiroff, qui avait pris à Pétrograd la place de Nijinski ; Viltzac, bel et bon danseur ; trop de portraits à faire pour une brève chronique.