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26. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre V. Sur le même sujet. » pp. 30-34

Le besoin et la nécessité peuvent être regardés comme deux sources où les hommes puisèrent leur industrie, leurs connoissances et leurs talens. […] Ce fut alors que l’imagination vint au secours de l’application, et qu’elle aggrandit la sphère des idées, Bientôt le génie s’empressa de couronner ses efforts ; et l’homme brut dans son état primitif, parvint à éclairer ses semblables et à leur inspirer le goût des sciences et des arts, dont il étoit devenu le professeur et l’oracle. […] Des hommes intelligens, peut-être un pâtre, dont la cornemuse faisoit les délices de sa contrée, auront donné l’idée d’employer les instrumens. […] Le calme bien rétabli, le goût des plaisirs, naturel à l’homme ; l’amour, sa première passion ; la richesse, qui appelle la volupté ; l’ennui, enfant de la paresse ; tout se réunissoit pour faire chérir un art, dont le moindre effet est de suspendre les peines, et qui devient pour les ames sensibles une source d’émotions délicieuses.

27. (1908) Quinze ans de ma vie « Quinze ans de ma vie — XVII, quelques philosophes » pp. 188-

C’étaient un homme et une femme qui passaient. L’homme jouait de l’accordéon tout en marchant à petits pas. […] Je demandai à l’homme et à la femme s’ils avaient mangé. […] L’homme avait toujours été aveugle. […] L’homme dit seulement : — On vous remercie bien, ma bonne dame.

28. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE XI. » pp. 290-314

C’est cet aveuglement, c’est cette ignorance dans laquelle nous sommes de nous-mêmes, qui produisent la foule immense de mauvais Poëtes, de Peintres médiocres, de plats Comédiens, de Musiciens bruyants, de Danseurs ou de Baladins détestables ; que sai-je, Monsieur, d’hommes insupportables dans tous les genres. Ces mêmes hommes placés où ils devoient être auroient été utiles à l’humanité, ils auroient bien mérité de leur Patrie ; mais hors du lieu & du rang qui leur étoient assignés, leur véritable talent est enfoui, & celui d’être à l’envi plus ridicules les uns que les autres lui est substitué. […] Les uns aveuglés par l’amour propre imaginent être sans défauts ; les autres ferment, pour ainsi dire, les yeux sur ceux que l’examen le plus léger leur feroit découvrir ; or dès qu’ils ignorent ce que tout homme qui a quelques lumieres est en droit de leur reprocher, leurs travaux ne sont étayés sur aucuns principes raisonnés & suivis ; ils dansent moins en hommes qu’en machines ; l’arrangement disproportionné des parties s’oppose sans cesse en eux au jeu des ressorts & à l’harmonie qui devroit former un Ensemble ; plus de liaison dans les pas ; plus de moëlleux dans les mouvements ; plus d’élégance dans les attitudes & dans les oppositions ; plus de proportions dans les déployements, & par conséquent plus de fermeté ni d’à-plomb. […] On pense assez communément qu’un homme gros & trapu doit être lourd ; ce principe est vrai quant au poids réel du corps, mais il est faux en ce qui concerne la Danse, car la légéreté ne naît que de la force des muscles. Tout homme qui n’en sera aidé que foiblement, tombera toujours avec pesanteur.

29. (1860) Mémoires de Rigolboche « Mémoires de Rigolboche — Chapitre premier » pp. 6-15

J’exploite ma réputation ; que les prudes et les hommes graves s’en prennent à mes apologistes, qui ont cru être très-spirituels en me glorifiant : à présent que c’est fait, je ne rentrerais pas dans l’obscurité pour un hôtel et des chevaux. […] Louis Veuillot n’ait pas encore voulu faire ma connaissance, il m’a toujours plu, cet homme-là. […] D’introduire dans mon récit un homme de la campagne — le roi de pique — lequel m’aurait « arrachée à la mort » et repêchée dans la rivière sans réclamer, dans un beau mouvement de désintéressement, les vingt-cinq francs de prime. […] V Pourtant, voyez comme les hommes sont bizarres, il en est très-peu qui ne se laissent prendre à ce mélodrame de boudoir ; ils pleurent avec les victimes, ils les excusent d’avoir failli et leur permettent de continuer leur petit commerce de femme abandonnée. […] — Laisse-le donc faire, lui ai-je dit ; il ne comprend pas ce qu’il dit, c’ pauvr’ homme !

30. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre III. » pp. 21-26

Ces progrès, et cette perfection sublimes furent encouragés pendant deux siècles ; les récompenses, les distinctions et les honneurs excitèrent l’émulation ; les hommes célèbres dans tous les genres parurent en foule dans ce premier âge, que l’on peut appeller l’âge d’or des beaux arts ; leurs talens étoient couronnés et par les succès, et par les honneurs du triomphe ; c’étoit a la vüe d’un peuple nombreux et enthousiaste, qu’ils recevoient le prix flatteur que les Grecs décernoient au mérite ; ils étoient couronnés par les premiers magistrats, et cette distinction flatteuse étoit accompagnée des cris et des applaudissemens d’un peuple, qui attachoit une partie de sa gloire et de son bonheur à l’amour qu’il avoit pour les beaux arts. […] Mais au milieu de tant de magnificence, et de prodigalité, n’est-il pas douloureux de voir des hommes, d’une sublimité rare, délaissés, abandonnés, et entièrement oubliés d’un gouvernement, qui devoit une partie de sa gloire, et de sa splendeur à la protection, qu’il accordoit aux sciences et aux arts. […] Là, je vois Périclès, cet homme, qui, par son éloquence, sa sagesse, et ses vertus héroïques, captiva pendant quarante ans l’amour des Athéniens ; je vois, dis-je, cet homme aussi illustre dans la paix que dans la guerre, à qui la république avoit érigé neuf trophées pour autant de victoires, qu’il avoit remportées ; accablé dans sa vieillesse par tous les maux, qui peuvent déchirer une âme sensible ; les Athéniens lui otèrent sa charge de général, le condamnèrent à une forte amende, et oublièrent en un instant les longs, et signalés services, qu’il avoit rendus à la République. […] Mais par une inconstance, et une versatilité de caractère familière aux Athéniens, ils élevèrent une statue à ce même homme, qu’ils avoient empoisonné.

31. (1921) Danse et musique « Danse et musique, par André Suarès — XI » p. 141

L’amour, tel que l’homme l’a conçu, le cœur, la charité, la musique, l’art enfin ne sont point de la raison ni du bon sens. […] Infini ou absolu, Amour enfin, Dieu sensible au cœur, voilà ce que l’art des sons propose à l’homme.

32. (1775) La littérature renversée, ou l’art de faire des pièces de théâtre sans paroles [graphies originales] « Lettre, d'un grand sauteur. A M. de Voltaire, sur les pantomimes . » pp. 17-37

Notre Scène comique va bientôt aussi ne peindre que par des gestes les ridicules des hommes. […] On oublie qu’elle pourrait peindre les vices, les ridicules des hommes, ainsi que la Comédie. […] faudra-t-il toujours dire aux hommes : Ne haïssez jamais celui qui ne vous est pas connu, & que peut-être vous auriez aimé » ? En dépit de ces Censeurs sévères, je ne me trouve pas moins un habile homme. […] « Il y a long-temps que l’Envie s’est apperçue qu’il valait mieux calomnier l’homme que l’Ouvrage, parce que l’Ouvrage est sous les yeux du Lecteur, & que l’homme n’y est pas.

33. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre XI. » pp. 145-156

C’est cet aveuglement, c’est cette ignorance dans la quelle nous sommes de nous-mêmes, qui produit la foule immense de mauvais poètes, de peintres médiocres, de plats comédiens, de musiciens bruyans, de danseurs et de baladins détestables, que sais-je, Monsieur, d’hommes insupportables dans tous les genres. Ces mêmes hommes placés où il devroient être, auroient été utiles ; mais, hors du lieu et du rang, qui leur étoient assignés, leur véritable talent est enfoui, et celui d’être à l’envi, plus ridicules les uns que les autres lui est substitué. […] On pense assez communément qu’un homme gros et trapu doit être lourd : ce principe est vrai quant au poids réel du corps, mais il est faux en ce qui concerne la danse ; car la légèreté ne naît que de la force des muscles. Tout homme qui n’en sera aidé que foiblement, tombera toujours avec pésanteur. […] Jouir sans remonter aux causes de ces jouissances, c’est assez pour le plupart des hommes ; mais analyser les jouissances, est le fait de l’artiste observateur ; et cette analyse contribue à l’accroissement de son art.

34. (1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre second — Chapitre X. Vues des Philosophes : objet des Législateurs relativement à la Danse. »

Les hommes communs ne considèrent dans les plaisirs que le plaisir même. […] Ces hommes supérieurs à l’espèce ordinaire, examinent, comparent, approfondissent. […] « L’homme, dit un ancien philosophe, a un sens capable d’ordre et de désordre, qui lui est particulier, et que les autres animaux n’ont pas.

35. (1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Première partie.] — Chapitre VI. Témoignage d’Auteurs et de Ministres protestans contre les Danses. » pp. 72-93

« Les danses, disent-ils, sont des sauts et des mouvemens, mesurés de façons diverses, en assemblées d’hommes et de femmes, au son de choses vaines et profanes, et non à autre fin que de prendre et donner du plaisir. […] Mais ce sur quoi ils insistent comme étant le comble du mal dans les danses, c’est que les hommes et les femmes s’y trouvent ensemble pour s’y donner réciproquement du plaisir. « Car, disent-ils, en pareilles circonstances la femme est un objet de concupiscence pour l’homme, et l’homme pour la femme, la matière de l’inflammation est dans tous les deux, et il ne faut que les seuls regards pour y mettre le feu, et faire brûler leurs cœurs de mauvais désirs ; tellement que la rencontre n’en est guère sans inconvénient. […] « Il y a quelque espérance, lorsque les hommes respectent les règles, quoiqu’ils ne les suivent pas, et qu’ils condamnent leurs actions, au lieu de les excuser sous de vains prétextes. […] Mais tout ce qui flatte l’orgueil et l’ambition, tout ce qui contribue à la douceur et aux délices de la vie, tout ce qui favorise l’amour des richesses et l’inclination à la dépense, trouve des approbateurs, et souvent même parmi ceux qui paroissent avoir renoncé à la vie des hommes du siècle.

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