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11. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE III. » pp. 30-46

L’Art du Compositeur est donc de rapprocher & de réunir toutes ses idées en un seul point, afin que les opérations de l’esprit & du génie y aboutissent toutes. […] Un Maître de Ballets doit s’attacher à donner à tous les Acteurs dansants une action, une expression & un caractere différents ; ils doivent tous arriver au même but par des routes opposées, & concourir unanimement & de concert à peindre par la vérité de leurs gestes & de leur imitation, l’action que le Compositeur a pris soin de leur tracer. […] Le Compositeur est-il excusable d’associer des paysans à cette Déesse, & de les rendre témoins de sa foiblesse & de sa passion, & peut-on pécher plus grossiérement contre la vraisemblance ? […] Je comprends que le Compositeur a tout sacrifié à l’effet, & que la Scene des fleches en l’air, prêtes à percer l’Amour, l’avoit séduit ; mais cette Scene étoit déplacée. Nulle ressemblance d’ailleurs dans le Tableau ; on avoit prêté aux Nymphes le caractere & la fureur des Bacchantes qui déchirerent Orphée ; Diane avoit moins l’expression d’une amante que d’une Furie ; Endimion peu reconnoissant & peu sensible à la scene qui se passoit en sa faveur, paroissoit moins tendre qu’indifférent ; l’Amour n’étoit qu’un enfant craintif, que le bruit intimide & que la peur fait fuir : tels sont les caracteres manqués, qui affoiblissoient le Tableau, qui le privoient de son effet, & qui dégradoient le Compositeur.

12. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XV. » pp. 150-159

La scène étant tantôt plus courte, et tantôt plus longue, ce changement de dimension doit être le régulateur, du compositeur. […] Je pense qu’un plus grand nombre de danseurs produiroit de la confusion, et entraverait les idées du compositeur, au lieu de les étendre. […] Est-ce celle du compositeur ? […] Si un ballet étoit uniquement composé de premiers danseurs et de premières danseuses ; l’exécution en seroit parfaite, et le compositeur pourroit alors se livrer à toutes les difficultés qu’offre le mélange des pas et des temps ; mais il y a bien de la différence à faire entre les talens des premiers sujets à ceux des figurants ; entre l’émulation des uns et l’insouciance des autres. […] Ils ne peuvent ni l’un ni l’autre se livrer à l’arbitraire et à la fantasie : ils doivent avoir une exécution mâle et nerveuse, observer toutes les nuances et le clair-obscur propres à augmenter le charme de l’exécution, sans toutefois ajouter ou diminuer au noté du compositeur ni au tracé du maître de ballets.

13. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre xvi » pp. 89-95

Je sais que les divertissemens ou les ballets que les poëtes cousent maladroitement à leurs poëmes, ne disent rien au goût ni à l’esprit ; qu’ils absorbent tous les momens d’un compositeur, et l’empêchent de se livrer plus souvent aux grandes compositions. […] Des gens d’esprit et de goût m’ont assuré, que la partie dansante de ces deux compositions, étoit brillante et remplie de charmes ; mais que l’action pantomime et l’expression qui en est l’âme, n’avoient pu se déployer dans deux sujets également mal-choisis, totalement dénués d’intrigues et incapables de fournir au compositeur de grands traits et d’heureuses situations. […] Ils auroient du se contenter de blâmer le mauvais choix du compositeur, lui reprocher la trop grande extension qu’il avoit donnée à des sujets pauvres, foibles, froids et languissans, lui prouver que les épisodes dont il les a farcis, n’ont pu les réchauffer, et que les efforts multipliés de la danse n’ont pu suspendre ni éloigner leur chûte.

14. (1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre III. Des Positions, & de leur origine. » pp. 9-10

J’ai sçu de lui que suivant les regles de son tems on comptoit cinq pas dans la danse, desquels dérivent les autres pas, qui se pratiquent dans la danse ; & comme il avoit beaucoup de goût pour le Dessein, (ce qui est très-necessaire pour un Compositeur de Ballet aussi-bien que la Musique,) ce rare génie trouva que rien n’étoit plus important pour maintenir le corps dans une attitude gracieuse, & les pas dans une grandeur mesurée, que d’introduire ces cinq Positions ; aussi on doit les regarder comme des regles indispensables que l’on doit suivre.

15. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre III. Sur le même sujet. » pp. 19-23

Gardel, Dauberval, le Picq et Gallet, ces compositeurs ingénieux, se sont-ils fixés dans leurs brillantes compositions à un seul genre ? […] Après la mise d’Armide, et le nouveau triomphe que Gluck obtint dans cet opéra, qui n’est point une tragédie, ce célèbre compositeur fut sollicité par le Baron de Thoudy, auteur des paroles d’Echo et Narcisse, d’en faire la musique ; il céda aux instances des amis de l’auteur : cette nouvelle circule dans tout Paris, ou ceux qui aiment le mieux la musique répandirent le dégoût dans les sociétés, en annonçant que cette nouvelle production seroit médiocre ; tous ces propos retentirent même dans les cafés, avant que Gluck eût mis la main à la plume pour écrire la première scène de ce nouvel ouvrage ; il rioit de la prédiction de tous ces petits prophètes : il donna son opéra ; mais l’esprit de parti triompha du charme, de la beauté et de la grace qui règnoient dans cette production ; elle n’eût qu’un foible succès.

16. (1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur les artistes de l’opéra »

Rameau a pressenties dans leurs voix flexibles et brillantes, que l’opéra doit ces morceaux saillants, dont cet illustre compositeur a enrichi le chant Français. […] Elle a ri de leurs craintes, et dédaigné leurs faibles cris : entraînée par le plaisir, elle a écouté avec transport, et son enthousiasme a partagé ses applaudissements entre le compositeur et les exécutants. […] Quelque fertile cependant que soit l’imagination d’un compositeur en ce genre, il faut nécessairement qu’il se répète bientôt, lorsqu’il ne peut employer des danseurs que pour danser.

17. (1797) Essai ou principes élémentaires de l'art de la danse, utiles aux personnes destinées à l'éducation de la jeunesse « Des différents genres de la danse »

Je ne parlerai pas non plus des figures de la plupart des contredanses, telles que la main, les deux mains, le moulinet, le rond, le dos-à-dos, la poussette, le carré de Mahoni, la chaîne à quatre, la chaîne à huit, etc. et nombre d’autres figures qui se varient au gré des compositeurs.

18. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre VII. » pp. 56-64

La plupart des danseurs ou des compositeurs auroient besoin d’adopter l’usage que les peintres suivoient dans les siècles d’ignorance ; ils substituoient à la place du masque des rouleaux de papier qui sortoient de la bouche des personnages ; et sur ces rouleaux, l’action, l’expression et la situation que chacun d’eux devoit rendre étoit écrite. […] Un bouquet, un rateau, une cage, une vielle, ou une guitarre ; voilà à peu près ce qui fournit l’intrigue de nos superbes ballets ; voilà les sujets grands et vastes qui naissent de l’imagination de nos compositeurs. […] L’acte des Fleurs, l’acte d’Eglé dans les talens lyriques, le prologue des fêtes Grecques et Romaines, l’acte Turc de l’Europe galante, un acte entre autres de Castor et Pollux, et quantité d’autres où la danse est ou peut être mise en action avec facilité, et sans effort de génie de la part du compositeur, m’offrent véritablement des ballets agréables et très-intéressans ; mais ces danses figurées qui ne disent rien, qui ne présentent aucun sujet, qui ne portent aucun caractère, qui ne me tracent point une intrigue suivie et raisonnée ; qui ne font point partie du drame, et qui tombent, pour ainsi dire, des nues, ne sont à mon sens, comme je l’ai déjà dit, que de simples divertissemens de danse, et qui ne déploient que les mouvemens compassés et les difficultés mécaniques de l’art.

19. (1797) Essai ou principes élémentaires de l'art de la danse, utiles aux personnes destinées à l'éducation de la jeunesse « [Conclusion] »

Après avoir développé le mécanisme élémentaire de la danse, je me hasarderais peut-être à en retracer à mes lecteurs la poétique, si j’ose m’exprimer ainsi, et le tableau des effets étonnants opérés par le talent combiné de l’artiste qui exécute et du compositeur habile qui asservit à la magie de son art les difficultés les plus indomptables. […] N’oublions jamais qu’un ballet est un tableau, et que pour faire un beau ballet, il faut nécessairement que le compositeur soit un grand peintre : la scène est la toile, les danseurs sont les personnages, leurs mouvements sont les couleurs, la fidélité du costume le coloris.

20. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XX et dernière. » pp. 213-241

J’ai dit dans le courant de mon ouvrage, qu’un ballet étoit un poème ou un drame, et que dans tous les genres, le compositeur devoit s’attacher aux règles de la poétique ; que le ballet dans cette circonstance étoit une représentation d’un sujet quelconque, et qu’il devoit par conséquent avoir un commencement, un milieu et une fin, on une exposition, un noeud et un dénouement. […] Après avoir suffisament parlé dans le cours de mon ouvrage des principes de la danse, et des règles relatives à la composion des ballets, je vais parcourrir les différens genres que le compositeur peut adopter, si toutefois il veut se varier et plaire. […] Il ne faut pas croire que le genre comique soit insusceptible du plus grand intérêt, et qu’il ne soit borné qu’à la représentation des fêtes villageoises, des fêtes marines, des camps, des foires et de tous les tableaux variés que le compositeur peut puiser dans les moeurs et danss le costume des nations. […] Il seroit absurde de se servir du buste ou du portrait du Prince ou du Héros à qui la louange s’adresse ; ce foible moyen l’offenseroit sans doute ; il afficheroit l’ineptie du compositeur. […] Voila, Monsieur, ma tache à peu près remplie ; j’ai présenté des apperçûs de tous les genres de ballets ; et je finirai cette lettre peut-être trop longue, par donner aux compositeurs (novices dans cet art) quelques conseils dont ils pourront profiter.

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