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35. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre X. » pp. 130-144

Je regarde les difficultés multipliées de la musique et de la danse comme un jargon qui leur est absolument étranger : leurs voix doivent être touchantes ; c’est toujours au cœur qu’elles doivent parler ; le langage qui leur est propre est celui du sentiment ; il séduit universellement, parce qu’il est entendu universellement de toutes les nations. […] Les arts sont de tous les pays ; qu’ils empruntent la voix qui leur est propre, ils n’auront pas besoin d’interprêtes, et ils affecteront également et le connoisseur et l’ignorant : leur effet ne se borne-t-il au contraire qu’à frapper les yeux sans toucher le cœur, sans remuer les passions, sans ébranler l’âme, ils cessent dèslors d’être aimables et de plaire : la voix de la nature et l’expression fidelle du sentiment porteront toujours l’émotion dans les âmes les moins sensibles ; le plaisir est un tribut que le cœur ne peut refuser aux choses qui le flattent et qui l’intéressent. […] La plus grande partie de ceux qui se livrent au théâtre, croient qu’il ne faut avoir que des jambes pour être danseur, de la mémoire pour être comédien, et de la voix pour être chanteur, en partant d’un principe aussi faux, les uns ne s’appliquent qu’à remuer les jambes, les autres qu’a faire des efforts de mémoire, et les derniers qu’à pousser des cris ou des sons ; ils s’étonnent après plusieurs années d’un travail pénible, d’être jugés détestables ; mais il n’est pas possible de réussir dans un art sans en étudier les principes, sans en connoitre l’esprit et sans en sentir les effets.

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