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58. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE XIV. » pp. 396-434

J’aurois du moins étudié l’art d’ajuster & d’accomoder à mes traits les agréments des autres, & je me serois efforcé de me les rendre propres, où du moins de m’en parer sans en devenir ridicule. […] Une Musique au contraire expressive, harmonieuse & variée, telle que celle sur laquelle j’ai travaillé9 depuis quelque temps me suggere mille idées & mille traits ; elle me transporte, elle m’éleve, elle m’enflamme, & je dois aux différentes impressions qu’elle m’a fait éprouver & qui ont passé jusques dans mon ame ; l’accord, l’ensemble, le saillant, le neuf, le feu & cette multitude de caracteres frappants & singuliers que des Juges impartiaux ont cru pouvoir remarquer dans mes Ballets ; effets naturels de la Musique sur la Danse, & de la Danse sur la Musique, lorsque les deux Artistes se concilient, & lorsque leurs Arts se marient, se réunissent & se prêtent mutuellement des charmes pour séduire & pour plaire. […] Vous ne distinguez rien, & dans l’impossibilité où je suis de rendre ce que les traits, la physionomie, les regards & les mouvements des Nymphes exprimoient si bien, vous n’avez & je ne vous donne ici que l’idée la plus imparfaite & la plus foible de l’action la plus vive & la plus variée. […] Elles courent après lui ; mais à la faveur de plusieurs feintes il leur échappe toujours, & dans l’instant où il paroît être dans l’embarras le plus grand & où les Nymphes croient de l’arrêter, il fuit comme un trait & il est remplacé avec promptitude par douze Faunes. […] La Pantomime est un trait, les grandes passions le décochent ; c’est une multitude d’éclairs qui se succédent avec rapidité ; les Tableaux qui en résultent sont de feu, ils ne durent qu’un instant, & font aussi-tôt place à d’autres.

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