Grâce à elle, je comprenais ce que veulent faire ces pauvres filles quand elles lèvent la jambe, le pied, ou tendent les bras en corbeille. […] Ces corps d’enfants souples et beaux, leurs longs cheveux bouclés et libres, leurs petits bras s’agitant au rythme des jambes et des pieds nus, au son d’une musique suave, la grâce merveilleuse du moindre de leurs gestes débarrassés de cette sorte d’ankylose empruntée et maladroite que donnent chez nous aux petits rats d’opéra les exercices mal compris, surtout leurs yeux, leurs doux yeux candides et tendres d’enfants du Nord, me mirent dans un état d’exaltation pure et religieuse que je ne connaissais pas. Comme elles sautaient très haut, ainsi que des balles, sur le tapis sombre, comme elles étaient vêtues d’étoffes claires et voltigeantes, les petites filles me firent exactement l’effet de petits anges ; je lus une infinie bonté dans leur infinie douceur, et leur tendre sourire me rappela celui des images saintes qu’aima mon enfance.