Garrick possédoit ; talent d’autant plus estimable, qu’il empêche l’acteur de s’égarer et de se tromper dans les teintes, qu’il doit employer dans ses tableaux ; car on prend souvent le froid pour la décence, la monotonie pour le raisonnement, l’air guindé pour l’air noble, la minauderie pour les grâces, le poumon pour les entrailles, la multiplicité des gestes pour l’action, l’imbécillité pour la naïveté, la volubilité sans nuances pour le feu, et les contorsions de la physionomie, pour l’expression vive de l’ame. […] Cette situation faisoit frémir : il grattoit la terre, il creusoit en quelque façon son tombeau ; mais le moment approchoit, on voyoit réellement la mort : tout peignoit cet instant qui raméne à l’égalité ; il expiroit enfin : le hoquet de la mort et les mouvemens convulsifs de la physionomie des bras et de la poitrine, donnoient le dernier coup à ce tableau terrible. […] Les tableaux d’histoire du célèbre Vanloo sont l’image de la danse sérieuse ; ceux du galant et de l’inimitable Boucher, celle de la danse demi-caractère ; ceux enfin de l’incomparable Téniers, celle de la danse comique. […] Ici je vois de la conduite et du raisonnement, de la précision dans l’ensemble, de la vérité dans le costume, de la fidélité dans le trait historique, de la vie dans les figures, des caractères frappans et variés dans les têtes, et de l’expression partout ; c’est la nature qui m’est offerte pas les mains habiles de l’art : mais là, je ne vois que des tableaux aussi mal composés que dèsagréablement dessinés. […] Tel est le caractère de la belle danse, qu’il faut y substituer le raisonnement à l’imbécillité, l’esprit aux tours de force, l’expression aux difficultés, les tableaux aux cabrioles, les graces aux minauderies, le sentiment à la routine des pieds, et les caractères variés de la physionomie à ces masques tiédes qui n’en portent aucun.