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69. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « Observations sur la construction d’une salle d’opéra. » pp. 3-32

Je suppose qu’un poète fit entrer dans le plan de son opéra l’attaque d’une place fortifiée ; la destruction de ses remparts et l’incendie générale de la ville ; qu’il voulût ensuite faire paroître le vainqueur dans un char attelé de quatre chevaux de front, le faire devancer et suivre par soixante hommes de cavalerie et deux cens d’infanterie ; qu’il voulût joindre à ce pompeux cortège les captifs, les trophées remportés sur les vaincus, enfin tous les accessoires qui pourroient ajouter de la grandeur et de l’intérêt à cette entrée triomphale, comment, dis-je, le poète s’y prendroit-il pour faire exécuter cette idée Grandiose sur un théâtre si petit, et aussi mal distribué que celui de l’opéra ? […] Je lui dis : les loges de huit places seront réduites à quatre ; dans les grandes représentations on n’aura d’autre peine à se donner que de baisser un panneau. […] Un autre objet au quel on n’a jamais réfléchi, c’est que le spectateur dans quelque place que ce soit ne doit point voir ce qui se passe derrière les décorations ; s’il a la faculté d’y porter ses regards, il perd une partie du plaisir qu’il se proposoit d’avoir, et on lui ôte à tous égards celui de l’illusion ; en plongeant ainsi dans les ailes, il y découvre la manœuvre du théatre, il y apperçoit cent lumières incommodes et lorsqu’il veut ensuite ramener ses regards sur la scène, tout lui paroît noir et confus, son œil fatigué ne distingue plus les objets, ou ne les voit qu’à travers un brouillard. […] Le Carouzel, cette vaste et magnifique place, est défigurée par l’irrégularité des bâtimens qui font face au palais des Tuilleries ; ces bâtimens informes ne seroient-ils pas bien remplacés par un superbe monument consacré aux arts, dont la façade seroit tourné du côté du palais ? […] Dans le cas où l’achévement du Louvre seroit mis à exécution, il offriroit alors une place immense, et, dans cette circonstance, ce seroit à 1’architecte à élever du côté de la place du vieux Louvre un frontispice qui répondit à la majesté du local, et au décore qu’exige le temple des arts.

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