L’action en matière de danse est l’art de faire passer par l’expression vraie de nos mouvemens, de nos gestes et de la physionomie, nos sentimens et nos passions dans l’ame des spectateurs. […] Que les maîtres de ballets se persuadent que j’entends par gestes les mouvemens expressifs des bras, soutenus par les caractères frappans et variés de la physionomie. […] En ne regardant que les physionomies, tous les joueurs ont l’air content et satisfait ; on diroit que tous gagnent ; mais que vos regards se fixent sur leurs bras, leurs attitudes et leurs gestes, vous voyez d’un coté l’attention immobile de l’incertitude, de la crainte ou de l’espérance ; de l’autre le mouvement impétueux de la fureur et du dépit ; là, une bouche qui sourit et un poing fermé qui menace le ciel ; ici, vous entendez sortir d’une bouche qui semble rire aux éclats, des imprécations terribles : enfin cette opposition de la figure avec le geste produit un effet étonnant, plus facile à concevoir qu’à décrire. […] Il n’est pas possible d’imprimer cet intérêt en récitant machinalement de beaux vers, et en faisant tout simplement de beaux pas ; il faut que l’ame, la physionomie, le geste et les attitudes parlent toutes à-la-fois, et qu’elles parlent avec autant d’énergie que de vérité. […] Si notre âme détermine le jeu et l’action de nos ressorts, dès lors, les pieds, les jambes, le corps, la physionomie et les yeux seront mus dans des sens justes, et les effets résultants de cette harmonie et de cette intelligence, intéresseront également le cœur et l’esprit.