Apres auoir tiré le chapeau de la main droite qu’il portera negligemment, non sur la cuisse comme on souloit faire, ains deuant le busque du pourpoint sur la main gauche pour laisser l’autre libre, regardant d’vn visage riant la compagnie, qu’il s’aduance, mais auec des demarches graues & sans contrainte, & lors que sa discretion luy fera iuger le temps de faire la reuerance, sans plier les genoux, qu’il coule doucement la iambe droite deuant iusque à ce qu’elle touche quasi la gauche, & sans s’arrester que bien peu la dessus, la pointe des pieds fort ouuertes en pliant doucement l’vne & l’autre, il desgagera comme insensiblement la gauche, & continuëra ainsi iusqu’à ce qu’il ait ioint ceux qui l’y obligent, que s’il se trouuoit, comme il est ordinaire, plusieurs compagnies en vn mesme lieu, il fera ces mesmes reuerences sur l’vn & sur l’autre pied, selon que les personnes seront placees, toutesfois sans aucun geste ou posture du corps : car en cela la seule conduite de la veuë est suffisante. […] Povr ne peruertir donc l’ordre, il sera commencé par vne Reuerence, laquelle se doit faire comme il a esté dict à la Courante, en cas qu’on dansast deuant vn Roy, où en la presence de quelques personnes qualifiees, sinon se tournant deuant la femme, elle se doit commencer du pied gauche, du quel sans plier les genoux, ayant les pointes ouuertes, faut porter vn pas à costé, & faire suiure le droict quasi derriere, puis glisser l’autre par dessus, iusqu’à ce que les iambes viennent à se ioindre, & sur ceste action s’arrester tant soit peu, puis pliant doucement les deux genoux & releuant la pointe du pied droict, le desgager doucement, en baisant la main pour prendre celle de la femme, & se couurant, se remettre à fin de commencer. […] Iusques à present qu’on se sera serui de tous les moyens propres pour acheminer les fruicts des actions d’vn Caualier à vne parfaicte maturité : Il semble puis qu’entre les bonnes actions, les plus penibles ne sont pas les moins souhaitables, qu’il est à propos de poursuiure par la Gaillarde, en laquelle se peuuent rencontrer quelques difficultez : mais comme les precedentes auront esté vaincuës par la patience, l’exercice rendra celles-cy facilles, pourueu qu’on recherche & embrasse les remedes qui sont proposez, & que le Maistre ne s’esgare point de la Methode qui luy est prescrite, ie mets ceste derniere exception, pource qu’il y en a de si presomptueux, qu’ils pensent auoir la maistresse forme de l’humaine nature, & ainsi veulent regler tout le monde à leur moule : Estimans que les alleures qui ne se rapportent aux leurs, sont ou feintes, ou fausses ; Voire si on leur louë la gentillesse des actions ou facultez de quelque autre : la premiere chose qu’ils appellent à la consultation de leur iugement, c’est leur exemple, mais toutes personnes de bon sens trouueront ceste procedure vne asnerie insuportable. […] Or comme il y a des personnes qui pour auoir le pied trop court, ou les iambes faictes en paranteze, quoy que le reste du corps soit bien taillé ou proportionné, ne peuuent iamais venir à vne vraye reputation de bien danser. Ainsi en y a-il d’autres qui sympatisent si fort auec la terre, qu’ils ne la peuuent iamais abandonner que de bien peu : C’est pourquoy il est fort à propos qu’ils se rangent auec ceux lesquels, bien qu’ils ne manquent point de disposition, neanmoins pour auoir trop mauuaise grace à la danse par haut, sont pour leur honneur contraints d’aller terre à terre : Car en effect vn homme ne se doit iamais mesler de caprioler, principalement en lieu de reputation, s’il n’excelle, ou s’il ne veut seruir de ioüet à la compagnie, comme font aucuns, qui ne pouuant representer le port & la descence de nostre noblesse, cherchent à se recommander par des sauts & autres mouuemens battelleresques : tellement que ie conseille telles personnes à se tenir pour le faict de la Gaillarde aux cinq pas susdits, lesquels faicts de bonne grace, valent mieux qu’vn tas de passages qu’on sçauroit faire, qui sentent par trop son baladin.