Les Grecs ont aussi passé pour être les plus habiles à exprimer par ces mouvemens les habitudes de l’ame, les mœurs, les passions & les actions naturelles, puisque suivant Platon & Lucien, ils croyoient la danse une chose divine & mistérieuse, qui se pratiquoit en l’honneur des Dieux & par les Dieux mêmes, à qui ils en attribuoient l’origine. […] Balet des Passions, dansé devant le Roi. […] Après cette entrée des Amours Rameurs, Venus fit encore paroître aux yeux de Mercure, les jardins de Cérès, & une troupe d’Amours, qui pour livrer plus aisément Proserpine à la passion de Pluton, avoient pris la figure & l’habit de ses compagnes, & sous-prétexte d’une promenade, l’avoient fait sortir d’un château soigneusement fermé par sa mere : d’autres Amours, qui pour le même dessein avoient pris la ressemblance des Jardiniers de Cerès, cachant adroitement leurs fléches sous des fleurs qui ornoient le parterre, présenterent à Proserpine des bouquets, dont la vertu secrette l’endormit sur un gazon. […] Une troupe de petits Amours effrayez d’un accident si surprenant, sortent avec précipitation des ruines du Palais, & retiennent une partie des déguisemens qu’ils n’ont pas eu le tems de dépouiller tout-à-fait : les uns ont encore les plumages des oiseaux, d’autres une partie des habits des Nymphes & danseurs, qu’ils avoient pris pour servir la passion d’Armide ; ce qui termina le Balet. […] Enfin l’on voyoit dans cette représentation Bal, Balet, Comédie, Festins, Concert, sabat, toutes sortes de passions, des curieux, des mélancoliques, des furieux, des amans passionnez, des amoureux transis, une maison en feu, des personnes allarmées ; desorte qu’il seroit difficile de représenter rien de plus accompli en matiere de Balet ; aussi n’en a-t-on point vû de pareils depuis ce tems-là.