Il ne faut point d’inutilité au Théatre, conséquemment on doit bannir de la Sœne ce qui peut y jeter du froid, & n’y introduire que le nombre exact d’Acteurs nécessaires à l’exécution du Drame. […] Que les Maîtres de Ballets qui voudront se former une idée juste de leur Art, jettent attentivement les yeux sur les batailles d’Alexandre, peintes par Lebrun ; sur celles de Louis XIV, peintes par Vander-Meulen, ils verront que ces deux Héros qui font les Sujets principaux de chaque Tableau, ne fixent point seuls l’œil admirateur ; cette quantité prodigieuse de combattants, de vaincus & de vainqueurs, partage agréablement les regards, & concourt unanimement à la beauté & à la perfection de ces chef-d’œuvres ; chaque tête a son expression & son caractere particulier ; chaque attitude a de la force & de l’énergie ; les grouppes, les terrassements, les renversements sont aussi pittoresques qu’ingénieux : tout parle, tout intéresse, parce que tout est vrai ; parce que l’imitation de la nature est fidelle ; en un mot, parce que la toile semble respirer. Que l’on jette ensuite sur ces Tableaux un voile qui dérobe à la vue les sieges, les batailles, les trophées, les triomphes ; que l’on ne laisse voir enfin que les deux Héros ; l’intérêt s’affoiblira ; il ne restera que les Portraits de deux grands Princes.