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9. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome II [graphies originales] « Lettre XIX. » pp. 201-212

Les auteurs qui se distinguoient par un succès soutenu, avoient une représentation à leur profit, indépendante des honoraires qui leur étoient attribués, et le produit qui en resultoit valoit infiniment mieux que tout ce qu’on accorde chez nous au goût et à l’imagination. […] Je ne m’aviserois pas, certes, d’entretenir M. de Voltaire de ces jeux d’enfans, et de lui montrer les marionnettes, si je ne savois qu’après avoir éclairé le monde littéraire du feu de son génie, et avoir passé seize heures de la journée à embellir les arts, à donner de grands modèles dans tous les genres, et s’être élevé par la puissance de son imagination jusques dans les plus hautes régions des connoissances humaines, il se plaisoit à descendre sur la terre, à danser les soirs des branles aux chansons, à rire de mauvais contes bleus, et à les trouver couleur de rose. […] Dailleurs l’imagination brillante de Garrick étoit sans cesse en activité, elle étoit remplie de tant d’objets divers, qu’il trouvoit toujours le tems trop court. […] Je lui demandai un jour s’il étoit vrai qu’il eût retouché les tragédies de Schakespear ; il me répondit : je ne suis ni assez imbécille, ni assez téméraire pour oser porter une main profane sur les chefs-d’oeuvre du génie, et de l’imagination. […] Je lui dis que j’approuvois son respect, et son enthousiasme, que les chefs-d’oeuvre du génie, et de l’imagination étoient à l’esprit, ce que la plus belle fleur, la rose, étoit à l’oeil et à l’odorat, et qu’on ne pouvoit la toucher sans se piquer, ou la flétrir.

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