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2. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre III. » pp. 17-24

Sans oublier les principaux personnages de la représentation, il doit penser au plus grand nombre ; fixe-t-il toute son attention sur les premiers danseurs, et les premières danseuses, l’action devient froide, la marche des scènes se ralentit, et l’exécution est sans effet. […] Il ne faut point d’inutilité au théâtre ; conséquemment on doit bannir de la scène ce qui peut y jetter du froid, et n’y introduire que le nombre exact de personnages nécessaires à l’éxecution du drame. […] Mais, par un malheureux effet de l’habitude, ou de l’ignorance, il est peu de ballets raisonnés ; on danse pour danser ; on s’imagine que le tout consiste dans l’action des jambes, dans les sauts élevés, et qu’on a rempli l’idée, que les gens de goût se forment d’un ballet, lorsqu’on le charge d’exécutans qui n’éxecutent rien ; qui se mêlent, qui se heurtent, qui n’offrent que des tableaux froids et confus, dessinés sans goût, groupés sans grace, privés de toute harmonie, et de cette expression, fille du sentiment, qui seule peut embellir l’art, en lui donnant la vie. […] Je crois décidement, Monsieur, qu’il n’est pas moins difficile à un peintre et à un maître de ballets de faire un poème ou un drame en peinture et en danse, qu’il ne l’est à un poète d’en composer un ; car, si le génie manque, on n’arrive à rien ; ce n’est point avec les jambes que l’on peut peindre ; tant que la tête des danseurs ne conduira pas leurs pieds, ils s’égareront toujours, et leur exécution sera machinale : et qu’est-ce que l’art de la danse quand il se borne à tracer quelques pas avec une froide régularité.

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