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67. (1845) Notice sur Le Diable boiteux pp. 3-31

— et disparaît dans la foule. […] Toutefois, celui-ci en est quitte pour la peur, car, aux cris de son digne acolyte, la foule accourt de tous côtés, les alguazils eux-mêmes surviennent, et l’écolier ne réussit à s’échapper de leurs mains qu’en abandonnant son costume, et grâce à la protection du domino rose, de la pèlerine et surtout du domino blanc. […] Voici les calesas traînées par des chevaux étiques encore balafrés de la dernière course de taureaux ; les chariots à roues pleines, avec leurs bœufs dételés regardant de leur grand œil paisible tout ce tumulte, nouveau pour eux ; les mules harnachées bizarrement, couvertes de pompons, de grelots, de plumets et de fanfreluches de mille couleurs ; voilà les majos accompagnés de leurs majas aux chaussons de satin ; les pasiegas au corset de velours noir, à la jupe écarlate bordée de galons d’or ; les Valenciens halés comme des Arabes, en fustanelle et en alpargatas, colportant l’orchata de chufas et la abada glacée dans de petits tonneaux de liège ; les manolas aux cheveux nattés en corbeille, à la mantille bridée sur les coudes ; les muchachos portant du feu dans une petite coupe pour ceux qui veulent allumer leur cigare ; les gitanas à la robe bleue constellée d’étoiles blanches et frangée d’énormes falbalas, traînant par la main quelque marmot tout nu et jaune comme une feuille de tabac ; les maregates au large chapeau, au justaucorps de cuir, serré par un large ceinturon, qu’on prendrait pour des reîtres du seizième siècle qui auraient déposé leur cuirasse ; tous ces flots animés, bigarrés, fourmillant mélange de paillettes et de haillons dont se compose une foule espagnole. […] Cléofas, en voyant la veuve passer au bras de don Gil, s’est senti une recrudescence de passion ; il fend la foule malgré son épaisseur, et se place derrière la veuve, parmi le troupeau des attentifs.

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