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67. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Lettres sur la musique] — Réponse à la question proposée. — Lettre première. » pp. 8-13

Personne assurément ne s’avisera de citer comme une preuve de goût de notre nation pour le chant, ces insipides rapsodies dont les Troubadours modernes assourdissent tous les jours nos oreilles, et qui pourtant font les délices de la majeure partie du peuple : mais si vous aviez parcouru comme moi les principales villes d’Italie, vous auriez entendu à Vénise de simples gondoliers chanter en ramant les beaux vers du Tasse, de l’Orlande Furioso, de Métastase, avec plus de grace et de justesse que l’on ne chante à l’opéra de Paris ; vous eussiez été surpris de rencontrer le soir dans les rues des ouvriers de toutes les classes, formant entre eux des concerts plus mélodieux et plus touchans que le Sabbat musical dont retentissent nos Cafés des Boulevards et nos catacombres du Palais Royal. Alors vous auriez été convaincu, Monsieur, qu’en Italie, les personnes riches ne sont pas les seules qui cultivent la musique ; que le goût de cet art y est généralement plus pur, plus répandu, plus éclairé qu’à Paris ; et que les paroles n’y sont pas plus négligées qu’en France, ou le plus bel opéra ne se soutient que par la perfection du poëme, l’empire de la musique, des décorations et des ballets : quant aux paroles, on ne les entend point et la plupart de nos chanteurs et de nos chanteuses se sauvent par les cinq voyelles.

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