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206. (1760) Lettres sur la danse et sur les ballets (1re éd.) [graphies originales] « LETTRES SUR LA DANSE. — LETTRE IX. » pp. 195-260

Il est si naturel, son expression a tant de vérité, ses gestes, sa physionomie & ses regards sont si éloquents & si persuasifs, qu’ils mettent au fait de la Scene ceux mêmes qui n’entendent point l’Anglois ; on le suit sans peine ; il touche dans le Pathétique ; il fait éprouver dans le Tragique les mouvements successifs des passions les plus violentes, & si j’ose m’exprimer ainsi, il arrache les entrailles du Spectateur, il déchire son cœur, il perce son ame, & lui fait répandre des larmes de sang. […] Fortement attaché à son état, il se renferme en lui-même, & se dérobe à tout le monde les jours qu’il joue des rôles importants ; son génie l’éleve au rang du Prince qu’il doit représenter ; il en prend les vertus & les foiblesses ; il en saisit le caractere & les goûts ; il se transforme ; ce n’est plus Garrick à qui l’on parle, ce n’est plus Garrick que l’on entend : la métamorphose une fois faite, le Comédien disparoît & le Héros se montre ; il ne reprend sa forme naturelle que lorsqu’il a rempli les devoirs de son état.

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