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1. (1724) Histoire générale de la danse sacrée et profane [graphies originales] « Histoire generale de la danse sacrée et prophane : son origine, ses progrès & ses révolutions. — Chapitre VIII. De la Musique naturelle attribuée à Dieu comme l’Auteur de la Nature. » pp. 183-194

Ces Philosophes prétendent encore que tout ce qui se meut dans la nature n’agit que sur les principes de cette Musique naturelle, & qu’elle régle tous les mouvemens de l’Univers, dont les effets néanmoins sont aussi imperceptibles à notre esprit qu’à nos sens, & par conséquent très-difficiles à concevoir, & dont nous n’avons que des preuves littérales & artificielles, je veux dire simplement écrites par des anciens Poëtes & Musiciens, qui ne sont pas suffisantes pour une conviction incontestable. […] Ce sont à la vérité des faits miraculeux, ausquels néanmoins nous devons soumettre notre jugement, par rapport aux effets de la voix & de la Musique céleste, qui passe pour être émanée de l’idée de Dieu, suivant le sentiment de S. […] Pline nous apprend dans son Histoire naturelle, que quelques Grecs coupant de certains roseaux appellez Bonbiscins, il en sortit un son mélodieux, & ils étoient organisez à proportion de leur grosseur & de leur hauteur, dont Antigenes fameux Musicien fit faire des flutes excellentes ; desorte que c’est par les effets de ces roseaux harmonieux, que l’on a pû trouver l’invention des Orgues : ce son mélodieux est, ce me semble, une preuve de la résidence de la Musique dans la nature. […] Mais comme les eaux des fontaines sont de differente nature, le ton qui convient à l’une pour la faire danser, ne convient pas à l’autre ; c’est au joueur de flute à le trouver : il faut aussi qu’il soit des plus habiles, pour jouer tendrement ces beaux airs de flute des Operas de Lully, qui émeuvent la nature ; & quand l’eau est bien agitée, elle danse au son des Menuets, de la Gigue, & sur des tons patétiques : cette expérience peut convaincre les plus incrédules sur les effets de la Musique naturelle. […] La Mothe le Vayer, dans son Discours sceptique sur la Musique, rapporte que dans l’Amérique on trouve fort communément un animal qu’on appelle Unau, ou le Paresseux par les Amériquains, lequel chante naturellement six fois cette particule ha, sur le même ton que nous entonnons en France celles de la sol fa mi re ut ; & c’est peut-être ce qui a donné lieu à quelques Auteurs de soutenir que Gui Larétin n’étoit pas l’inventeur de ces six tons, & de les attribuer aux effets de la Musique naturelle.

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