La sécurité de la plupart des Maîtres, le peu de soin qu’ils se donnent pour aller plus loin, me feroient soupçonner qu’ils imaginent qu’il n’est rien au-delà de ce qu’ils savent, & qu’ils touchent aux bornes de l’Art. […] En vain espérera-t-on de lui donner une forme nouvelle, tant que l’on sera esclave des vieilles méthodes & des anciennes rubriques de l’Opéra ; nous ne voyons sur nos Théatres que des copies fort imparfaites des copies qui les ont précédées ; n’exerçons point simplement des pas ; étudions les passions. En habituant notre ame à les sentir, la difficulté de les exprimer s’évanouira ; alors la physionomie recevra toutes ses impressions de l’agitation du cœur ; elle se caractérisera de mille manieres différentes ; elle donnera de l’énergie aux mouvements extérieurs, & peindra avec des traits de feu le désordre des sens & le tumulte qui régnera au-dedans de nous-mêmes. […] Livrez-vous à un métier où les mouvements de l’ame soient moins nécessaires que les mouvements des bras, & où le génie ait moins à opérer que les mains. » Ces avis donnés & suivis, Monsieur, délivreroient la Scene d’une quantité innombrable de mauvais Danseurs, de mauvais Maîtres de Ballets, & enrichiroient les forges & les boutiques des artisans d’un très-grand nombre d’ouvriers, plus utiles aux besoins de la Société, qu’ils ne l’étoient à ses amusements & à ses plaisirs.