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17. (1803) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome I [graphies originales] « Lettres sur la danse. — Lettre X. » pp. 130-144

J’ai dit, Monsieur, que la danse étoit trop composée, et le mouvement symétrique des bras trop uniforme, pour que les tableaux pussent avoir de la variété, de l’expression et du naturel : il faudroit donc, si nous voulons rapprocher notre art de la vérité, donner moins d’attention aux jambes, et plus de soins aux bras ; abandonner les cabrioles pour l’intérêt des gestes ; faire moins de pas difficiles, et jouer davantage la physionomie ; ne pas mettre tant de force dans l’exécution, mais y mêler plus d’esprit ; s’écarter avec grâces des règles étroites de l’école, pour suivre les impressions de la nature, et donner à la danse l’ame et l’action qu’elle doit avoir pour intéresser. […] Rien n’est si difficile à ménager que ce qu’on appelle bonne grâce ; c’est au goût à l’employer, et c’est un défaut de courir après elle, et d’en répandre également partout. […] Ce ne seroit pas m’entendre que de penser que je cherche à abolir les mouvemens ordinaires des bras, tous les pas difficiles et brillans, et toutes les positions élégantes de la danse ; je demande plus de variété et d’expression dans les bras ; je voudrois les voir parler avec plus d’énergie : ils peignent le sentiment et la volupté, mais ce n’est pas assez ; il faut encore qu’ils peignent la fureur, la jalousie, le dépit, l’inconstance, la douleur, la vengeance, l’ironie, toutes les passions de l’homme, et que, d’accord avec les yeux, la physionomie et les gestes, ils me fassent entendre le sentiment de la nature. […] Ce mélange innombrable de pas enchainés plus où moins mal, cette exécution difficile, ces mouvemens compliqués, ôtent, pour ainsi dire, la parole à la danse, plus de simplicité, de douceur et de moëlleux dans les mouvemens procureroient au danseur la facilité de peindre et d’exprimer, il pourroit se partager entre le mécanisme des pas et les mouvemens qui sont propres à rendre les passions ; la danse alors délivrée des petites choses, pourroit se livrer aux plus grandes.

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