Marie Taglioni — et ce n’est pas pour rien que du sang scandinave coule dans ses veines — dansa ce qu’avait pensé Kant, ce qu’avait chanté Novalis, ce qu’avait imaginé Hoffmann. […] « Les filles de Milet, les belles Ioniennes, dont il est tant parlé dans l’antiquité, ne devaient pas danser autrement », suppose Gautier. […] « Madame Carlotta Grisi seconde admirablement Perrot ; elle sait danser, ce qui est rare ; elle a du feu, mais pas assez d’originalité ; elle manque de cachet à elle ; c’est bien, mais ce n’est pas mieux… Quant à sa figure, elle n’est pas fort italienne, et répond peu aux idées brunes qu’éveille le nom de Grisi dont elle est parente. […] « La Carlotta a dansé avec une perfection, une légèreté, une hardiesse, une volupté chaste et délicate qui la mettent au premier rang entre Elssler et la Taglioni ; pour la pantomime, elle a dépassé toutes les espérances ; pas un geste de convention, pas un mouvement faux ; c’est la nature et la naïveté même… » Quelques mois plus tard Gautier suivra Giselle à Londres pour se faire l’écho de son triomphe. […] Elle a dépassé toutes les espérances… Sa sensibilité pénétrante, son énergie dans les scènes à situation, sa terreur si vraie et si pathétique sous la malédiction paternelle n’ont rien laissé à désirer. » En ce qui concerne la danse, Gautier ne tarit pas : « Il est impossible de danser avec plus de perfection », telle est en termes généralisés son appréciation du « métier » de Carlotta.