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16. (1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Les Danaïdes, ou. Hypermnestre. Ballet tragique. en cinq actes. » pp. 183-195

Les Danaïdes restent immobiles à la vue de leur cruel attentat ; ici sortent du lieu du massacre des spectres horribles ; Tisiphone, Alecto, Mégère les accompagnent ; le Crime, la Trahison, la Perfidie et le Remords les suivent ; cette troupe infernale s’empresse à présenter aux Danaïdes les tableaux effrayans de leurs crimes ; les images, qui leur sont retracées par les enfers, leur déchirent l’ame, et leur causent à chaque instant de nouvelles épouvantes ; elles veulent fuir ; mais elles sont sans cesse arrêtées dans leur fuite par les grouppes horribles, qui les dévancent ou qui les poursuivent ; le Crime, le Remord, la Trahison et la Perfidie, conduits par les Furies, les enchaînent, pour ne les plus abandonner ; en vain veulent-elles échapper à la punition, qui les attend ; la terre s’entr’ouvre, il s’en exhale une vapeur épaisse mêlée de flammes ; un bruit sourd et confus ajoute à cette horreur ; un spectre hideux armé d’une faulx, sort à pas lents du souterrain ; son apparition glace d’épouvante l’ame des Danaïdes ; la pâleur de la mort se répand sur leurs traits ; le spectre leur montrant d’une main menaçante la route qu’il vient de leur frayer, leur ordonne d’y descendre ; c’est inutilement qu’elles tentent de se soustraire à sa puissance ; elles sont entrainées par la troupe infernale et les spectres armés de torches funéraires et lugubres les précipitent dans l’empire des morts. […] Lincée désarmé et chargé de chaînes est conduit à Danaüs ; à cette vue Hypermnestre vole aux genoux de son père ; elle le trouve insensible à ses prières ; Lincée, qui ne respire que la vengeance, honteux de l’abaissement de son épouse, l’arrache de cette posture humiliante ; il accable le Tyran de reproches, et par un geste menaçant il semble braver sa colère. Danaüs ne peut soutenir cet excès d’outrage, et regardant Lincée comme celui que les Dieux ont conservé pour le punir de ses forfaits, il ordonne qu’on l’entraîne au supplice, et que l’on conduise sa fille dans les cachots. Ces deux infortunés se disent d’éternels adieux ; mais Danaüs, jaloux de la douceur qu’ils éprouvent dans ce fatal moment, commande qu’on les sépare, et ils sont cruellement arrachés l’un à l’autre par les gardes qui les conduisent au supplice. […] On amene Lincée paré d’ornemens funéraires ; du coté opposé on conduit Hypermnestre enchaînée ; ici ces deux epoux, prêts à être désunis pour toujours, volent l’un à l’autre, malgré la résistance de leurs gardes, et se donnent en présence de tout le peuple des témoignages de leur mutuelle tendresse : le peuple attentif à l’action de ces amans, s’y intéresse ; le parti de Lincée saisit cet instant pour se soulever contre un Roi Tyran ; la persuasion gagne de proche en proche, et le peuple aussi attendri que convaincu de l’innocence de ces infortunés, se déclare en leur faveur ; la faction s’accroit ; les gardes sont renversés ; le bucher est détruit ; on élève un trône à sa place ; on dépouille Lincée de ses ornemens funéraires ; on lui donne des armes ; on le place sur le trône avec Hypermnestre ; on le proclame Roi d’Argos, et on lui prête d’une commune voix le serment de fidelité.

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