Ceux qui sont attachés à l’alphabet de leur profession, me traiteront d’innovateur et de fanatique ; mais je les renverrai à l’école de peinture et de sculpture, et je leur demanderai ensuite s’ils approuvent ou s’ils condamnent la position du beau gladiateur et celle de l’hercule ? […] Ne s’attache-t-on qu’aux petites parties, ne saisit-on que la superficie des choses ? […] Ils apprennent la danse avec fureur ; leur goût se ralentit à mesure que les difficultés se font sentir et qu’elles se multiplient ; ils ne saisissent que la partie grossière de l’art ; ils sautent plus ou moins haut ; ils s’attachent à former machinalement une multitude de pas ; et, semblables à ces enfans qui disent beaucoup de mots sans idées et sans suite, ils font beaucoup de pas sans motifs, sans goût et sans graces. […] La plupart des premiers reçoivent plus communément plus d’éducation que les derniers, leur état dailleurs les porte à un genre d’étude propre à donner, avec l’usage du monde et le ton de la bonne compagnie, l’envie de s’instruire et d’étendre leurs connoissances au-delà des bornes du théatre ; ils s’attachent à la littérature ; ils connoissent les poëtes, les historiens ; et plusieurs d’entre eux ont prouvé par leurs ouvrages qu’ils joignoient au talent de bien dire, celui de composer agréablement, si toutes ces connoissances ne sont pas exactement analogues à leurs profession, elles ne laissent pas de contribuer à la perfection à la quelle ils parviennent. […] Les danseurs devroient s’attacher ainsi que les comédiens à peindre et à sentir, puisqu’ils ont le même objet à remplir.