/ 191
73. (1887) Ces Demoiselles de l’Opéra « IX. L’escadron volant de la rue Lepeletier. » pp. 190-203

Je revoyais l’entrée des artistes, étroite comme un tuyau d’égout ; la loge qu’emplissait à moitié le monumental fauteuil en cuir vert de la mère Monge, et, à côté de ce fauteuil, le poète sur lequel mijotait le café au lait ou la soupe aux choux dont plus d’une de ces demoiselles n’était point fâchée d’accepter une assiettée ou une tasre… Puis, poussant la porte du tambour qui commandait tous les escaliers des coulisses, se répandant dans ces escaliers, — trottinant, pépiant, fredonnant, riant, décachetant des billets doux, respirant des paquets de fleurs, grignotant des sucreries ou des pommes, — toute l’envolée de ces charmantes créatures, les amours et le plaisir du Paris de ce temps-là, qui étaient la lumière, le mouvement, la vie, l’allégresse de la pauvre vieille bâtisse, et qui ont disparu avec elle dans un tourbillon de flammes, de fumée et de cendres ! […] L’artiste en fut quitte pour quelques brûlures le long des jambes. […] Aujourd’hui où la chorégraphie empiète sur le domaine de l’acrobatie, et qu’à la légèreté et à la grâce on a substitué l’énergie et la force, il faut savoir gré à une artiste de ne pas tomber dans ces excès fâcheux et de chercher moins à étonner qu’à plaire.

/ 191