Ce principe me paroît d’autant plus blâmable, qu’il est rare de trouver des Maîtres de Ballets qui sentent ; il y en a si peu qui soient excellents Comédiens, & qui possédent l’Art de peindre les mouvements de l’ame, par les gestes ! […] Les gestes ne sont-ils pas l’ouvrage de l’ame, & les interpretes fidelles de ses mouvements ? […] Le Ballet bien composé est une Peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies, & du costume de tous les Peuples de la terre ; conséquemment, il doit être Pantomime dans tous les genres, & parler à l’ame par les yeux. […] Ce genre de composition ne peut souffrir de médiocrité ; à l’exemple de la Peinture, il exige une perfection d’autant plus difficile à atteindre qu’il est subordonné à l’imitation fidelle de la nature, & qu’il est mal-aisé, pour ne pas dire impossible, de saisir cette sorte de vérité séduisante qui dérobe l’illusion au Spectateur, qui le transporte en un instant, dans le lieu où la Scene a dû se passer ; qui met son ame dans la même situation où elle seroit, s’il voyoit l’action réelle dont l’Art ne lui présente que l’imitation.