Loret, lettre du 14 février 1665
Une Mascarade galante,
Ou, du moins, comique et parlante,
Dont le sujet vraiment follet,
Ne plaît guère moins qu’un Ballet,
Étant des mieux imaginée
Par une Âme rare et bien née,
Cependant que j’écris ceci,
Dans le Palais Royal, aussi,
Lieu de respect et de plaisance,
Pour la dernière fois se danse.
J’ai su d’un Ami cordial,
Qu’il n’est rien de plus jovial,
Et que ladite Mascarade
Pourrait faire rire un malade,
Avec ses drôles d’incidents,
Eut-il la mort entre les dents.
Un Homme de Cour que j’estime,
Et qui fut, jadis, mon intime,
M’avait convié de la voir,
Mais je n’en ai pas le pouvoir,
Car il faut, comme de coutume,
Qu’il sorte aujourd’hui de ma plume,
Cette Lettre, que bien des Gens
De voir, après, sont diligents :
Le Samedi, jour de Saturne,
Dont la Planète est taciturne,
N’est pour moi nullement un jour
De société, ni d’amour,
De jeux, de spectacles, de danses,
Ni d’aucunes réjouissances,
Et si j’ai beau, tous les huit jours,
Composer discours sur discours,
Divertir les Cours de l’Europe,
Où ma Gazette en Vers galope,
Et contenter, à ce qu’on dit,
Les Gens d’honneur et de crédit,
Fortune est envers moi si chiche,
Que je n’en deviens pas plus riche ;
Mes Créanciers, le plus souvent,
Ne font cas, non plus que de vent,
De mes excuses ordinaires,
Et je ne puis sortir d’affaires :
Mais, ô ma Muse, s’il vous plaît,
Laissons le Monde comme il est,
Contents d’un peu de renommée,
Agissons à l’accoutumée,
Je dirais cent fois mes besoins
Qu’il n’en serait ni plus, ni moins.