Loret, lettre du 21 février 1660
Mollier, Esprit de bon aloi,
Illustre Musicien du Roi,
Par une agréable boutade,
Fit un Ballet, ou Mascarade
De Bergères et de Bergers,1
Qui ne craignant plus les dangers2
De la Guerre, qui tout saccage,
Dansaient des Danses de Village ;
Mais avec tant d’agilité,3
De grâce et de dextérité,4
Que les meilleurs Danseurs des villes
N’auraient pas été plus habiles.
Et pour mieux prouver au Lecteur
Que je n’écris point en menteur,
Sans qu’aucun m’en ait donné charge,
J’ai mis, exprès, leurs noms en marge.
Floridor, et ses Compagnons,5
Sans être incités, ni semons,
Que pour la véritable joie
Que dans les cœurs la Paix envoie,
Pour réjouir Grands et petits,
Jeudi, récitèrent, gratis,
Une de leurs Pièces nouvelles,6
Des plus graves et des plus belles,
Qu’ils firent suivre d’un Ballet,
Gai, divertissant et follet,
Contribuant, de bonne grâce,
Aux plaisirs de la populace,
Par cette générosité,
Autrement, libéralité,
Qui fut une évidente marque
De leur zèle pour le Monarque.