Chapitre XXXVI.
Des Jettez, ou demies Cabrioles.
Comme il est parlé dans plusieurs pas de ces Jettez, sans que j’en aye donné aucune instruction particuliere, je vais l’expliquer dans ce Chapitre, en suivant l’ordre des pas, qui est d’aller des plus faciles aux plus difficiles.
Ce pas ne fait que la partie d’un autre pas, comme on la déja pû remarquer dans plusieurs pas ci-devant, ainsi un Jetté seul ne peut remplir une mesure, il en faut faire deux de suite pour faire l’équivalant d’un autre pas.
Mais il se lie aisément dans la construction des autres pas, comme on le voit à la fin du contre-tems du Menuet, dans les coupez de mouvement, pas tombez pas, de Bourée vîte & autres ; ce qui leur donnent plus d’anjoüement.
Comme ce n’est que par le plus ou le moins de force, que vous possedez dans le cou de pied qui vous fait élever : ainsi ce pas dépend du cou de pied pour le faire avec legereté ; pour le faire en avant, je suppose que vous ayez le pied gauche devant & le corps posé dessus, la jambe droite preste à partir dans le moment que vous pliez sur la jambe gauche, la droite s’aproche auprès, & lorsque vous vous relevez ; ce qui se fait par la force du pied gauche, qui en s’étendant avec force vous en rejette sur la droite, parce qu’elle acheve de se passer devant, lorsque vous vous relevez en tombant sur la pointe du pied droit, & ne poser son talon qu’après, ce qui termine ce pas : ainsi vous pouvez en faire plusieurs de suite d’un pied, comme de l’autre en observant la même regle ; ce qui donne beaucoup de facilité & de legereté.
Il se font en arriere, & de côté également, c’est-à-dire, plier sur une jambe & retomber sur l’autre.
On les fait encore d’une autre maniere, en ce qu’il faut prendre plus de force pour les sauter ; ce qui se fait en se relevant plus vîte, & étendre fort les jambes, en les battant l’une contre l’autre, en retombant sur le pied contraire à celui qui a plié, pour lors il change de nom & on l’appelle demie cabrioles ; mais comme c’est un pas de Ballet, & que je n’entreprends dans ce Traité que de donner la maniere de faire les pas qui sont en usage dans les danses de Ville, c’est ce qui m’engage de ne pas embarasser l’Ecolier des pas que l’on aprend les derniers, comme étant ce qui donne la perfection aux danseurs qui sont nez avec toute la belle disposition, & même à ceux qui en font leur principale occupation.
A l’égard des Dames, elles ne doivent pas tant les sauter, il suffit qu’elles en prennent le tems en pliant, & qu’en se relevant elles se laissent tomber sur l’autre pied que celui qui a plié : par consequent lorsque vous dansez avec une Demoiselle, & qu’il se trouve des Jettés ou autres pas sautez, il les faut prendre modérément, afin de conserver cet accord d’un sexe avec l’autre ; ce qui est une des parties essentielles à laquelle ont doit se conformer.