(1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXXI. Des pas tombez & des pas de Gaillarde. » pp. 142-147
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(1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXXI. Des pas tombez & des pas de Gaillarde. » pp. 142-147

Chapitre XXXI.
Des pas tombez & des pas de Gaillarde.

Ce pas est très-singulier dans sa maniere de le faire, & je croy qu’il ne tient son nom que de sa seule construction, au lieu qu’aux autres la plus grande partie sont composez des autres pas ; mais celui-ci est different de son premier pas, il faut d’abord s’élever sur la pointe du pied & plier après le pas, ce que l’on va voir par cette description : par exemple, vous voulez faire un pas tombé du pied droit ; ayant le corps posé sur le pied gauche, & les jambes écartées à la deuxiéme position, en vous élevant sur le pied gauche, la jambe droite suit ; parce que le corps se penchant sur le côté gauche, il attire la jambe droite qui le tire derriere, jusqu’à la cinquiéme position, en se posant entierement à terre & son genou se plie, ce qui fait lever le pied gauche, mais le genou droit s’étendant vous oblige à vous laisser tomber sur le pied gauche à la deuxiéme position, ce qui est un demi jetté, qui se fait en sautant à demi, ce pas n’est pas d’une difficile execution, lorsque l’on sçait prendre ses mouvemens à propos, c’est par la force du coup de pied & la pente du corps qui attire les jambes & les genoux se plient comme si les forces manquoient, ce qui oblige le talon du pied droit que vous tirez derriere de se poser à terre & son genou se pliant par le poids du corps qui se pose dessus, en se relevant cela fait comme un ressort qui étant pressé cherche à s’étendre, ainsi le genou en s’étendant rejette le corps sur le pied gauche, ce qui termine l’étenduë de ce pas.

La description que je viens de faire de ce pas, n’est que pour en faire remarquer sa singularité, & en donner une intelligence facile pour parvenir à le bien faire ; parce que ce pas est prevenu par un autre pas que l’on fait devant, & qui pour lors le fait changer de nom par l’assemblage de cet autre pas.

Par exemple, il peut estre devancé par un coupé, ou un tems grave, & même très-souvent par un pas assemblé, ce qui le fait changer de nom en l’appellant pas de Gaillarde ; ainsi le pas de Gaillarde est composé d’un assemblé, un pas marché & d’un pas tombé ; ce qui fait toute sa construction, & même il est repeté plusieurs fois dans la danse qui en porte le nom, ce qui me fait croire que c’est la seule raison qui lui a donné le nom de pas de Gaillarde.

Enfin quoiqu’il en soit, ce pas est très gracieux, & ce n’est pas sans raison, que l’on en conserve encore l’usage, & même il est dans plusieurs danses de Ville ; ce pas se fait en avant & de côté, aprochant de la même maniere.

Je commencerai d’abord par celui qui se fait en avant, ayant le pied gauche devant à la quatriéme position, & le corps posé dessus le talon du pied droit levé ; ce qui marque que la jambe est preste à partir, de-là vous pliez sur le pied gauche & du même instant la jambe droite se leve, & en vous relevant pour sauter, la droite se croise devant à la troisiéme position, en retombant de ce saut sur les deux pieds les genoux étendus, mais la jambe droite qui a croisé devant, se porte à la quatriéme position en avant, & laissez poser le corps dessus en vous élevant du même tems, ce qui attire la jambe gauche derriere la droite ; mais à peine la touche-t’elle que le pied se pose à terre, & le corps se posant dessus & fait plier le genou gauche par le fardeau du corps, ce qui oblige la jambe droite de se lever ; mais dans le même moment le genou gauche qui est plié, en voulant s’étendre renvoye le corps sur la jambe, qui se pose à terre en faisant un saut que l’on appelle jetté-chassé, mais en vous laissant tomber sur le pied droit la jambe gauche se leve, & le corps étant dans son équilibre entierement posé sur le pied droit, vous pouvez de cette situation en faire autant du pied gauche, on en voit l’exemple dans la Bachante au commencement de son troisiéme couplet. Je trouve ce pas fort gracieux lorsqu’il est bien fait, & il merite que l’on y fasse attention, il se fait aussi de côté en allant sur une même ligne, mais il se fait differemment de celui en avant.

Par exemple, ayant le corps posé sur le pied gauche vous pliez, & vous élevez en sautant & assemblant le pied droit auprès du gauche à la premiere position, en tombant sur les deux pointes ; mais le corps posé sur le gauche, parce que du même tems vous portez le droit à côté à la deuxiéme position en vous élevant dessus pour faire votre pas tombé ; qui fait la seconde partie dont le pas de Gaillarde est composé ; mais comme j’ai fait une description assez étenduë touchant le pas tombé, cela me paroît inutile de le repeter une seconde fois, ce pas se prévient encore par un coupé & fait un fort bon effet par les mouvemens soûtenus que l’on doit observer pour le bien faire.