(1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXVIII. Des pas de Bourée & des Fleurets. » pp. 122-132
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(1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXVIII. Des pas de Bourée & des Fleurets. » pp. 122-132

Chapitre XXVIII.
Des pas de Bourée & des Fleurets.

Le pas de Bourée est composé de deux mouvemens sçavoir, un demi coupé, un pas marché sur la pointe du pied & d’un demi-jetté, ce qui fait le second mouvement, & l’étenduë de votre pas, je dis un demi-jetté ; parce qu’il n’est sauté qu’à demi, & comme ce pas est un pas coulant, c’est pourquoi son dernier pas ne doit pas être marqué si fort, mais comme il faut avoir beaucoup de cou de pied, pour faire ce pas aisément & surtout pour les Demoiselles ; c’est pourquoi on en a adouci l’usage, en faisant des fleurets, qui est aprochant le même pas, puisqu’il ne contient non plus que 3. pas. Mais il n’a qu’un mouvement ; c’est un pas aisé & que l’on apprend facilement, il suffit d’en connoître la construction pour le faire de suite : il est composé d’un demi-coupé & de deux pas marchez sur la pointe des pieds.

Quoique j’aye donné la maniere de faire ces demi-coupez dans la construction du pas du Menuet, néanmoins pour vous en donner de suite l’intelligence, je dirai que lorsque vous voulez faire un fleuret, étant posé à la quatriéme position, si c’est le pied gauche que vous ayez devant, qu’il faut que le corps soit entierement dessus, en approchant le pied droit à la premiere position, sans qu’il touche à terre ; puis plier les deux genoux également, ce qui s’appelle plier sous soi, mais il ne faut pas passer le pied droit devant vous à la quatriéme position, que lorsque vous avez plié, & du même tems qu’il est passé vous vous élevez sur la pointe : puis marcher deux autres pas tout de suite sur la pointe ; sçavoir, l’un du gauche, & l’autre du droit, & à ce dernier il faut poser le talon, en le finissant, afin que le corps soit plus ferme, soit pour en reprendre un autre, ou tel autre pas que la danse que vous dansez le demande ; mais pour se mettre dans l’habitude de faire ainsi que des autres, il est à propos d’en repeter plusieurs de suite ; outre que cela vous donne la facilité de faire d’un pied ce que vous faites de l’autre.

Ainsi, si l’on vous demandoit de combien de pas le fleuret est composé, vous pouvez répondre de trois. Sçavoir d’un demi-coupé & de deux pas marchez sur la pointe.

Il se fait en arriere de même, & de tous côtez, ce n’est que les positions qui sont differentes, tant par la figure des danses qu’il faut observer, soit en tournant ou en allant de côté.

Par exemple, si vous voulez faire un pas de Bourée ou fleuret dessus & dessous, en revenant du côté gauche, le droit étant à la premiere position, vous pliez sur le pied gauche en ouvrant les genoux, & étant pliez vous croisez le pied droit devant vous jusqu’à la cinquiéme position, & vous élevez dessus ; ensuite vous portez le pied gauche à côté à la deuxiéme position & le droit se croise derriere à la cinquiéme position, ce qui fait l’étenduë de votre pas.

Il y en a qui se font dessous & dessus, ce qui est la même chose excepté que le demi-coupé se croise derriere, & le troisiéme se croise devant : voilà toute la difference de l’un à l’autre.

D’autres qui se font de côté en effaçant l’épaule ; qui se pratique de la maniere suivante, sçavoir le corps posé sur le pied gauche, vous pliez dessus ayant le pied droit en l’air prés du gauche, & vous le portez à côté en vous élevant sur la pointe & en retirant l’épaule droite en arriere, mais la jambe gauche suit la droite, & se pose derriere à la troisiéme position, les genoux étendus sur la pointe ; & pour le troisiéme vous laissez glisser le pied droit devant à la quatriéme position, en laissant poser le talon à terre ce qui finit ce pas ; le corps étant posé sur le droit vous pouvez plier dessus, & en faire un autre du gauche, en observant les mêmes principes, on les trouve placés à la fin de la Bretagne, & dans plusieurs autres danses de Ville ; lorsque ces pas sont bien pris, ils sont des plus gracieux.

Il s’en fait aussi d’une autre façon, que l’on appelle pas de Bourée ouverts qui se font de la maniere suivante, sçavoir si on le prend du pied droit l’ayant en l’air, à la premiere position : vous pliez sur le gauche & vous portez le droit à côté à la deuxiéme position & vous élevez dessus : en vous élevant sur le droit la jambe gauche suit la droite en s’approchant à la premiere position, dans le même tems le pied droit se pose entierement, & de suite vous posez le pied gauche à côté à la seconde position en posant le talon premier, & lorsque le corps se pose sur ce pied, vous vous élevez sur la pointe ; ce qui attire la droite dont le pied se glisse derriere le gauche jusqu’à la troisiéme position, ce qui termine ce pas ; mais si vous en voulez faire un autre du pied gauche, il faut poser le talon droit à terre & plier dessus, & porter le pied gauche à côté en observant la même maniere, d’autant que l’on doit s’habituer de faire un pas d’un pied comme de l’autre.

Ce même pas se fait encore d’une autre maniere, en ce qu’en faisant votre premier pas qui est un demi-coupé, ayant le corps posé sur le pied gauche vous pliez dessus, & en prenant ce mouvement la jambe droite qui est en l’air marche en faisant un batement sur le cou du pied, & du même tems se porte à côté à la deuxiéme position en vous élevant dessus, & continués votre pas comme cy-devant.

On en fait encore un autre que l’on appelle pas de Bourée emboëté, en ce qu’il s’arrête au second pas à l’emboëture ; ce que je vais vous expliquer. Il faut faire le demi-coupé en arriere en portant le pied à la quatriéme position, le second pas se porte vîte à la troisiéme, & vous restez un peu dans cette position sur la pointe des pieds les jambes étenduës ; puis vous laissez glisser le pied qui est devant jusqu’à la quatriéme position, ce mouvement se fait en laissant plier le genou du pied de derriere qui renvoie par son plié le corps sur le pied de devant, ce qui fait l’étenduë de ce pas.

On place ce pas dans toute sorte d’airs, & vous en faites toutes les figures des danses avec facilité, parce que ce pas est aisé & coulant on le fait en tournant de la même façon que les précedens ; mais c’est aux Maîtres de conduire leurs Ecoliers dans la regularité des danses qu’ils leur enseignent, je me contenterai seulement de donner une explication de la maniere de faire tous ces differens pas.

Il se fait un autre pas dans le même genre à qui l’on a donné le nom de pas de Bourée vîte ou à quatre pas ; mais comme j’ai consulté de très-habiles gens non-seulement sur la maniere de former les pas ; mais même sur les noms propres que l’on leur a attribué : & comme j’ai vû les sentimens partagez, je ne veux pas non plus en décider, je laisse aux uns & aux autres la liberté de les nommer : quant à ce pas je dirai que le vrai pas de Bourée est celui que j’ai décri le premier, le second est un fleuret ; ainsi comme le vrai pas de Bourée a deux mouvemens, & que le fleuret n’en a qu’un, il me paroît que l’on pourroit attribuer à celui-ci le nom de pas de Bourée doublé, puisqu’il se commence par un demi-coupé : ensuite deux pas marchez sur la pointe, & un demi-jetté qui termine ce pas ; c’est pourquoi on peut dire que ce pas est composé d’un fleuret & d’un demi-jetté.

Mais comme je ne me suis proposé que de donner la maniere de faire tous ces differens pas, sans m’arrester à l’étimologie de leurs noms, parce que la plus grande partie de ces pas sont tirés des differentes danses qui sont en usage dans nos Provinces, à laquelle on leur a donné toute la propreté que l’art permet, & dont il porte le nom de ces danses.

Par exemple, le pas de Rigaudon est tiré du Rigaudon, qui est une danse fort en usage en Provence, & que les originaires du païs dansent naturellement, & même chaques Cantons le danse differemment les uns des autres, ce que j’ai vû dans le tems que j’étois dans ce païs.

La Gavote vient originairement du Lyonnois & du Dauphiné, & c’est de-là que l’on a tiré nombre de contre-tems que nous avons dans nos danse ; ce qui s’est introduit par les soins de plusieurs grands Maîtres que nous avons eu, à qui l’on est redevable des soins qu’ils se sont donnez, d’avoir mis ces pas dans toute la grace qu’ils ont aujourd’hui, ce qui a donné tout le brillant & le bon goût à cet art.

La Bourée vient d’Auvergne, les Menuets du Poitou & de l’Anjou, le Passepied qui est plus leger, est la danse la plus en usage en Bretagne, quoique selon plusieurs Historiens ils citent le Passepied comme une danse très-ancienne.

Et ainsi que plusieurs autres danses, dont je n’entreprend pas de donner l’origine.

Il y a un autre pas que l’on appelle positivement fleuret, il se fait de deux manieres differentes ; mais comme je ne l’ai trouvé dans aucune danse de Ville ; c’est ce qui fait que je n’en donnerai aucune explication. Ne l’ayant rapporté qu’à l’occasion du pas de Bourée à un mouvement, & que l’on nomme fleuret ; c’est pourquoi je reserve cette explication pour un autre volume, ce qui se trouvera dans la maniere de faire tous les differens pas de Ballet.