(1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXV. Des contre-tems du Menuet, & la maniere de les faire. » pp. 104-109
/ 775
(1725) Le maître à danser [graphies originales] « Le maître a danser. premiere partie — Chapitre XXV. Des contre-tems du Menuet, & la maniere de les faire. » pp. 104-109

Chapitre XXV.
Des contre-tems du Menuet, & la maniere de les faire.

Les contre-tems se font à la place d’un pas de Menuet ; mais depuis quelque tems on ne les pratique guere dans le Menuet ordinaire : depuis que les Passe-pieds & les Menuets figurez sont venus à la mode, il est vrai que ces danses ont beaucoup d’agrément, par la varieté de leurs figures, & les differens pas dont elles sont remplies, & comme les contre-tems en font en partie la construction, je vais décrire la maniere de les faire selon les regles de l’Art.

Mais pour les bien faire, il faut auparavant comprendre comme ils se forment, ils renferment trois manieres de sauter differentes : l’une est sautée avant le pas, la deuxiéme est sautée après le pas, & la troisiéme en faisant le pas.

La premiere maniere est, que lors que vous avez fini votre pas de Menuet ; (& comme vous le finissez du pied gauche) il faut porter le corps entierement dessus, & approcher le droit auprès à la premiere position, puis plier dessus le gauche, & vous relever en sautant ; c’est ce qu’on appelle communément sauter à cloche-pied, & c’est sauter avant le pas.

La deuxiéme est qu’ayant le corps sur le pied gauche, vous repliez une seconde fois dessus, & puis estant pliez, vous glissez le pied droit devant vous à la quatriéme position ; & vous vous relevez dessus en sautant, & c’est sauter après le pas.

La troisiéme enfin est, que comme vous avez le corps posé sur le droit, vous pliez dessus, approchant le gauche tout auprès ; puis en vous élevant vous le passez devant doucement, & vous vous laissez tomber dessus, en sautant : ainsi c’est sauter en faisant le pas.

Mais quand vous comprenez bien ces trois tems differents, vous les faites tout de suite pour former votre contre-tems dans toute son étenduë.

Et pour se mettre dans l’habitude de les faire avec facilité, c’est de les faire alternativement après un pas de Menuet, en continuant d’en faire plusieurs de suite ; outre que cela vous facilitera, c’est qu’il vous donnera de la legereté, par consequent il faut dans les commencemens les bien marquer, d’autant que vous serez toûjours le maître, lorsque vous les executerez bien, de les adoucir.

A l’égard des Dames, c’est la même maniere : à l’exeception qu’elles ne doivent pas tant marquer le saut, tant par bien-séance que parce qu’il seroit trop outré pour elles ; & même lorsque vous dansez un Passe-pied ou Menuet figuré avec une Demoiselle, il faut adoucir vos contre-tems, pour se conformer à sa maniere temperée, & pour ménager cet accord entre vous deux, qui fait en partie la beauté de la danse.

De plus, c’est que les contre-tems sautez ne conviennent qu’à de jeunes personnes, ou des personnes de moyenne taille : & pour ceux qui sont d’une taille avantageuse, il les faut faire en tems de Courante & demi-jetté, comme je l’ai déja marqué dans la maniere de donner les mains : parce qu’il ne convient point à de grandes personnes de sauter, & de se tourmenter dans les danses figurées, où ce n’est que des mouvemens doux & gracieux, qui ne dérangent pas le corps de ce bon air qui est si fort estimé & usité par notre Nation : ce qui n’est pas de même de plusieurs contre-danses que l’on a introduit en France depuis quelque temps, & qui ne sont pas du goût de tous ceux qui aiment la belle danse.

Il est vrai, qu’il y en a plusieurs qui n’ont aucuns desseins, ni aucuns goûts, puisque c’est toûjours les mêmes figures, sans aucuns pas assurez, toute la plus grande perfection de ces contre-danses, est de se bien tourmenter le corps, de se tirer en tournant, de taper des pieds comme des Sabotiers, & de faire plusieurs attitudes qui ne sont point dans la bien-séance : on me dira que cela divertit une compagnie ; parce que plusieurs personnes dansent à la fois, il n’est pas impossible de faire des danses où plusieurs personnes peuvent danser ensemble, mais avec des pas & des regles gracieuses & moderées à l’imitation des danses Allemandes, que j’ai veu danser en Allemagne ; quoiqu’elles changent de mouvement, il s’y garde une certaine regle qui ne cause point de confusion, surtout parmi les personnes de distinction, ainsi on peut composer des danses qui soient dansées à plusieurs personnes, & qui peuvent avoir different mouvement, comme d’air à deux tems legers & de Menuet, mais je souhaiterois que Messieurs les Maîtres qui composeroient ces danses les missent en Choregraphie, afin que l’on puisse les danser regulierement.

On a vû même l’usage des Branles où chacun menne à son tour, ce qui ne cause pas de confusion comme à nombre de ces contre-danses, que j’ai vû danser qui n’ont nul goût ; ce qui diminue le plaisir que l’on a à voir bien danser.