Apelles et Campaspe, ou la Générosité d’Alexandre.
Ballet
pantomime.
Personnages.
- Apelles .
- Campaspe .
- Alexandre .
- Roxane .
- Ephestion .
- Dames de la cour d’Alexandre.
- Guerriers.
- 1 Elève d’Apelles.
- Jeunes élèves d’Apelles, déguisés en amours, zéphirs, lutteurs et gladiateurs.
- Femmes, esclaves d’Apelles, déguisées en Graces et en Nymphes.
Argument.
Alexandre ayant ordonné à Apelles de faire le portrait d’une de ses favorites nommée Campaspe ; Apelles frappé de la beauté de son modèle, en devient amoureux. Campaspe partage son amour ; Alexandre s’en apperçoit, fait le sacrifice de sa passion, et unit les deux amans.
Acte premier.
Scène I.
Apelles instruit de la visite d’Alexandre, donne les dernières touches au portrait de ce Prince, pour la réception du quel il a tout préparé. Ses élèves sont déguisés en amours et en zéphirs ; d’autres en lutteurs et en gladiateurs, grouppés connue l’antique : les femmes qui lui servent de modèles, paroissent sous la forme des Graces et des Nymphes. Apelles veut qu’Alexandre prenne son atelier pour celui des jeux et des plaisirs. Cette troupe riante est ingénieusement distribuée par l’artiste ; des amours broyent les couleurs ; d’autres essayent leurs crayons, des zéphirs chargés des présens de Flore s’offrent pour modèles ; les Graces forment grouppe avec l’Amour enfant ; elles lèvent mystérieusement le voile qui couvre son berceau ; ce petit Dieu est endormi. Une Nymphe prépare la palette et une autre les pinceaux d’Apelles.
Scène II.
Un bruit d’instrumens militaires annonce l’arrivée d’Alexandre. Il est dévancé par ses principaux officiers ; Campaspe marche à sa droite ; elle est voilée ; ses femmes la suivent. Ephestion, favori de ce Prince, marche à la gauche.
Apelles s’incline aux pieds d’Alexandre, qui le comble de bontés. Il examine son portrait, les Graces le lui présentent ; des Amours se grouppent de différentes manières, et servent, pour ainsi dire, de support à ce chef-d’œuvre de l’art, que la gloire couronne.
Alexandre frappé du mérite du peintre et de la manière agréable dont il lui présente son ouvrage1 applaudit à son génie. Il lui demande s’il n’a point quelques portraits de femmes à lui montrer. Le peintre lui présente celui de Vénus, occupée à choisir dans le carquois de l’Amour, la flèche, qui doit blesser Adonis. Alexandre enchanté de la beauté du tableau, de l’expression des figures, de la correction du dessin, et des teintes harmonieuses qui en forment le coloris, prend la résolution de faire faire le portrait de Campaspe ; il la fait avancer et lui ôte son voile : Apelles, qui n’a jamais rien vu de si beau, recule de surprise, et d’admiration.
Alexandre par des peintures vivantes, veut augmenter l’enthousiasme de l’Artiste, il ordonne à Campaspe de marcher et de déployer ses Graces, elle se pose dans les attitudes les plus variées et les plus pittoresques : chaque mouvement exprime un sentiment ; elle réunit les graces à la volupté ; les traits de sa figure et le feu de ses regards prêtent l’ame et la vie aux positions de son corps, toutes ces peintures délicieuses enchantent Apelles, et portent à son cœur le trouble et l’émotion. Alexandre voulant lui donner une nouvelle marque de sa bonté, ordonne à ses femmes de se réunir à Campaspe, et d’exécuter avec elle la danse des couronnes ; (cette danse fait allusion aux conquêtes multipliées du héros, et aux lauriers que ses victoires lui ont mérités.)
Scène III.
Roxane qui a des droits sur le cœur d’Alexandre, paroît avec l’empressement que lui donnent les soupçons dont son âme est agitée, prête à oublier ce qu’elle doit à son maître, elle cherche d’un œil inquiet et curieux, la rivale qu’elle redoute ; elle l’apperçoit et lance sur elle des regards qui expriment tous les sentimens que lui inspire sa jalousie. Un geste d’Alexandre modère son emportement et rassure Campaspe ; il ordonne à sa suite de se retirer et engage Apelles à commencer le portrait de campaspe, et à déployer tous les trésors de son art, pour reproduire, par une imitation fidèle, un objet qui lui est cher. Il sort en faisant à Campaspe les plus tendres adieux, et pendant cette scène, il va examiner les chefs d’œuvres qui composent la galerie d’Apelles.
Scène IV.
L’amour qu’Apelles a conçu pour Campaspe, lui fait imaginer de se servir du déguisement de ses élèves, pour rendre à cette beauté la séance plus variée, et moins ennuyeuse.
Il examine son modèle, et le place dans plusieurs attitudes ; des Amours cherchent à les saisir et à les dessiner ; d’autres arrangent les couleurs qui doivent servir à reproduire les traits de Campaspe ; Apelles éperdu, troublé, ne sait plus quel choix il doit faire : toutes les situations lui paroissent également belles ; il crayonne, il efface, il esquisse de nouveaux traits, il les efface encore, et après un instant de réflexion, il veut la peindre en Déesse. Il donne ses ordres ; les élèves disparoissent, et un moment après, ils apportent une lance, un casque, un bouclier et des trophées d’armes.
Les femmes qui servent de modèles à Apelles, tiennent tout ce qui est nécessaire au costume de Pallas, elles attachent la cuirasse ; l’une lui présente sa lance, l’autre son égide, et Apelles lui met le casque en tête, il la place sur un piédestal peu élevé surmonté d’une colonne tronquée, et lui donne l’attitude noble et fière de Pallas ; il distribue à l’entour du piédestal les petits génies de la guerre tenant des timbales, des trompettes, des étendards et divers instrumens militaires. Ce grouppe ainsi distribué, Apelles esquisse, il efface, et peu content de son idée il veut peindre Campaspe en Flore.
Ses élèves apportent une grande corbeille remplie de fleurs et à double fond. Les Nymphes ornent l’habit de Flore de bouquets ; elles la couronnent de roses ; le peintre la pose dans la corbeille ; l’attitude qu’il lui donne est svelte, elle a une jambe en l’air et elle est dans l’action d’une femme qui vole dans les bras de son amant. Zéphir qui la reçoit dans les siens, la soutient dans cette attitude passagère. De petits Zéphirs et de jeunes Nymphes portant des corbeilles de fleurs, tenant des couronnes et des guirlandes, lient et enchaînent ce grouppe, qui est bientôt surmonté et couvert par un baldaquin de fleurs, supporté par quatre Nymphes.
Apelles vole vers sa toile, il trace, il crayonne il examine et recommence à dessiner. Peu content de son ouvrage il tombe sur son siège et s’abandonne à une nouvelle pensée. Il se persuade que Campaspe seroit beaucoup mieux, s’il la peignoit en Diane ; elle en a la fierté, la noblesse et la majesté. Cette nouvelle idée lui paroît supérieure à toutes les autres, il donne ses ordres, les Nymphes, compagnes de Diane couvrent l’épaule de campaspe d’une mante de peau de tigre ; elles y attachent un carquois ; on la couronne de feuillage. Apelles inspiré par l’Amour lui présente l’arc de ce Dieu, et une de ses flèches.
Au bruit d’un air de chasse, la nouvelle Diane et ses Nymphes prennent une course légère et rapide, et cette danse vive et brillante offre d’instans en instans des groupes pittoresques. L’Amour paroît ; Diane, en voulant le fuir, se trouve dans les bras d’Adonis. L’Amour la blesse ; le Berger est à ses genoux ; elle se laisse aller et se penche dans les bras des Nymphes, en exprimant la douleur que lui cause sa blessure. C’est dans cet instant que l’artiste se saisit de ses crayons, qu’il trace et retrace encore, qu’il efface, qu’il recommence, et que ses crayons indociles s’échappent de sa tremblante main. Il fait un geste, et le grouppe disparoît.
Il aborde Campaspe avec le trouble et l’émotion qu’inspire l’Amour ; il la supplie de pardonner à sa lenteur et à son indécision. Campaspe l’encourage ; il voudrait lui faire l’aveu de ses sentimens ; il n’ose s’y déterminer ; Campaspe, blessée du même trait que lui, désirerait lui dire combien elle est sensible aux émotions qu’il éprouve et qu’elle partage. Apelles, en la fixant tendrement, trouve que Vénus lui ressemble, mais qu’elle est plus belle que Vénus ; qu’elle la surpasse en graces et en attraits. Cette pensée le détermine à peindre Campaspe sous la forme de la mère des amours. Il donne ses ordres à son élève chéri, et dans l’instant on apporte tout ce qui est nécessaire à la composition de ce vaste tableau.
Apelles pose son modèle sur un lit de fleurs. L’Amour derrière elle mais plus élevé couronne Vénus. A l’entour de ce lit, mais sur des plans inégaux en hauteur, se place une foule d’Amours et de Zéphirs, tenant des corbeilles, des guirlandes, des cassolettes, des vases ; deux d’entr’eux portent les tourterelles de Vénus. Ce groupe paroît informe et ne dit rien, mais par un geste d’Apelles, il se dessine d’un trait et offre dans sa forme pyramidale l’ensemble le plus aimable et le plus voluptueux.
Apelles, voulant répandre une vapeur légère sur ce tableau et rendre hommage à la beauté qui l’enchante, fait brûler l’encens, et se prosterne aux pieds de sa Vénus.
Roxane, dévorée par la jalousie s’est introduite dans l’atelier d’Apelles ; elle est témoin de l’hommage qu’il rend à Campaspe ; elle fait éclater la joie que lui donne l’espoir de perdre sa rivale, et sort on faisant entendre qu’elle va dévoiler à Alexandre la trahison du peintre et la perfidie de Campaspe.
Apelles, s’étant livré à son enthousiasme et ayant rendu à la beauté qui l’enflamme l’hommage que son cœur lui devoit, retourne à l’ouvrage.
Alexandre, prévenu par Roxane, entre sans bruit ; il approche ; à la vue du groupe qui lui semble céleste ; il applaudit à l’imagination brillante de l’artiste ; il voit qu’il a été trompé, et il sort pour ne point distraire Apelles de son travail.
Eperduement épris, cet artiste ne voit que la belle Campaspe ; il trace, il efface, tous ses traits sont imparfaits. L’Amour a amorti ses crayons, émoussé ses pinceaux, affoibli ses couleurs. Son imagination, son goût et son génie l’ont abandonné pour faire place à l’Amour. Honteux de lui-même il brise ses crayons, il jette loin de lui sa palette et ses pinceaux et renverse son chevalet, il marche, il s’agite ; tout annonce en lui le désordre de ses sens.
Pendant cette scène, Campaspe participe à l’action ; elle exprime sa tendre inquiétude et voyant Apelles appuyé sur un bout de colonne, dans l’attitude d’un homme accablé sous le poids du desespoir, elle vole vers lui dans le dessein de suspendre ses maux. Apelles se retourne et la voit ; il tombe à ses génoux, il lui fait l’aveu de sa passion ; il la presse et la conjure de répondre à sa tendresse ; Campaspe emue et vivement troublée, lui avoue que son cœur la partage. Il se saisit de sa main, la baise avec transport. Alexandre paroît.
Scène V.
Ce Prince est accompagné d’Ephestion. Roxane le suit de loin. La surprise d’Alexandre est extrême ; elle égale la crainte dont les deux amans sont saisis. Ce Prince se livre à tout son ressentiment, Ephestion le modère ; Campaspe tombe aux pieds de son maître et s’y évanouit. Apelles paroît moins trembler pour lui que pour les jours de sa maîtresse. Alexandre, combattu par les différens mouvemens qui agitent son âme, cède enfin à celui de la générosité, oublie tout à la fois sa vengeance, son amour et fait grace aux perfides qui ont abusé de ses bontés et de sa confiance. Roxane se précipite dans les bras d’Alexandre ; elle vole au secours d’une rivale qu’elle ne craint plus. Campaspe revoit la lumière et embrasse les genoux d’Alexandre. Apelles se jette à ses pieds. Le favori de ce Prince lui témoigne l’admiration que lui inspire ce nouveau trait de grandeur, de clémence et de générosité.
Alexandre, non content d’avoir pardonné à Campaspe et à l’artiste, veut encore les unir et leur ordonne de le suivre ; ils sortent avec lui, en exprimant leur félicité et leur reconnoissance.
Dernière partie.
Alexandre, suivi d’un brillant cortège, conduit les deux époux, leur fait présenter la coupe nuptiale, les unit et les comble de présens, qui leur sont offerts par la suite de ce Prince.
Après cette cérémonie, Alexandre donne la main à Roxane, et l’élève au trône, au pied du quel on lui rend tous les honneurs qui lui sont dûs. Ce couronnement est terminé par une danse générale, à la quelle Alexandre daigne se mêler. Les mouvemens nobles et vifs de cette dernière fête, caractérisent la félicité des epoux, le bonheur de Roxane, la satisfaction d’Alexandre, et la joie de tous ceux qui ont été témoins de la victoire que ce héros a remportée sur lui-même.
Je me suis dispensé d’entrer dans les détails du couronnement de Roxane ;
Personne n’ignore que cette cérémonie auguste doit être pompeuse.