Hyménée et Cryséïs.
Ballet anacréontique.
Personnages.
- Hyménée .
- Cryséïs .
- Jeunes Athéniennes .
- L’Amour, sans attributs, et sous la forme d’un enfant ordinaire.
- Corsaires .
- Peuple d’Athènes .
Première partie.
Scène I.
Une troupe de jeunes Athéniennes se rassemblent sur le bord de la mer, pour y célébrer une fête en l’honneur de Cérés. Un jeune homme d’Athènes, nommé Hyménée, d’une naissance obscure, mais éperduement amoureux de la belle Cryséïs, se mêle à cette fête ; sa jeunesse, la beauté de la taille et celle de ses traits aident à son déguisement ; les jeunes filles le reçoivent parmi elles, le traitent comme une de leurs compagnes, et, à la faveur de son travestissement, il jouit du plaisir de voir sa maîtresse. Déjà tout est préparé pour le sacrifice ; on danse autour de l’autel, on l’orne de fleurs. Des Corsaires arrivent et jettent, par leur approche imprévue, l’épouvante dans l’âme des jeunes Athéniennes.
Scène II.
Les Corsaires débarquent, regardent avec avidité, et s’élancent sur leur proye ; Hyménée au désespoir, fait de vains efforts pour secourir sa maîtresse et la débarrasser des bras de ces ravisseurs.
Scène III.
D’autres Corsaires paroissent, qui disputent aux premiers une aussi belle capture ; le combat s’engage, et les jeunes Athéniennes deviennent le jouet de ces barbares : tantôt elles passent des bras des vainqueurs dans ceux des vaincus, et tantôt elles en sont arrachées. Hyménée fait dans ce combat, tout ce que l’amour peut lui suggérer pour secourir sa maîtresse et pour l’enlever à la fureur de ces brigands. L’acharnement des combattans ne cesse, que quand la fatigue les détermine à faire un égal partage. Hyménée, séparé de Cryséïs par le sort, se livre au plus cruel désespoir, lorsqu’il s’apperçoit que le Corsaire, au quel il est échu, ne veut consentir à aucun échange. Les Corsaires sont prêt à s’embarquer ; mais le ciel s’obscurcit tout-à-coup, le tonnère gronde, un vent impétueux soulève les flots et s’oppose à leur départ. Les Corsaires se réfugient avec leur capture dans une grotte pratiquée par la nature ; les jeunes Athéniennes s’abritent sous les arbres des bosquets. Les Pirates se livrent sans ménagement aux excès du vin, et ils peignent leur joye par des danses caractéristiques ; pendant cette scène, les Athéniennes expriment la plus vive douleur, et les Corsaires yvres et fatigués s’endorment.
Scène IV.
Un jeune enfant effrayé et mouillé par l’orage, court avec précipitation ; il cherche un azile au milieu des jeunes Athéniennes ; Cryséïs le reçoit dans ses bras ; il a peur, et peint sa situation ; il tremble de froid, pleure, et intéresse ces jeunes beautés ; il vole des bras des unes dans ceux des autres ; mais il revient sans cesse dans ceux de la belle Cryséïs ; il se couche sur son sein, l’embrasse et partage ses tendres caresses entre elle et le jeune Hyménée. Celui-ci, animé tout-à-coup par un nouveau sentiment, propose aux jeunes Athéniennes de briser leurs chaînes et d’immoler leurs ravisseurs. Il est écouté ; c’est l’Amour qui l’inspire ; c’est lui qui fait naître le courage ; c’est ce Dieu qui a suscité l’orage et soulevé les flots, c’est lui enfin, qui a résolu de faire le bonheur d’Hyménée et de la belle Cryséïs, en les unissant l’un à l’autre.
Les jeunes Athéniennes désarment et enchaînent leurs ravisseurs. Hyménée les frappe, tue les uns blesse dangereusement les autres. C’est encore l’Amour qui dirige les coups qu’il porte, et qui anime son bras.
Les Athéniennes libres cherchent avec empressement le jeune enfant, qui, pendant cette action, s’étoit caché derrière un buisson de roses. Cryséïs s’en approche ; elle apperçoit cet aimable enfant ; il vole à elle, l’embrasse, applaudit à la valeur d’Hyménée et au courage de ses compagnes : il inspire à Hyménée l’idée d’aller à Athènes et d’annoncer aux habitans de cette ville désolée le retour de leurs filles chéries, et leur déclarer qu’il est leur libérateur. Il part.
Pendant son absence, l’Amour joue avec les jeunes Athéniennes. Elles se disputent une rose qu’il tient à la main. Ce badinage offre des danses légères et une foule de grouppes dessinés par le plaisir. Cryséïs obtient la rose, et le parfum qu’elle exhale, fait palpiter son cœur ; elle se blesse le doigt ; l’epine de cette rose est une flèche de l’Amour. Ce Dieu la console ; il ramasse la fleur échappée de la main de Cryséïs et l’attache à son sein. Il conduit en folâtrant les jeunes Athéniennes au bord de la mer. A l’aspect de ce Dieu, les barques des Corsaires s’engloutissent, et, par un nouveau prodige, elles sont remplacées par un superbe vaisseau1.
L’Amour les engage à s’y placer. Dans cet instant, Hyménée de retour, paroît non comme une jeune Athénienne, mais comme un jeune homme aussi beau qu’Adonis. Il tombe aux pieds de Cryséïs qui se jette dans ses bras. La troupe enjouée s’embarque : les Zéphirs dirigent la manœuvre ; l’Amour s’empare du gouvernail ; le vaisseau prend le large, et un vent, favorable le pousse bientôt à Athènes.
Seconde et dernière partie.
Le peuple attend avec impatience l’arrivée des jeunes Athéniennes. A la vue du magnifique vaisseau qui les amène, les inquiétudes font place à la joye et à l’allégresse. Cryséïs vole dans les bras de son père ; d’autres se précipitent dans ceux de leurs mères ; celle-ci retrouve son frère ; celle-là embrasse sa sœur ; le jeune Hyménée est entouré par ses amis. Cette scène offre un tableau plein d’intérêt ; l’amour paternel et l’amour filial y éclatent de toutes parts. Le peuple pénétré d’admiration offre des couronnes de roses et de laurier aux valeureuses Athéniennes. Il couronne le brave et intrépide Hyménée. Les parens de la belle Cryséïs l’unissent à son libérateur, et, par un mouvement d’enthousiasme et d’admiration, le peuple place Cryséïs et son amant sur un pavois, les élève et les porte en triomphe : on danse autour de ce pavois, et on les conduit au temple de l’Amour. Ce Dieu qui avoit disparu, se montre avec tous les attributs de sa divinité sous le portique de son temple ; il reçoit le couple heureux dont il va cimenter l’union. Ces deux amans tombent à ses pieds ; l’Amour les embrasse et les conduit dans son temple. On les suit en foule ; et le peuple, frappé de ce nouveau prodige, exprime tout à la fois son respect et son admiration.
Nota. J’ai composé ce ballet, il y a trente ans au moins, pour M. le Picq, mon élève, actuellement maître des ballets de Sa Majesté l’Empereur de Russie. Ce beau danseur avoit à cette époque les talens, les graces, et la figure propres à rendre le rôle d’Hyménée et à entraîner le public à l’illusion.