Psyché et l’Amour.
Ballet héroï-pantomime.
Personnages.
- Psyché .
- Vénus .
- L’amour .
- Adonis .
- L’hymen .
- Mercure .
- Les Graces.
- Nymphes, Jeux, Ris et Plaisirs ; troupes d’Amours et de Zéphyrs.
- Les Euménides.
- Les Parques.
- Troupes de Démons.
- Prêtres et Prêtresses de l’Hymen.
- Divinités célestes.
Argument.
Ce sujet est assez connu, pour me dispenser d’en donner un programme. On sait que Psyché étoit d’une beauté rare ; que Vénus en devint si jalouse, qu’elle employa tout son pouvoir pour la persécuter, que l’Amour frappé des charmes de Psyché, conçut pour elle la passion la plus vive, et qu’il se détermina à l’épouser ; que la curiosité de cette jeune Princesse pour connaître son vainqueur, qui ne la voyoit que la nuit, excita pendant quelque tems la colère de ce dieu, et qu’il l’abandonna quelques instans ; on n’ignore pas, dis-je, que Venus profita de ce moment, pour s’abandonner à sa vengeance, et qu’elle livra la malheureuse Psyché aux fureurs des divinités infernales ; qu’indépendamment des tourmens que les furies lui firent éprouver dans ce séjour de douleur, elle y perdit encore ses charmes et sa beauté ; que l’Amour toujours tendre et toujours épris se fraya une route dans les enfers, qu’il y enleva Psyché prête à perdre la vie, qu’il la transporta dans le palais de Vénus, qu’il reconcilia enfin cette divinité avec Psyché, qui recouvra sa fraîcheur et ses charmes : et que l’Amour l’épousa.
Je préviendrai la critique juste et éclairée des artistes, en leur annonçant que j’ai supprimé les ailes que les poëtes et les peintres donnent quelquefois à Psyché, et toujours à l’Amour ; je dirai que chaque art a sa magie et ses règles de convenance ; que les ailes de Psyché se seroient opposées aux différens effets de mes grouppes ; cette raison m’a encore déterminé à supprimer les attributs que l’on prête à l’Amour. Dailleurs, dans cette circonstance, il a cessé d’être enfant ; il veut cacher à Psyché tout ce qui caractérise sa divinité ; il veut lui plaire comme mortel ; j’ajouterai, que ce dieu ayant formé le projet d’epouser Psyché et de lui être fidèle, il a été très prudent à lui de se défaire de ses ailes, symbole bien caractéristique de la légèreté, de l’inconstance et de l’infidélité.
Je n’entreprendrai point de rendre avec des phrases les tableaux, les situations et les grouppes perpétuellement variés de la scène nocturne du premier acte ; il faudroit beaucoup de mots pour exprimer un sentiment ou une pensée ; et il ne faut qu’un geste pour peindre l’un et l’autre ; la pantomime est une langue universelle, qui articule, pour ainsi dire, avec la rapidité de l’éclair. J’oserai seulement dire, que tout dans cette scène y est ménagé par la décence, qu’il n’y avoit qu’une ligne imperceptible à franchir pour choquer la bienséance et révolter la pudeur d’un sexe que le respect et l’honnêteté doivent également ménager. Au reste cette scène absolument neuve à la pantomime héroïque, peut être regardée, (si toutefois j’ai eu le bonheur de réussir,) comme le point géométrique au quel peut être poussé l’art du geste, et celui où il doit s’arrêter, pour donner une juste idée de la difficulté vaincue.
Première partie.
Scène I.
Psyché en habit de victime est enchaînée sur un rocher escarpé ; elle ne peut regarder sans frémir les précipices dont elle est environnée : accablée sous le poids de son infortune, elle étend les bras vers le ciel, elle implore son secours, et ne pouvant plus résister aux images effrayantes que son imagination lui trace, elle tombe presque mourante, dans l’attitude la plus propre à exprimer l’excès de sa douleur et de son désespoir.
Scène II.
L’Amour, vivement épris des charmes de Psyché, ne peut être insensible à sa douleur ; il veut la soustraire aux dangers qui la menacent, et à la vengeance de Vénus : Il paroît avec Zéphyre, et lui ordonne de transporter Psyché dans son palais. Zéphyre a bientôt atteint la cime du rocher ; l’Amour d’un seul geste le change en un char brillant, qui soutenu par des nuages, s’élève et traverse les airs. Le dieu de Cythère, satisfait d’avoir dérobé Psyché aux tourmens que lui préparoit l’implacable jalousie de sa mère, quitte la scène en exprimant l’excès de son bonheur.
Seconde partie.
Scène I.
Psyché endormie sur de riches carreaux, est environnée par les Graces ; les Nymphes, les Jeux, les Ris et les Plaisirs ; leurs mouvemens, leur action et leurs danses légères lui tracent les tableaux variés du plaisir et de la volupté. Ces images séduisantes frappent son imagination ; elles ouvrent son cœur à la tendresse. Elle exprime dans son sommeil toutes les impressions délicieuses que la troupe enjouée se plaît à lui peindre(1).
Scène II.
Un trait vif et brillant d’harmonie annonce l’Amour ; ce bruit éveille Psyché. Dans le même instant un léger nuage s’élève à sa droite ; il est surmonté par des Amours et des Zéphyres. Deux Nymphes tenant un miroir s’en approchent ; les Zéphyres le soutiennent ; et ce grouppe pyramidé est dessiné dans nn instant. Psyché fixe un regard étonné sur les objets enchanteurs qui l’entourent. Les Graces la parent d’une ceinture de diamans ; elles posent sur sa tête un diadême éclatant, de pierres précieuses ; elles ornent son habit de guirlandes de roses. L’Amour, caché derrière les Nymphes, jouit de la surprise, de la beauté et des graces de l’objet qui l’enchante ; mais quel est l’étonnement de Psyché, lorsqu’elle jette les yeux sur le miroir, le premier, sans doute, qu’elle ait vu ; elle se mire, elle se considère, elle recule, elle avance ; et sa physionomie, ses mouvemens et ses gestes étant répercutés par le miroir, elle ne peut concevoir qui peut produire cet enchantement ; elle réfléchit, et retourne au miroir ; elle y déployé ses graces ; elle prend des positions différentes : la glace les lui répète. Elle exprime tous les sentimens que l’influence secrète de l’amour lui inspire. Ce dieu paroît, et se place derrière elle ; les traits aimables de l’amour s’impriment sur le miroir : Psyché, qui n’a rien vu de si beau, trésaille d’admiration ; elle se retourne ; mais l’Amour a disparu. Elle ne voit plus que des Nymphes, et ne retrouve plus les traits de son vainqueur ; elle s’assied avec dépit et s’abandonne à ses réflexions.
L’image séduisante de l’Amour la rappelle bientôt à la glace : elle n’y voit qu’elle et les Graces ; mais les Graces ne sont pas l’Amour. Psyché est triste ; sa contenance annonce tout à la fois son amour et son affliction : l’enfant de Cythère lui avoit apparu en songe ; elle avoit retrouvé son image sur le miroir ; il a disparu, mais il est dans son cœur : l’Amour, vivement touché s’approche, et sa physionomie réfléchie pour la seconde fois par la glace, rappelle Psyché au bonheur : il lui tend la main, elle veut s’en saisir, et ne trouvant qu’une surface polie, elle se retourne avec précipitation : mais l’Amour a disparu ; le jour baisse ; et ce dieu ordonne à la cour brillante de Psyché de s’éloigner.
Psyché cherche à travers l’obscurité ou son vainqueur, ou une issue pour sortir des ténèbres ; mais elle trouve bientôt l’amour qui la quitte d’instant en instant, pour augmenter son trouble et son impatience, et qui revient toujours à elle, plus tendre, et plus empressé : C’est vainement que Psyché le presse de se faire connoître ; les refus de l’Amour sont constans ; il veut jouir de l’incognito.
A la fin de cette scène nocturne, dont il est impossible de décrire les situations variées et les tableaux qui en résultent, l’Amour se trouve soudainement accablé de sommeil. Morphée sollicité, sans doute par Vénus, répand avec profusion ses pavois sur les yeux de Cupidon ; ce dernier fait de vains efforts pour résister à une situation qui lui enlève le plaisir de voir ce qu’il aime. Il tombe endormi sur le Sopha placé dans le fond du palais. Psyché exprime sa surprise et son dépit ; mais animée par le sentiment de la curiosité, elle se retire doucement, et reparoît bientôt tenant une lampe à la main ; elle approche en tremblant, elle examine avec admiration les traits enchanteurs de l’Amour, une éteincelle de la lampe tombe sur sa cuisse, le brûle et l’éveille ; il se lève en fureur, il fuit Psyché ; c’est vainement qu’elle le presse, qu’elle le prie, qu’elle tombe à ses genoux ; l’Amour est inéxorable ; il sait dailleurs, que la curiosité de Psyché la livre à toute la vengeance de Vénus ; que dans cet instant, sa puissance est subordonnée à celle de sa mère ; il court et s’éloigne de ce qu’il adore, en exprimant tout à la fois et son courroux et l’intérêt le plus tendre.
Scène III.
Psyché vole après son amant qui est soudainement remplacé par Tysiphone ; cette furie armée d’un poignard, poursuit sa nouvelle victime et lui annonce tous les tourmens aux quels elle est condamnée. Bientôt paroissent Mégère et Alecton suivies de deux démons : à la vue de Psyché, elles expriment leur joye barbare, elles se saisissent d’elle avec fureur, et ne pouvant l’arracher du palais de l’Amour, elles l’enlèvent pour la précipiter dans le séjour des morts. Cet enlèvement offre un grouppe contrasté d’expressions et de sentimens.
Troisième partie.
Psyché fuit avec les pas précipités de la frayeur, les monstres qui la poursuivent ; ils l’atteignent bientôt ; ils se livrent à toute leur rage, et ils accumulent tourment sur tourment ; on l’attache à un rocher, et les cruelles Euménides, armées de fouets et de serpens, lui ordonnent de le déplacer et de le traîner vers le milieu de la scène : la malheureuse Psyché, succombe en obéissant à la tâche qu’on lui impose ; elle tombe mourante sur le même rocher ; les habitans des enfers font éclater leur joye ; ils délivrent Psyché de ses chaînes ; afin de prolonger ses tourmens et sa mort.
Psyché revenue à elle-même, cherche vainement à sortir de ce lieu d’épouvante et d’horreur ; ses genoux tremblans se dérobent sous elle ; elle tombe et elle invoque l’Amour : puis apperçevant les Euménides et les Démons étendus sur ses rochers et privés de mouvemens, elle s’imagine que ces monstres implacables sont endormis : elle se dispose à gravir la cime d’un rocher qui se prolonge en col de grue sur le fleuve ; mais la troupe infernale se lève, trépigne de rage, s’élance du haut des rochers, poursuit sa proye et l’atteint : Tisiphone s’en saisit.
Scène II.
L’Amour, sensible aux larmes et aux maux de Psyché, s est rendu à ses instantes prières ; il paroît, et témoin du danger qui menace les jours de son amante, il ordonne à Tisiphone de lui rendre cet objet cher à son cœur. Cette furie se refuse aux vœux empressés de ce dieu ; il la menace, mais peu éffrayée de son courroux, elle précipite Psyché dans le fleuve, et s’y jette à son tour ainsi que ses deux farouches compagnes. L’Amour exprime son désespoir ; il jure par le Styx qu’il triomphera des Enfers et qu’il arrachera Psyché à la mort qu’on lui prépare : il disparoît.
Scène III.
La terre s’en trouve et laisse un libre passage aux flammes qui s’en exhalent. Une troupe de Démons en sortent et. allument leurs torches aux feux qui s’élèvent de ce souterrain. Les Euménides tenant le bout des chaînes dont la malheureuse Psyché est chargée, l’arrachent de ce gouffre. Elle est suivie par les parques. Mais, avant de perdre la vie, les Furies se font un plaisir barbare de lui faire éprouver les plus cruels tourmens. Cette scène d’horreur offre une foule de tableaux plus déchirans les uns que les autres.
Psyché sans mouvement et étendue sur la terre va recevoir la mort. Atropos se dispose à trancher le fil que Lachésis lui présente. L’Amour paroît. L’Enfer frémit ; Hercule lui a prêté ses forces ; il lutte contre les Enfers ; il combat, il renverse les Euménides ; il enchaîne et désarme les parques ; et cette troupe infernale vaincue et terrassée, lui sert, pour ainsi dire, de marche-pied ; il monte et s’élève au dessus de ce grouppe épouvantable.
Psyché revoit la lumière et son amant ; elle lui tend les bras : il y vole, il emmène Psyché ; un rocher se change en un char brillant. L’Amour s’y place avec son amante. Les Démons se lèvent et font de vains efforts pour arrêter le char de Cupidon. Une gerbe de feu sort de son flambeau, et les éloigne. Des gouffres s’entr’ouvrent de toutes parts. Les Euménides et leur suite s’y précipitent, et l’Amour vainqueur des Enfers, fend les airs et disparoît avec sa conquête.
Quatrième et dernière partie.
Scène I.
Vénus est placée sur son trône ; Adonis amant chéri de cette Déesse, est à ses pieds ; les Graces l’entourent et la couronnent : des Amours et des Zéphirs sont grouppés de différentes manières. Les Jeux, les Plaisirs et les Nymphes de la suite de Vénus composent la cour élégante de cette divinité.
Vénus et Adonis qui ne respirent que le plaisir, l’expriment par des danses légères.
Scène II.
L’Amour et Psyché paroissent ; et leur présence inattendue suspend les jeux ; à l’aspect de Psyché Vénus se livre à son courroux ; elle ne peut lui pardonner d’être la plus belle des mortelles, de lui avoir enlevé par ses charmes une foule d’adorateurs et d’avoir ravi l’Amour à son empire. Ici, ce Dieu devient suppliant, Psyché s’humilie et sollicite sa grace ; Vénus n’écoute rien, elle repousse Psyché avec colère et dédaigne les prières de l’Amour ; c’est vainement que les Graces, les jeux et les plaisirs sollicitent en faveur de Psyché ; c’est tout aussi vainement qu’Adonis tombe aux pieds de Vénus pour fléchir son courroux ; elle est inéxorable.
Scène III.
Le Dieu d’Hymen paroît, et loin d’appaiser le dépit de Vénus, sa présence ne fait que l’irriter d’avantage, elle reçoit l’hommage de ce Dieu avec le Dédain offensant du mépris, cependant la belle Psyché tente un dernier effort ; elle embrasse les pieds de Vénus et la supplie humblement de vouloir lui pardonner une faute bien involontaire. Vénus la repousse avec colère, et l’Amour vivement offensé, releve Psyché, et l’arrache, pour ainsi dire, d’une posture trop humiliante. Il se livre à son tour à tous les emportemens de la fureur et de la vengeance ; il menace sa mère, il jette loin de lui ses flèches et son carquois. Il brise son arc et lui promet de renverser ses autels et de renoncer pour jamais à son empire ; il fuit avec Psyché et l’Hymen ; Vénus vivement allarmée l’arrête et l’adoucit, en faisant grace à Psyché ; un baiser quelle lui donne et que l’Amour lui rend, forme le sceau de la réconciliation. Vénus ordonne aux Amours de présenter à Psyché la robe nuptiale. Les Graces s’empressent à l’envie de l’en revêtir, et d’ajouter, s’il est possible, aux charmes de Psyché, qui enchantée de son bonheur, vole dans les bras de Vénus, pour lui témoigner toute sa reconnoissance ; on la conduit à l’autel ; l’Amour allume son flambeau à celui de l’Hymen. L’encens brûle ; tout annonce l’allégresse d’un si bel instant.
Scène IV.
Un éclair perce la nue et est suivi d’un coup de tonnère ; les nuages brillans qui enveloppaient le palais de Vénus, disparoissent et sont remplacés par l’Olympe : Jupiter y paroît dans toute sa gloire ; non seulement il veut être témoin de l’union d’un Dieu qui lui est cher, mais il veut encore donner l’immortalité à colle qui à su lui plaire et le fixer.
Scène V et dernière.
Mercure descend de l’Olimpe ; il présente à Psyché, de la paît de Jupiter la couronne de l’immortalité ; Psyché exprime tous les sentimens de sa reconnaissance.
Elle embrasse l’autel de l’Hymen ; elle y fait serment de n’aimer que l’Amour ; et ce Dieu, qui jure imprudemment de lui être fidèle, lui présente la main. L’Hymen couronne les époux, et les enchaîne de fleurs ; Hébé leur présente la coupe nuptiale. Vénus, Adonis, l’Hymen, l’Amour, Psyché et toute la cour de Vénus se livrent à des danses vives et légères, symbole heureux de l’allégresse. Cette fête enfin se termine par un grouppe général, qui peint la félicité des amans et la joye de ceux qui en sont les témoins.