(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Avertissement. » pp. 33-34
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(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Avertissement. » pp. 33-34

Avertissement.

J’ai hésité quelque tems à joindre à cette édition de mes lettres sur la danse et sur les arts, quelques-uns des programmes de mes ballets : je ne me dissimule pas que ce ne sont pas précisément des ouvrages, et qu’ils n’apprennent rien sur l’art de la danse proprement dit.

Cependant en y réfléchissant, j’ai pensé que ces programmes pourroient avoir quelqu’utilité, ou plutôt qu’ils en avoient une très réelle ; en effet, c’est d’après eux que la plupart des ballets qu’on a donnés au public depuis moi ont été dessinés ; on a fait mieux, on ma fait l’honneur d’en prendre plusieurs et de les suivre scène par scène.

Assurément je suis très flatté de cette préférence ; mais les compositeurs, qui, par ces plagiats, m’ont donné cette marque d’estime pour mon talent, ont en tort de me faire le sacrifice du leur. Je ne doute pas que s’ils eussent travaillé d’après leur propre imagination, ils n’eussent fait aussi bien : du moins auroient-ils eu le mérite de l’invention. Quoiqu’il en soit, mes programmes de ballets ont appris à travailler un plan, à lui donner les grandes divisions qui forment les actes, et les sous-divisions, qui déterminent les scènes. Ce sont des espèces d’extraits de pièces dramatiques, dans les quels je me suis borné à suivre et à indiquer les différentes situations des personnages.

Je suis persuadé que les auteurs, en arrêtant sur le papier leurs idées sur une tragédie ou une comédie, commencent à en faire, si je puis m’exprimer ainsi, le programme ; et ce n’est quo dans l’exécution qu’ils donnent tout le développement dont il est susceptible.

Un programme offrant d’une manière plus rapprochée la totalité de l’ouvrage, on saisit mieux le plus on moins d’accord des parties, le plus ou moins d’effet des situations, et la vue de tout l’ensemble, en satisfaisant l’imagination, la dispose et l’échauffe pour la composition.

C’est d’après ces considérations que je me suis déterminé à faire imprimer ceux de mes programmes qui me sont restés ; car plus jaloux de la gloire et des progrès de mon art que de mon propre intérêt, j’en ai donné la majeure partie à mes élèves, ou à des artistes à qui ils pouvoient être utiles.

Je pense que le lecteur ne jugera pas à la rigueur cette espèce d’ouvrage. J’ai écrit sans prétention, plus occupé de mon sujet que du soin de travailler mon style. Ces programmes n’ont été dabord faits que pour moi, et pour arrêter l’esquisse de mes compositions, comme les peintres qui font toujours des esquisses des grands tableaux, qu’ils projettent ; et l’on a vu quelquefois les esquisses avoir un très grand mérite, par cela seul qu’ils indiquoient avec chaleur les caractères des figures et la beauté de la composition.

J’ai cru devoir faire précéder l’impression de mes programmes, de cet avertissement, afin de prévenir les critiques, en faisant connoître mon motif.

Il en est un autre dont il faut bien faire l’aveu : on a tant de fois mis mon ouvrage à contribution sans me nommer, on s est si souvent et si hardiment paré de mes dépouilles que j’ai senti qu’il ne me resteroit plus rien, si je ne prenois le parti de déposer et de consigner le peu qui me reste, afin que 1’opinion publique, je n’ose dire la postérité, puisse le reconnoître et le réclamer pour moi.