De la manière de jouer les airs de contredanse.
Pour prévenir l’inconvénient qui détruit chaque jour la bonne exécution de la danse, en lui faisant perdre tout son moelleux et son élasticité, il est nécessaire de présenter une règle pour l’exécution de la musique des contredanses.
Mouvemens à 2/4 ou 6/8.
Ces mouvemens doivent être exécutés environ quarante mesures à la minute, dérogeant aux principes de la musique qui veut que l’on presse ou ralentise selon la qualité du chant et du mouvement de la mesure. Le vrai mouvement élastique de la danse est un ; jouer trop lentement ou trop vite gêne son exécution. On peut s’en convaincre. Voyez les traits d’exécution pour la contredanse, pour lesquels traits les enchaînemens sont composés de huit pas ou tems simples, exécutés chacun par un plié et un enlevé, qui fait seize tems que le danseur exécute durant quatre mesures. Ces tems se multiplient encore dans l’exécution double des pas, mais qui par cette raison se réduisent toujours à la même valeur. Par cet exemple, on voit que le danseur marque tous les tems de la mesure. C’est alors un défaut d’observer des silences dans la musique, quand ils ne sont pas remplis par des accompagnemens ; comme aussi de retrancher la valeur des notes pointées principalement à la fin d’un trait ; ce qui fait paraître en défaut le danseur qui a remplis cette valeur.
Cette difficulté provient de ce que les musiciens n’étant pas danseurs, croient que le danseur doit finir son enchaînement à l’instant où il frappe la dernière mesure du trait. Ils se trompent : le danseur observe la mesure, mais suit le chant ; ce qui fait qu’il est susceptible de se tromper dans les contredanses où les traits ne sont pas bien détachés par le chant. Ce défaut dans la composition est beaucoup multiplié maintenant.
Le musicien qui voudrait jouer la contredanse et s’assurer de son véritable mouvement, peut l’observer sans être danseur. Pour cet effet, en frappant la mesure, il doublera les coups ; ce qui marquera quatre tems, deux levés et deux frappés pour chaque mesure, et par conséquent seize tems pour les quatre mesures d’un trait de contredanse. Ce nombre est exact avec celui du danseur, comme nous l’avons démontré ci-dessus, et par cette raison produit le même mouvement, comme un redoublement de frappement produirait celui semblable à l’exécution double de la danse : c’est alors qu’il pourra se faire une idée de la difficulté qu’un jeu trop pressé offre à l’exécution de la danse. Cette difficulté se fait presque toujours sentir quand on danse au piano ; instrument ingrat par la vitesse de son jeu, en ce qu’il ne peut soutenir les tems simples de la mesure, qui donne l’expression à l’exécution de la danse. Un autre défaut que nous reprocherons aux musiciens ou autres personnes qui font danser, c’est de consulter leur goût pour le choix des contredanses, plutôt que le besoin pour l’exécution de la danse.
Il existe un mésaccord parmi les musiciens et les maîtres de danse, sur la qualité des contredanses : les uns veulent, pour qu’un air de contredanse soit facile à danser, que la mesure commence par le tems levé ; les autres veulent qu’elle commence au contraire par le tems frappé de la mesure ; et d’autres enfin voudraient que la mesure terminât entièrement le chant pour se rencontrer avec le danseur qui suit cette règle : ce qui serait extrêmement convenable, par la raison que le danseur suit le chant qui, par ce moyen, lui fait observer la mesure, dont souvent il ne pourrait en distinguer les tems de levé ou de frapper. Il importe que les musiciens soutiennent les tems de la mesure qui termine le chant, parce que c’est toujours sur le dernier tems que retombe le danseur, puisqu’il suit le chant sans avoir égard à la distinction des tems de la mesure. C’est par cette raison que le danseur se règle sur la qualité du chant, et que lui, le musicien et le maître de danse sont d’accord qu’un air de contredanse, facile à chanter, est également facile à danser. C’est par conséquent sur cette qualité qu’il faut régler son choix pour les airs de contredanses