Chapitre VIII.
Objections : Plusieurs directeurs permettent la Danse.
Une septième objection qu’on fait pour soutenir les danses, c’est que si elles étoient aussi dangereuses que nous le disons ; il n’y auroit pas tant de confesseurs qui permettent à leurs pénitens et pénitentes cette sorte de divertissement, ou qui ne s’y opposent que foiblement.
Réponse. Je demande si l’autorité de ces confesseurs si indulgens, est préférable à celle des docteurs dont j’ai rapporté les décisions contre les danses. Dira-t-on qu’ils ont plus de lumières et de piété, et qu’ils sont plus habiles dans l’art de conduire les ames, que ces anciens pères ? On ne donne à la conduite de ces confesseurs, si faciles et si complaisans au sujet des danses, la préférence sur la doctrine de ceux que l’Eglise révère comme ses docteurs, que parce que leur facilité est plus conforme aux désirs déréglés du cœur. Mais n’est-ce pas là plutôt une raison de ne pas s’en rapporter à leur jugement, puisque tout ce qui s’écarte de la voie étroite, et tout ce qui appartient à la voie large, est réprouvé par Jésus-Christ ?
On veut se prévaloir de la multitude des confesseurs indulgens pour les
danses ; mais
ne sommes-nous pas avertis par
Jésus-Christ,
de nous garder des faux
prophètes
; (Matth. c. 7, v. 15) et que,
si un
aveugle conduit un autre aveugle, ils tomberont tous deux dans la
fosse ?
(ibid. c. 15, v. 14.)
On lit au 3.e livre des rois, (c. 22.) que pour un seul
véritable prophète, nommé Michée, qui eut le courage de dire la vérité à
Achab, il se trouva quatre cents faux prophètes qui ne cherchèrent qu’à le
flatter, et qui, en l’assurant qu’ils lui parloient de la part de Dieu, qui
ne les avoit pas envoyés, l’engagèrent dans une entreprise qui lui coûta la
vie. Après un tel exemple, est-il permis de se rassurer sur la multitude des
confesseurs qui trompent les ames, ou par ignorance ; ou par une lâche
complaisance ; pendant qu’un très-petit nombre plus occupés du soin de
plaire à Dieu et de sauver ceux dont ils sont chargés, que de plaire aux
hommes,
enseignent
, à l’exemple de leur divin Maître,
la voie de Dieu dans la vérité, sans avoir égard à la condition
des personnes
? (Matth. c. 22, v. 16.) Dieu a
permis par un très-juste jugement qu’Achab fût trompé par quatre cents faux
prophètes, parce qu’il désiroit de l’être. En effet, quand le roi Josaphat
lui demanda s’il n’y avoit pas quelque prophète du Seigneur par lequel ils
pussent consulter le Seigneur, Achab lui répondit qu’il y en avoit un, par
qui ils pouvoient consulter le Seigneur ; mais qu’il haïssoit cet
homme-là, parce qu’il ne lui prophétisoit jamais rien de bon,
et qu’il ne lui annonçoit que
du mal
.
(5. Rois, c. 22, v. 8.) N’étoit-ce pas faire entendre
clairement qu’il ne consultoit pas dans une intention sincère de connoître
la volonté de Dieu et de la suivre, mais avec un secret désir qu’on lui dît
ce qui lui plaisoit et ce qu’il vouloit ? C’est pour le punir de cette
mauvaise disposition que Dieu permit au démon d’être un esprit menteur dans
la bouche de ces quatre cents prophètes, pour qu’ils le trompassent en lui
cachant la vérité qu’il craignoit de voir. N’est-ce pas là encore
aujourd’hui la disposition de beaucoup de mauvais chrétiens qui, aimant
leurs vices et les erreurs qui les favorisent, sont secrètement ennemis de
la vérité, et ne peuvent souffrir ceux qui la leur représentent ? S’ils
paroissent consulter sur ce qui regarde leur conscience, c’est de mauvaise
foi, comme les Juifs dont le prophète Isaïe se plaint en ces termes :
(c. 30, vv. 9, 10 et 11.)
Ce peuple est toujours rebelle : Ce
sont des enfans menteurs, des enfans qui ne veulent pas écouter la loi
de Dieu ; qui disent aux voyans : Ne voyez point, et à ceux qui ont des
visions : N’ayez point de visions d’une justice si sévère. Dites-nous
des choses qui nous agréent ; n’ayez que des visions pleines de
mensonge ; éloignez-nous de la voie droite, détournez-nous du sentier
étroit.
Avec une telle disposition, par laquelle on ne consulte que pour trouver une
réponse favorable à ses passions, ne mérite-t-on pas, comme Achab, d’être
trompé par ceux que l’on consulte ? C’est ce que l’apôtre saint
Paul fait craindre aux chrétiens, lorsqu’après avoir
averti les Thessaloniciens, que l’antechrist doit venir avec toutes les
illusions qui peuvent porter à l’iniquité, il en rend aussitôt cette
raison : (2. Thess. c. 2, vv. 10 et 11.)
Parce
qu’ils n’ont pas reçu et aimé la vérité pour être sauvés, c’est pour
cela que Dieu leur enverra un esprit d’erreur si efficace qu’ils
croiront au mensonge ; afin que tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité,
et qui ont consenti à l’iniquité, soient condamnés.
En effet, la
vérité éternelle qui doit un jour nous juger, pourra-t-elle ne pas condamner
ceux qui s’en seront déclarés les ennemis ; qui craignent de la connoître ;
qui aiment ceux qui, pour les flatter et leur plaire, la leur cachent ; qui
ont une opposition secrète, et quelquefois même marquée, pour ceux qui leur
présentent sans déguisement la vérité à la lumière de laquelle ils doivent
marcher ? Ces gens, disent-ils, sont trop sévères ; ils mettent le ciel à
trop haut prix : ils sont plus capables de rebuter que d’attirer à Dieu.
N’est-ce pas là un langage à peu près semblable à celui d’Achab par rapport
au prophète Michée ?